Adrian Æ

Par Henri-Charles Dahlem @hcdahlem

En deux mots
Dans la villa hollywoodienne de Lore H.B. le scénariste Adrian Experinger retrouve Ava Gardner pour lui présenter le projet du film qu’il prépare avec Fritz Lang. Pendant ce temps, deux ingénieurs épient tous ses faits et gestes depuis un laboratoire dans le Désert des Mojaves.

Ma note
★★★ (bien aimé)

Ma chronique

Chacun cherche son Ava

Dans un vertigineux roman, Philippe Raymond-Thimonga nous entraîne dans le Hollywood des années 50 avant de plonger dans un laboratoire de recherche. Et entraîner le lecteur à jouer un rôle inédit.

Tout ce qu’Hollywood compte de vedettes semble s’être donné rendez-vous chez Lore H. B. en ce jour de 1953. Celle qui se fait encore un peu désirer est la grande Ava. Mais quand elle débarque dans son splendide fourreau vert, tous les regards convergent vers elle, à commencer par celui d’Adrian ou Adan Experinger, scénariste pour la Metro et qui essaie depuis des mois d’écrire le film que lui réclame la major. Et qu’attend le réalisateur de Metropolis, M le Maudit et Mabuse, le grand Fritz Lang. Pour l’heure cette œuvre sublime, forcément sublime, s’intitule Adrian ou encore Adrian et les visiteurs.
Pressé d’en dire plus par Ava, Adan lui lâche qu’elle aura le rôle de la femme aimée, comme aucune femme n’a jamais été aimée. Que pour le rôle masculin, ils pensent à Cary Grant, Montgomery Clift ou Dana Andrews, que pour le scénario il pourrait être rejoint par Alfred Hayes et l’écrivain australien Alec Coppel. Quant à la photo, elle pourrait être confié à Jack Cardiff, celui de Pandora ou encore des Amants du Capricorne. (Ouvrons ici une petite parenthèse pour indiquer qu’Alfred Hayes est aussi au centre d’un autre roman qui paraît en cette rentrée et dont je vous parlerai bientôt. Il s’agit de À la recherche d’Alfred Hayes de Daphné Tamage.)
Pendant tout ce temps, dans le Désert des Mojaves au Sud du Nevada, un laboratoire analyse tous les faits et gestes d’Adrian, passé de Maître de recherches à objet d’études. Toute observation, toute idée émise, tout mouvement passe est passé au crible par deux ingénieurs soucieux de comprendre. Le roman, dans lequel le lecteur est alors appelé à jouer aux côtés de l’auteur son rôle de démiurge, va alors basculer vers la science-fiction, passant de la Cité des anges à la Silicon Valley dans une étourdissante réflexion sur les rapports entre réalité et fiction, entre création et interprétation, entre découverte et réappropriation. Si Adrian et les visiteurs n’a jamais été tourné, de nombreux films ont en été directement inspirés. Et aujourd’hui chacun cherche son Ava. Vertigineux!

Adrian Æ
Philippe Raymond-Thimonga
Serge Safran éditeur
Roman
192 p., 17,90 €
ISBN 9791090175877
Paru le 14/01/2022

Où?
Le roman est situé aux États-Unis, principalement à Los Angeles ainsi que dans le Désert des Mojaves au Nevada.

Quand?
L’action se déroule de 1953 à nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
En 1953, dans une célèbre maison close de Los Angeles, Ad, un jeune scénariste disciple de Fritz Lang, rend visite à la plus belle femme de son temps : Ava Gardner. Plus tard, dans un futur proche, au sein d’un laboratoire, une voix nous interpelle pour nous faire de troublantes confidences… sous la surveillance de deux observateurs impliqués dans ce qu’ils nomment le « projet Adrian ».
Roman d’une passion autant que d’une expérience, enlaçant les vies d’Ava Gardner et d’Adrian Experi, Adrian Æ propose de croiser, non sans mystères ni humour, la société de l’image hier fabriquée par Hollywood… et l’homme aujourd’hui réinventé par ses nouvelles technologies.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
goodbook.fr

Les premières pages du livre
« Æ
Principaux acteurs du projet Adrian
Adrian : Monsieur Experi, Adrian Experinger, Adan, Adi Ava Gardner : Moonee Moon / Ava Lore Helen Backerwood : L. H, B.

