Tara Duncan, tome 7 : L'invasion fantôme - Sophie Audouin-Mamikonian

Par Marie Kacher
Tara Duncan7, Sophie Audouin-Mamikonian

L’invasion fantôme

 Editeur : XO

Nombre de pages : 468

Résumé : Une brèche s’est ouverte avec l’au-delà. Des milliers de fantômes envahissent AutreMonde, avides de se réincarner. En quelques heures, tous les représentants du pouvoir sont possédés. Les fantômes sont les maîtres d’AutreMonde. Tara est la seule à avoir réussi à leur échapper. Mais Robin, son grand amour, est mort sous ses yeux. Anéantie, Tara est cachée dans le Château Vivant par son ami Cal le Voleur Patenté, qui tente de la ramener à la raison : elle n’a pas le droit de se laisser aller au chagrin … Sans elle, la Résistance n’a aucune chance.

- Un petit extrait -

« - Et tu as une idée de la raison pour laquelle Magister t'a envoyé une démone pour te tuer avec des trompettes et un feu d'artifice ?

- Et le tonnerre, Angelica, n'oublie pas le tonnerre, ajouta gravement Sylver.

Il y eut un instant de silence.

Ils se regardèrent. Angelica tenta de résister, mais ce fut plus fort qu'elle. Ils éclatèrent de rire. »

- Mon avis sur le livre -

 J’ai beau être très (trop, selon certains) précautionneuse et la plus soigneuse possible avec mes livres … il suffit d’un regard pour constater que j’ai lu et relu la saga Tara Duncan un nombre incalculable de fois. Ce sont probablement les livres les plus abimés de ma bibliothèque : de vraies épaves ambulantes (j’exagère un tantinet, mais c’est pour bien montrer qu’ils ont vraiment vécu). Les tranches sont toutes jaunies, car j’ai les mains très moites. Les couvertures ont de multiples pliures, à force de les trimballer dans mon sac de cours, au milieu des cahiers de maths et des manuels d’histoire-géographie. Le coin des pages est tout corné, puisqu’il m’arrive fréquemment de « jouer » avec quand je suis triste ou stressée (hors, c’est justement quand je suis triste et stressée que je me jette le plus volontiers dans une énième relecture). En somme, rien ne leur a été épargné. Et même si, d’ordinaire, je déteste viscéralement abimer mes livres … je les aime comme ça. Ces stigmates représentent en quelque sorte les signes visibles de la grande histoire d’amour entre cette saga et moi. Tara m’a littéralement accompagnée partout : au collège, bien sûr, mais aussi à Rome lors d’un voyage scolaire, sur scène lors d’une représentation théâtrale, à l’hôpital, en forêt, peut-être même à cheval ! Tout ce que j’espère, c’est que je parviendrais à les conserver en un seul morceau le plus longtemps possible : je n’ai clairement pas envie d’avoir à en racheter des neufs, je les aime, mes exemplaires bien éprouvés !

Bien planquées dans leurs placards respectifs, nourries par la grande quantité de magie utilisée par un dragon pour se téléporter dans la suite de l’Héritière Impériale, les deux potions destinées à faire revenir respectivement le père de Tara et l’amoureuse de Cal sont entrées en résonnance … et ont donné naissance à un monstrueux vortex crachant des hordes entières de fantômes en quête d’un nouveau corps. Se ruant hors de l’Outre-Monde, des centaines de milliers d’âmes déferlent sur AutreMonde et prennent possession du premier individu qui se trouve à leur portée. Miraculeusement sauvée par le chef de la Garde, Tara voit son petit ami mourir sous ses yeux, terrassé par plusieurs fantômes. Soigneusement cachée par le Château Vivant du Lancovit, la jeune fille est dévastée : tout est de sa faute. Robin est mort par sa faute. En voulant faire revivre son père, elle a tué son petit ami. Il ne lui reste donc plus qu’une chose à faire : mourir à son tour pour rejoindre son amour. Terrassée par la souffrance, Tara s’enfonce dans l’apathie. Une apathie dont s’efforce de la faire sortir son fidèle ami Caliban, qui doit laisser son propre chagrin et sa propre culpabilité de côté pour s’occuper d’elle. Car il le sait : elle est la seule à pouvoir mettre fin à cette monstrueuse invasion, la seule à pouvoir renvoyer les fantômes dans leur dimension (ou ailleurs, peu lui importe, du moment qu’ils quittent définitivement AutreMonde). Mais parviendra-t-il à sortir Tara de sa dépression avant qu’il ne soit trop tard ?

Si l’on resonge rapidement aux tomes précédents, on se rend compte que, finalement, jusqu’à présent, Tara n’a fait que subir des situations catastrophiques provoquées par d’autres (en général, d’ailleurs, par la mégalomanie et la soif de pouvoir des grands méchants qui ne reculent devant aucune monstruosité pour parvenir à leurs sinistres fins) … Mais cette fois-ci, la donne est totalement différente. Cette fois-ci, Tara le sait pertinemment bien, elle est la seule et unique responsable du fléau qui déferle sur AutreMonde. Elle a joué avec le feu, elle s’est cru plus maline (et plus importante) que les autres en tentant de faire revenir son père d’entre les morts en dépit de tous les interdits et avertissements. Et à cause d’elle, à cause de son égoïsme et de son orgueil, des centaines de milliers de personnes innocentes sont en danger. Et parmi elles, Robin. Celui pour qui bat son cœur. Celui qui lui a ouvert son cœur. Celui qui serait mort pour elle. Mais qui est mort à cause d’elle. Elle a supporté sans broncher un face à face avec le roi des démons, avec le Ravageur d’Ames, avec le terrible Chasseur, avec un Dragon cinglé, avec une Reine folle, avec des Vampyrs et des Trolls … mais voir mourir sous ses yeux, par sa faute, son petit ami, c’est au-dessus de ses forces. Face à cette tragédie, Tara n’est plus l’Héritière de l’Empire d’Omois, elle n’est plus la sortcelière la plus puissante de l’univers, elle est juste une adolescente broyée par le chagrin et la culpabilité. C’est plus qu’elle ne peut en porter.

