Crossover tome 1 : kids love chains

Par Universcomics @Josemaniette

Pour ceux qui ne le savent pas encore, un crossover est une histoire qui met en scène différents personnages qui en temps normal vivent des aventures séparée, dans leurs propres mensuels, mais qui pour l'occasion vont voir leur destin entremêlés, dans ces mêmes titres respectifs. Cerise sur le gâteau lorsqu'il s'agit d'un crossover entre différentes maisons d'édition; des personnages qui a priori n'ont aucune chance de se rencontrer; et qui tout à coup vivent une histoire en commun. Donny Cates invente de son côté le crossover complètement dingo, à savoir Crossover, tout court, un univers dans lequel tout à coup apparaît l'intégralité des personnages de comics, toutes maisons d'édition confondues, depuis que le genre existe. Tout ce beau monde se tape dessus à Denver, qui pour l'occasion se retrouve enfermé sous un dôme impénétrable et mystérieux. On ne sait pas comment et pourquoi ils sont apparus dans le Colorado, mais par contre on a vite compris que les dégâts allait être considérables. Ce qui explique pourquoi lire des comics est devenu une activité répréhensible, particulièrement mal vue. Nous n'allons pas vous mentir, bien entendu impossible pour les artistes de ce comic,book d'obtenir les droits leur permettant de mettre clairement en scène des super-héros comme Superman ou Spider-Man. On doit souvent se contenter de vagues silhouettes ou de références subtiles, qui font comprendre de qui il s'agit. Par exemple, nous avons l'impression de voir apparaître Batman en prison, dans la pénombre. Par contre, de nombreux artistes ont aussi permis à Cates de jouer avec leurs créations (comme le Madman de Michael Allred, les détectives du Powers de Bendis et Oeming, ou encore le Savage Dragon de Larsen). À ceci il faut ajouter les séries précédentes du scénariste, comme par exemple God country, qui consentent de mettre en scène d'autres héros et personnages pour l'occasion. Mais en fait, ils sont tous plus ou moins au second plan, car la protagoniste de cette histoire, au départ, est une jeune fille qui travaille dans un comic shop, une certaine Ellie. 
Ellie est une jeune fille adepte du cosplay, dont les parents ont disparu pendant l'événement de Denver mentionné ci-dessus. Autres personnages importants, Otto, le propriétaire hippie un peu bourru de la boutique de comics où Ellie travaille, puis Ryan, le fils du pasteur Lowe, qui a fait de la lutte contre "ceux issus des bandes dessinées" sa grande cause. Et pour finir la petite Ava, une enfant mystérieuse droit sortie d'un comic book, comme l'indique son apparence physique (avec les fameuses couleurs tramées d'autrefois, c'est à dire ces lignes de points si caractéristiques). Quatre personnages dont les destins se croisent inévitablement et qui donnent lieu à une aventure pleine de rebondissements. Ava veut retourner avec sa famille, qui est restée à l'intérieur du Dôme tandis qu'Ellie est prête à l'aider, parce que sa mère et son père s'y trouvent aussi, et sont peut-être encore en vie. Y a-t-il un moyen de franchir la barrière? Oui, peut-être, si on en croit l'existence d'un homme qui peut transporter des gens des deux côtés du dôme. Ce héros a un grand "S" sur la poitrine et semble très puissant. Vous avez compris de qui il s'agit? Tout faux, ce n'est pas un kryptonien, en tous les cas! Cates se penche sérieusement sur des sujets comme le fanatisme, l'étroitesse d'esprit, et utilise tous les fantasmes nauséabonds de Fredric Wertham, le psychiatre à la base d'une épuisante croisade contre l'immoralité supposée des comics, dans les années 50. Pour laisser exploser son amour du média, et surtout sa grande connaissance, les deux allant souvent de pair. Il parvient clairement à s'amuser comme un fou, et le lecteur en profite grandement. Si dans un premier temps on ne peut que tiquer devant les dégâts que causent réellement ces super personnages, on se rend vite compte que le gouvernement, et les "humains réels" ne sont pas en reste, utilisant la détention, la torture, et de sordides expériences, pour atteindre leurs propres buts. Geoff Shaw est dans un état second, et signe au passage ce qui pourrait bien être le meilleur travail de sa carrière, tant il parvient à faire tenir debout ce projet baroque et ambitieux, à travers des planches d'une grande beauté, avec des visages humains, vivants, expressifs, et un sens du merveilleux, du mouvement, qui explose régulièrement dans des scènes de grand impact plastique et émotif. Crossover est une œuvre de méta bande-dessinée surprenante et cohérente, divertissante et intelligente; Et ce premier tome, proposé au prix extrêmement alléchant de dix euros(!) n'est que la partie émergée de l'iceberg. Dans les prochains épisodes, ce seront les créateurs des séries eux-mêmes qui vont tenir le haut du pavé! Impossible alors de renoncer à Crossover, qui est une de ces séries régulières qu'aucun amateur de comics américains ne peut décider de snober. Sortie cette semaine, à vos réservations!