Tara Duncan, tome 8 : L'impératrice maléfique - Sophie Audouin-Mamikonian

Par Marie Kacher
Tara Duncan8, Sophie Audouin-Mamikonian

L’impératrice maléfique

 Editeur : XO

Nombre de pages : 462

Résumé : Bannie sur Terre pour avoir failli détruire AutreMonde, Tara est coupée de toute sa vie passée. Loin de son MagicGang, le temps paraît bien long à la jeune fille. Mais le jour de ses seize ans, des nouvelles terribles lui parviennent dans son exil : sur AutreMonde, les sangraves de Magister mènent une attaque simultanée contre les dirigeants des États et les membres du MagicGang. La jeune fille comprend avec terreur que Magister veut anéantir ses proches. Sauf que le coupable n’est pas Magister. La réalité que va découvrir Tara est bien pire.

- Un petit extrait -

« - Moi aussi, je viens, évidemment, ajouta Cal, c'est une parfaite OMOVTM.

- Une quoi ? demanda Fabrice.

- Une OMOVTM. Oh Merde On Va Tous Mourir. C'est comme ça que j'ai baptisé la plupart des situations impliquant Tara et le magicgang.

Il avait l'air d'un ange innocent aux grands yeux gris. Et son sourire aurait trompé un saint. Fafnir sourit elle aussi.

- Je viens, bien sûr, dit-elle, j'aime beaucoup cette idée d'OMOVTM, sauf que moi, je pense que c'est plutôt une OCIVTM, Oh Chic Ils Vont Tous Mourir ! »

- Mon avis sur le livre -

 Le propre d’une bonne saga, c’est de donner le sentiment au lecteur que chaque tome est encore meilleur que le précédent, de réussir à sans cesse le surprendre au moment même où il a l’impression qu’il ne pourra plus être surpris. Ce qui explique d’ailleurs pourquoi, la plupart du temps, les bonnes sagas sont plutôt courtes : difficile de continuer à surpasser les attentes du lecteur au bout de six, huit, dix, douze tomes ou plus ! Mais, indiscutablement, du moins à mes yeux (et à mon cœur), Tara Duncan fait partis des exceptions qui confirment la règle : j’ai le sentiment que ça fait déjà sept fois que je vous dis que « ce tome est encore plus follement palpitant, captivant, surprenant que le précédent » ! C’est peut-être dû au fait qu’autant je connais quasiment par cœur les quatre ou cinq premiers tomes, que j’ai relu le plus souvent, autant j’ai plus le sentiment de véritablement « redécouvrir » la suite comme si c’était la première fois … Et peut-être aussi que j’aime tout particulièrement ce huitième tome car c’est mon seul tome dédicacé, celui qui me rappelle ce jour incroyable où j’ai eu l’occasion de rencontrer, pour de vrai, l’autrice et d’autres lecteurs. Ce jour où ma timidité maladive a été vaincue par la joie d’entendre Sophie dire « mais oui, Aria qui lit plus vite que son ombre ! », d’aider les autres membres du forum à ranger toutes les bannières qui encombraient la librairie … de faire, l’espace de quelques heures, partie d’un grand tout qui me dépassait sans m’écraser.

Pour avoir mis AutreMonde entier à feu et à sang en ouvrant la porte à une horde de fantômes avides de se réincarner, la jeune Tara Duncan se devait d’être sévèrement punie. Mais pour avoir sauvé AutreMonde de ce même fléau, elle méritait une certaine indulgence : c’est pourquoi la peine capitale a été transformée en exil définitif sur Terre, à chasser les sortceliers renégats sous la supervision de son implacable grand-mère (car c’est une chose de punir la fautive, c’en est une autre de gâcher un potentiel magique aussi important). Malheureuse comme la pierre, Tara souffre tout particulièrement de ne plus avoir la moindre nouvelle de ses fidèles amis : Fabrice, Moineau, Cal et Fafnir lui manquent terriblement, sans parler de Robin, son petit ami. Elle donnerait absolument n’importe quoi pour les avoir à ses côtés le jour de son anniversaire … A croire qu’elle n’a toujours pas retenue la leçon : ne jamais faire ce genre de vœu, il risquerait de se réaliser. En effet, le jour même de ses seize ans, les parents de tous ses amis sont attaqués simultanément par des Sangraves, obligeant tout le monde à se replier sur Terre … Pendant ce temps, le Manoir subit lui aussi une attaque de soldats masqués beaucoup trop armés. Après des mois de silence, le terrible Magister semble prendre sa vengeance très à cœur … C’est du moins ce que pensait Tara, avant de découvrir que la vérité est toute autre, et assurément plus terrible encore : bannie ou non, elle doit absolument retourner sur AutreMonde, avant que le pire ne se produise !

