BD : Ma fille, mon enfant - David Ratte ****

Par Philisine Cave

Je continue mon exploration personnelle de la relation fille-mère (étant à la fois fille et mère de filles).

J'ai choisi Ma fille, mon enfant pour son synopsis : la révélation par une jeune fille de son amour pour un garçon, garçon qui n'a pas les faveurs de la mère de la jeune fille. Il porte un prénom (Abdelaziz), une culture, une histoire de famille,  qui ne conviennent pas à cette mère. Celle-ci pourtant issue de l'immigration ancienne espagnole, ne supporte que sa petite fricote avec "un arabe" à l'univers qu'elle remet constamment en question et qu'elle provoque par pure méchanceté et par défaut de courtoisie. Au-delà de sa bêtise et de son irrationalité, le ressentiment qu'elle éprouve va sérieusement perturber ses relations de travail, de famille, d'entourage. Ma fille, mon enfant décrit le parcours de cette mère en colère, dont le racisme ordinaire l'isole et la fragilise avant toute chose. 


Ma fille, mon enfant est une BD très équilibrée aux personnages marqués. Le scénario est impeccable (j'insiste en ce moment beaucoup sur le scénario car dans les romans graphiques et parfois romans tout court que je lis actuellement, c'est souvent le point qui pêche le plus) : il y a un très bon rythme, deux ruptures dans l'intrigue qui remettent en perspective tous les personnages et bousculent l'histoire. Il y a un réel travail de construction des protagonistes : d'un côté les jeunes amoureux (Chloë et Abdelaziz), de l'autre la mère Catherine à la violence verbale constante, le diplomate père, la famille d'Abdelaziz d'une très grande classe (face à la malveillance maternelle), la voisine qui remet en place Catherine avec plus ou moins de réussite, les collègues qui subissent. Les dialogues sont punchys, les scènes gagnent en réalité, la bascule est impeccable. Le graphisme est ce qui m'a le moins scotchée même si je reconnais son efficacité : je n'ai pas trouvé les personnages beaux (mais peut-être est-ce voulu pour garder la dimension ordinaire du récit ?).

Quelques images et temps : un endroit de repli et de retrouvaille d'une très grande force, l'évocation du club Dorothée. 

Une dernière scène juste sublime.  

À découvrir. 

Editions Grand Angle

scénario et dessin : David Ratte 
couleurs : Mateo Ratte & David Ratte

Emprunté à la bibliothèque.