Centre de recherche
Larry : Ingénieur 1
Nerio : Ingénieur 2
Sanjira : Directrice de projet Visiteur : 1
Visiteur : 2
Visiteur : 3
Visiteur : 4

Liste des visiteurs ouverte : Entrée libre

Adrian Experi, dit Ad, Adan, Adi ou simplement monsieur Experi n’eut pas une vie facile. Ni simple, ni désirable, ni même non désirable sa vie ne fréquenta aucune frontière connue et c’est pourquoi elle continue à nous surprendre, d’habiter nos mémoires, longtemps, très longtemps avant qu’elle n’ait vraiment commencé. Avant qu’elle n’ait légalement et dûment commencé. Voilà qui peut sembler curieux. Surtout à une époque comme la nôtre, je veux dire pleine d’une épaisseur de temps vénérable et cependant restreinte à son présent, aplatie entre les bornes de l’actualité. La spectaculaire époque du présent-actualité: sans fenêtres ni couloirs ouvrant sur le passé, sur un hier ou un demain habitables et vivants. À cette période ambiguë les hommes ont donné le beau nom d’Aujourd’hui.
Improbable aventure que celle d’Adrian Experi, mais dont je peux te parler à mon aise, car Adrian Experi c’est moi. Et si je le fais ainsi — semblant lever le masque sitôt posé, ce qui ne sera pas sans conséquences —, c’est parce que j’ai choisi d’en témoigner auprès de toi. Oui, d’en parler de préférence à toi.
Pourquoi?
Je m’adresse à toi car je sais que tu vas me comprendre. Chaque jour du fond dévasté de nos pratiques une lueur s’obstine à briller, brille, brillerait malade ou dérisoire même si pour toi désormais rien n’est sûr. Cependant, prenant courage, je m’adosse au vide et te parle: du coup tous les mots qui vont suivre s’enchaîneront sans garantie. Et si tu veux continuer à me lire, quoi qu’il advienne, protège-toi. Surtout protège-toi. Car en ce qui me concerne je préviens mais n’épargne pas.
Maintenant, si tu penses avoir préservé dans ta vie le fil naturel d’une respiration, écoute:

L.A. 1953
Dans le rétroviseur elle voit basculer vers la ville les lacets qui grimpent sur Roscomere Road, qui lentement traversent les pins dans les dernières lueurs du jour, Moonce, non pas vautrée, affalée ni même abandonnée juste assise à l’arrière de la berline, bien droite, tête penchée tout de même le regard fixé vers l’ailleurs ou simplement le vide qu’aspire à l’avant le rétroviseur de la Packard marine, se murmurant avec un reste de tendresse: encore un tour… un dernier tour et puis j’irai dormir…, voyant cependant de plus en plus s’éloigner le quartier des studios où elle doit tourner le lendemain à l’aube, et, à mesure que s’épaissit la végétation, se rapprocher la blanche et enfouie maison de Lore H. B.
Enveloppée d’une capeline laissant deviner le chic plus spectaculaire de sa tenue, la jeune femme se penche vers le chauffeur: «Allez, rien qu’un tour, Roy, je t’en prie, un dernier… et puis j’irai dormir.» Dans le rétroviseur du plafond le chauffeur lui décoche un sourire. Aussitôt la passagère se détourne pour masquer sa reconnaissance et, une dernière fois, les yeux baissés, révise la conformité de sa tenue: n’avoir rien trahi cette fois, pas de gaffe, la hauteur des talons, le fourreau de satin vert… noir?… vert ce soir de ce vert appelé Pandora, le moindre clip, bijoux (forcément authentiques) jusqu’à l’aura de la coiffure, bien sûr, d’une ressemblance que certains sur son passage dans la villa qualifient «d’hallucinante».
Ouvrant les yeux, d’un geste brusque Moonce Moon rabat son manteau sur le vert de sa robe, et, digne, lève la tête (peu visible sous la capuche), son regard laissant filer sur le côté un panneau où l’on peut lire en lettres à demi absorbées par la nuit (malgré le scintillement qui vient juste de s’allumer), où l’on pourrait deviner si l’on avait la curiosité des derniers arrivants sur la ville (comme un humour noir propre à cette région du monde), où l’on aurait pu déchiffrer au passage :
Bienvenue
à la Cité des anges

puis quelques minutes plus tard si on n’avait pas été trop distrait sur un panneau identique on aurait aperçu

Bienvenue à Hollywood

et enfin, sur un troisième et dernier panneau en lettres encore plus fuyantes, mal éclairées et aussi imprévisibles qu’invraisemblables,

Mais
attention
aux pseudo-mirages
du Monde des images »

À propos de l’auteur

Philippe Raymond-Thimonga © Photo DR

Philippe Raymond-Thimonga est né à Paris où il vit et enseigne la psychologie. Après L’Éternité, de temps en temps (Mercure de France), ses derniers romans comme Ressemblances (Desclée de Brouwer) ou Domino (L’Esprit des péninsules) sont axés sur le devenir humain dans la société contemporaine. Il a également écrit le livret d’un drame lyrique pour les Percussions de Strasbourg, La Célébration des invisibles (Mercure de France) qui fut repris à Paris à la Cité de la Musique (Source: Serge Safran Éditeur)

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