George Sand, fille du siècle

Par Krolfranca

George Sand, fille du siècle, BD de Séverine Vidal au scénario et Kim Consigny au dessin, Delcourt, 333 pages, avril 2021.

Pas simple de choisir les moments essentiels dans une vie aussi remplie que fut celle de George Sand. Je connaissais la femme en pantalon, j’avais entendu parler de sa relation avec Musset, avec Chopin, je connaissais l’auteure de La petite fadette ou de La mare au diable, romans lus lorsque j’étais adolescente, mais je ne connaissais pas la femme engagée, la femme libre, la femme puissante, la femme amie des plus grands auteurs français du XIXème siècle, la femme amoureuse, la femme indépendante.

Ce n’est pas seulement la libération de la femme qu’elle prône mais bien l’égalité entre les hommes et les femmes, ce que les uns ont le droit de faire, elle souhaite que les autres en bénéficient aussi. De même qu’elle souhaite l’égalité entre tous les êtres humains.

D’aucuns pourront arguer qu’elle était aristocrate et qu’elle a eu la chance de naître dans un milieu aisé qui lui a permis de vivre comme elle l’entendait. Certes, mais il a fallu qu’elle se batte pour que Nohant ne soit pas la propriété de son mari, il a fallu qu’elle écrive beaucoup, la nuit, pour recevoir tous ceux qui venaient à Nohant, il lui a fallu du courage pour être acceptée telle qu’elle voulait se montrer.

Et, née dans un autre milieu, ses batailles auraient certainement été vaines. Car, n’est-ce pas le rôle des privilégiés que de faire bouger les choses, les institutions, parce qu’ils ont la parole, parce qu’on les écoute, parce qu’ils ont du pouvoir, ou des relations.

Séverine Vidal cueille Aurore Dupin à l’âge de 4 ans lorsqu’elle arrive avec ses parents et son petit frère à Nohant, domaine de sa grand-mère paternelle, dont elle héritera plus tard. Ils arrivent de Madrid. Et au terme d’un éprouvant voyage, le petit garçon mourra. On suivra alors la destinée d’Aurore, future George Sand, orpheline de père, d’abord sous la coupe de sa grand-mère, cette petite fille révoltée et intrépide deviendra peu à peu une femme émancipée et au caractère bien affirmé.

Séverine Vidal nous fait aimer George Sand, et pourtant elle ne néglige aucun pan de son caractère et ne nous la montre pas que sous un aspect avantageux.

Si j’ai eu un peu de mal à apprécier les dessins de Kim Consigny dans les premières planches, j’ai vite adhéré au graphisme dépouillé et ai suivi cette biographie avec un intérêt sans cesse croissant. C’est donc une BD très réussie, complète, passionnante et vivante.

J’ai aussi pioché çà et là dans la correspondance entre Flaubert et George Sand, leur amitié est abordée à la fin de la BD. Cette relation est à peine croyable. Deux êtres que tout oppose, les idées politiques, la littérature, et pourtant, il y a entre eux, une complicité folle. L’un qui appelle George Sand, « chère maître » et la vouvoie. Et l’autre qui le tutoie et n’hésite pas à dire ce qu’elle pense avec tendresse.

« Je ne veux pas de ça. Tu n’entres pas dans la vieillesse. Il n’y a pas de vieillesse dans le sens hargneux et misanthrope. Au contraire quand on est bon, on devient meilleur, et comme déjà, tu es meilleur que la plupart des autres, tu dois devenir exquis. Tu te vantes, au reste, quand tu te proposes d’être en colère contre tout et tous. Tu ne pourrais pas. Tu es faible devant le chagrin comme tous ceux qui sont tendres. Les forts sont ceux qui n’aiment pas. Tu ne seras jamais fort et c’est tant mieux. Il ne faut pas non plus vivre seul. Quand la force revient, il faut vivre et ne pas la refermer pour soi seul. »

Moka en parle bien mieux que moi.