Sortez vos mouchoirs : certains passages sont vraiment déchirants. Tara, petite fille trop vite devenue jeune femme pour porter (ou supporter) toutes les responsabilités que l’on fait peser sur ses seules épaules, s’effondre. Ce n’est finalement pas seulement la mort de Robin qui la fait ainsi sombrer : ça a « juste » été l’ultime catalyseur de cette énorme souffrance qu’elle portait vaillamment en elle, sans le montrer, sans même se l’avouer. On attend tellement d’elle, on compte tellement sur elle : c’est à la fois grisant et effrayant, d’être celle sur qui tout repose tout le temps. On se demande finalement si Tara est vraiment l’unique coupable de cette catastrophe : certes, c’est bien elle qui a créé cette potion, certes, elle s’est cru plus forte que tous les autres avant elle … mais c’est peut-être parce qu’on ne cesse de lui répéter, justement, qu’elle est la plus puissante de tous. Car Tara n’a que quinze ans : un âge où, même si on s’en défend dans un élan d’indépendance révoltée, on reste très influençable. Comment ne pas chopper la grosse tête quand une planète toute entière vous hisse au rang de Sauveuse Surpuissante ? Plus encore, n’oublions pas que si Tara s’est lancée dans cette si dangereuse entreprise, c’est qu’elle souffrait. Elle a été privée de ses parents toute son enfance. Un parchemin (qui a été caché mais non détruit en dépit de sa dangerosité, c’est peut-être là la plus grande irresponsabilité, non ?) lui offre l’espoir de réunir sa famille, enfin. L’espoir, finalement, d’être tout simplement une adolescente comme les autres. Difficile de résister à cet espoir ...

Cette fois-ci, ce n’est donc pas le Syndrome du Héros qui pousse la jeune fille à courir au-devant dudanger : c’est un très malsain mélange entre la culpabilité et l’envie d’en finir. Si elle peut combiner « réparer son erreur » et « mourir pour retrouver Robin » dans le même acte, elle ne va pas s’en priver. Et comme elle sait pertinemment bien, même au fin fond de son abime de souffrance, que ses amis ne seraient pas du tout d’accord avec ce projet … elle se lance seule dans cette entreprise suicidaire. Enfin, seule … pas vraiment. Car figurez-vous que ce tome nous donne la possibilité de mieux « connaitre », mais surtout de mieux détester et maudire, une certaine Angelica. Pauvre Tara : jamais l’adage « mieux vaut être seule que mal accompagnée » ne m’a paru plus approprié, j’avais tout autant envie de la sauver de cette exécrable sortcelière que de sa dépression ! Heureusement qu’un autre personnage fait son apparition … personnage qui ouvre la voie à une nouvelle sous-intrigue, et pas des moindres, si on en croit la grande révélation à la fin du tome ! Notre trio, plutôt mal assorti pour tout dire, se lance donc dans une quête désespérée, qui se transforme bien vite en véritable course contre la montre, car on s’en doute, certains fantômes sont prêts à tout pour empêcher quiconque de les renvoyer chez eux ! La tension monte doucement mais sûrement, avec juste ce qu’il faut de mystère, d’humour et d’émotion pour rendre l’intrigue de ce tome absolument excellente !

En bref, vous l’aurez bien compris, même si j’ai tendance à le dire à chaque tome : celui-ci est sans aucun doute meilleur encore que les précédents ! J’apprécie vraiment le tournant pris par la saga : certes, l’action est toujours bel et bien au rendez-vous, mais elle n’est plus l’unique atout de l’intrigue. Nos jeunes héros ne se contentent pas de combattre le mal (quel que soit la forme qu’il prend) … ils doivent avant tout lutter contre leurs propres démons intérieurs. Fabrice n’est plus seulement le gamin qui fait des charades à tout bout de champs, il n’est même plus seulement le gamin qui regrette d’être le moins puissant du lot, il est désormais un jeune homme qui a pris de terribles décisions, qui doit vivre avec ce fardeau, qui ne sait plus comment s’en sortir, qui n’est plus sûr de mériter de s’en sortir. Tara n’est plus seulement une gamine courageuse et audacieuse qui ne laisse jamais tomber personne, qui n’hésite pas à affronter ce que tout le monde redoute à partir du moment où ses amis sont à ses côtés, elle prend conscience que ses actes peuvent avoir des conséquences terribles y compris pour ceux qu’elle aime. Cal lui-même n’est plus seulement le petit gamin blagueur et insouciant, qui prend tout à la dérision : il apprend le sens des responsabilités … Et même si c’est douloureux, pour tous, j’apprécie vraiment de les voir ainsi évoluer, murir, devenir bien plus que des enfants, des adolescents. Et ce qui est beau, c’est quand le lecteur grandit en même temps, grandit avec eux : c’est une expérience tellement incroyable !