Ce que j’admire le plus chez Sophie, c’est que loin de se laisser abattre par les critiques et les attaques à l’encontre de ses livres (et parfois d’elle-même, ce que je trouve plus déplorable : on peut ne pas apprécier un roman sans insulter son auteur), elle a pris le parti de les prendre à contre-pieds. Très habilement, elle montre qu’elle a parfaitement conscience de ce qui est reproché par certains à ses ouvrages, tout en prouvant qu’elle garde envers et contre tout sa ligne de conduite, refusant de se laisser dicter quoi que ce soit juste pour satisfaire quelques rageux qui ne seront de toute façon jamais satisfaits. Et plus que jamais, dans ce tome, Sophie assume parfaitement ses idées et son style : certains passages sont tout simplement excellents, parmi les plus cocasses de toute la saga (mentions spéciales à l’arrivée de Belzébuth et aux mœurs amoureux des nains), et l’intrigue elle-même renoue pleinement avec l’ambiance à la fois sombre et déjantée qui fait toute la saveur unique de cette saga. Loin de s’engluer dans une intrigue monotone, la saga connait ici un véritable renouveau, un tournant des plus inattendus … mais des plus bienvenus ! Rien ne nous permettait de deviner ce qui attendait notre « joyeuse » petite troupe (tout de même bien marquée par de terribles révélations et de plus terribles encore pertes) dans ce tome, et le moins que l’on puisse dire, c’est que cela promet quelque chose de vraiment extraordinaire pour la suite. Certains diront sans doute que ça part dans tous les sens, mais c’est justement cela qui est incroyable !

Ainsi que je le disais, tout commence plutôt mal pour Tara et ses compagnons : après des mois à n’avoir pour seule compagnie que sa sévère grand-mère et son haineux petit frère, Tara découvre que tout ce qu’elle tenait pour acquis (le coup de foudre entre sa mère et son père, l’amour de son petit ami) n’est que poudre aux yeux … et voilà que tout dégénère soudainement : des attaques de partout, des blessés, et même une mort, sans doute la plus atroce qui soit pour une jeune fille déjà fragile. Et Tara n’a même pas le temps de faire son deuil, même pas le temps de pleurer, car le devoir l’appelle : d’une façon ou d’une autre, elle est responsable de tout ce chaos, et doit donc tout faire pour y mettre fin. Tout, y compris s’allier à son pire ennemi. Tout, y compris se rendre là où aucun sortcelier sain d’esprit ne poserait ne serait-ce qu’un orteil. Accompagnée de ses amis, qui incarnent le sens même du mot « loyauté », notre pauvre héroïne va une fois de plus faire l’amère expérience qu’avec la magie, rien ne se passe jamais comme prévu. Et surtout que les apparences sont définitivement trompeuses, que l’habit ne fait pas le moine (ni l’auréole l’ange), et que rien n’est plus dangereux que l’eau qui dort … ou le démon, plus précisément. Ce tome, c’est vraiment l’occasion d’explorer de nouveaux territoires, et le moins que l’on puisse dire, c’est que le dépaysement est complet. Idéal pour s’occuper l’esprit et tenter de se remettre de son premier vrai et gros chagrin d’amour.

Vous le savez, je suis généralement la première à gémir de dépit lorsque les amourettes prennent un peu trop le dessus sur l’intrigue … et pourtant, une fois n’est pas coutume, je trouve que dans ce tome-ci, ça apporte quelque chose. Ça apporte la fragilité dont Tara avait besoin pour ne pas être seulement « celle qui sauve tout le monde en toutes circonstances », mais la véritable héroïne de cette histoire. On peut s’attacher à elle, maintenant que son armure est fissurée, maintenant qu’elle a pleinement pris conscience qu’elle peut perdre. Non pas la bataille, non pas même la vie … mais ceux qu’elle aime. Ceux auxquels elle tient plus que tout au monde, plus que sa propre vie. Avant, elle fonçait dans le tas, et même si elle souffrait sur le moment, tout redevenait rapidement comme avant. Maintenant, elle a conscience que ce n’est pas le cas. Que certaines choses sont irréversibles. Quoi qu’elle fasse. Et cela la fait souffrir, d’autant plus que ce n’est pas sa faute. Qu’elle est victime et non coupable. L’injustice est quelque chose qui me fait grincer les dents, et croyez-moi, même si je peux comprendre le désarroi de Robin, j’aimerai beaucoup être face à lui pour lui donner quelques baffes et tenter de lui remettre les idées en place ! Ce tome, c’est finalement celui où la dynamique du groupe prend vraiment un nouveau tournant, où les liens entre eux se modifient irrémédiablement, et ça apporte une saveur bien plus « humaine » à toutes ces histoires de complots, de pouvoirs, de guerres imminentes et autres joyeusetés Autremondiennes !

En bref, vous l’aurez bien compris : j’aime vraiment tout particulièrement ce tome ! J’y ressens vraiment ce même petit frisson d’exaltation qui m’a secouée le jour où j’ai ouvert le premier tome pour la toute première fois, le sentiment inexplicable de pénétrer dans un monde absolument incroyable dans lequel les aventures les plus folles sont possibles. J’y retrouve également l’humour décapant à souhait de Sophie, qui arrive à nous faire exploser de rire même au moment et à l’endroit où l’on s’y attend le moins, par des situations ubuesques au possible, par des dialogues des plus cocasses et par ces notes de bas de pages follement hilarantes. Et à côté de cela, on tremble, parce que certains passages sont emprunts d’une tension inouïe, on pleure aussi, parce qu’on ressent le même déchirement que nos jeunes héros, on soupire de soulagement, parce qu’on vient de retenir notre respiration pendant toute une page en pensant que cette fois-ci, ça y est, ils allaient tous y passer, et nous y compris. La plus grande force de cette saga, c’est qu’à partir du moment où on lâche la bride, où on accepte de se laisser porter, on est comme embarqué pour de bon dans les mésaventures de cette jeune sortcelière peut-être trop puissante pour être honnête, peut-être trop chanceuse également, mais pourtant irrésistiblement attachante. Et je ne parle même pas de ses amis : si quelqu’un connait la formule magique pour faire sortir Cal du roman, je suis prête à la tester, même si c’est un prototype !