L’âge d’or de Renée Rosen

Par Caroline @Lounapil
Enfant, Alva a assisté à la ruine de son père et à la déchéance de sa famille. Depuis, elle s'est juré de ne plus jamais connaître la misère et de prendre sa revanche sur le destin. Mais dans cette Amérique du tournant du xxe siècle, tenue d'une main de fer par une bourgeoisie vieillissante sûre de ses privilèges, quelle place pour une femme, certes ambitieuse mais roturière ?
Le mariage, d'abord. À force de manigances, Alva épouse un héritier Vanderbilt et s'assure ainsi une fortune colossale. L'image, ensuite. Invitations fastueuses, bals extravagants, Alva ne recule devant rien. Et tant pis pour celles qui ne voient en elle qu'une cocotte parvenue.
La couronne, enfin. Alva va trouver sur son chemin la reine de la ruche, celle qui fait et défait les réputations, adoube ou exclut selon son bon plaisir : Caroline Astor.
L'âge d'or c'est celui de cette fin de siècle à New-York qui voit des familles richissimes se faire concurrence. Alva Vanderbilt est issue d'une famille ruinée. Elle a réussi un faire un bon mariage avec un homme qui a bâti sa fortune sur les chemins de fer et qui est considéré par la bonne société comme un nouveau riche, un arriviste tapageur. Alva n'a qu'une envie: montrer à tous qu'elle est capable d'intégrer les milieux les plus raffinés. Caroline Astor fait partie de l'élite des Knickerbockers, ceux qui ont construit l'Amérique. A défaut d'une monarchie américaine, elle s'est décrétée reine du bal. C'est elle qui fait et défait les réputations, qui dicte le bon goût et qui exclut, avec plaisir, Alva de son cercle... L'âge d'or alterne entre le point de vue de Caroline et celui d'Alva. A travers le portrait croisé de ces deux femmes c'est en fait le destin de la société toute entière qui se joue. Alva incarne finalement un renouveau, un vent de fraîcheur en cette fin de siècle. Elle cherche à conquérir sa place en tant que femme. En s'imposant dans la société, elle montre qu'un changement s'opère peu à peu dans les mentalités. Caroline incarne elle, l'inverse. Elle reste figée dans ses traditions et son conservatisme. Elle n'imagine même pas qu'une soirée puisse se tenir sans son assentiment. Renée Rosen s'est inspirée de figures réelles pour construire son univers. Elle déploie sous les yeux du lecteur un monde de luxe inimaginable à l'image du " petit château " qu'Alva se fait construire sur la Cinquième Avenue. Tandis que le peuple survit, les grands de ce monde dépensent des milliers de Dollars en une seule soirée, offrant aux invités bracelets en diamants et vins de prestige. Rien que pour cela, il faut lire ce roman. Renée Rosen retranscrit à merveille les tenues, les événements, les protocoles! J'ai vraiment apprécié le portrait des deux personnages principaux. Alva a connu la misère et souhaite s'élever au plus haut point. Elle est parfois agaçante mais elle démontre une force de caractère et un courage exemplaire. Caroline Astor incarne les valeurs du passé et pourtant, on sent qu'elle va changer petit à petit. A l'image des voitures thermiques qui remplacent peu à peu les voitures à cheval, la société évolue et se modernise tout doucement. Renée Rosen signe là un roman sur l'avidité, le pouvoir, le changement sociétal. C'est un roman réaliste et historique d'une grande maîtrise. Les mœurs évoluent lentement: les femmes veulent s'affranchir de leur époux et même divorcer pour certaines! Avec " L'âge d'or ", Renée Rosen signe un roman brillant qui témoigne d'une fin de siècle où tous les espoirs étaient permis.