Jylland tome 2 : l'illusion du pouvoir (chez anspach)

Par Universcomics @Josemaniette

Jylland, c'est non seulement la meilleure série "Vikings" du moment mais c'est assurément notre coup de cœur de l'année 2021, pour ce qui est de la BD cartonnée au format franco-belge. Publiée chez Anspach, un éditeur belge dont le catalogue commence à avoir  fière allure, l'œuvre
 de Bruno De Roover et Przemyslaw Klosin séduit d'entrée, avec tout un ensemble de personnages particulièrement attachants et bien caractérisés, et une action qui ne connait pas de temps mort. Dans le premier tome nous avions assisté à l'ascension de Sten au rôle de chef viking de sa tribu; il était parvenu à se débarrasser de son frère, qui était l'héritier légitime après la mort du bon roi Magnulv, un père éclairé et juste, mais qui a eu l'audace le renoncer aux anciens dieux nordiques pour se convertir à la religion catholique. Un terrible affront qui a été exploité par le vile et perfide fils indigne, pour se débarrasser de tous ses adversaires. Dans le second volume nous le retrouvons donc sur le trône. Néanmoins, comme il va l'apprendre à ses dépens, l'ascension et l'accession au pouvoir sont peut-être une sinécure, par rapport à la difficulté de le conserver et de l'exercer, d'autant plus que les caisses du royaume sont totalement vides. Il y a bien le butin du dernier pillage qui pourrait permettre de payer les soldats, mais le problème c'est que Gavnar, le présumé fidèle homme de main, a caché le bien mal acquis, et malin est celui qui parviendra à mettre la main sur le précieux trésor! En l'absence d'une rémunération, l'armée commence à manifester un profond désaccord; Sten comprend qu'il n'a plus les rênes bien en main, la révolte frappe aux portes, d'autant plus que le nouveau souverain est un véritable tyran qui voit le mal partout. Il se comporte avec une cruauté sans égale, et exerce son pouvoir grâce à la peur et à la punition exemplaire, sans pour autant gagner le respect des autres. D'ailleurs le rapport avec sa propre mère va se détériorer jusqu'à un point de non-retour, sans parler de celle qui partage sa couche, la fille du plus sage conseiller du royaume, qui elle aussi devient un des rouages de la folie de Sten... ou devrait-on dire de son obsession, celle de voir le mal partout. Ce qui d'un côté le rend particulièrement antipathique, mais de l'autre lui permet d'avoir souvent un coup d'avance sur ses ennemis, et de se maintenir en place. 
On tient là un méchant de premier ordre, un type qu'il est de bon ton de détester. Sten, c'est un tyran, calculateur, froid, cruel. Rien en lui n'inspire la sympathie, et même quand il s'ouvre à la faiblesse, c'est pour vite puiser dans la colère et la fourberie les moyens de relever la tête, et d'atteindre ses sinistres objectifs. Et en même temps, on ne peut que reconnaître son talent à tenir la barre, même en pleine tempête, même quand on pense que c'est fini, la situation lui a échappé, ses hommes l'ont lâché. Et bien non, ni les cauchemars, ni les coulisses de la "politique" ne peuvent avoir raison (pour le moment?) de son ambition dévorante. Bruno De Roover tisse admirablement bien cette histoire, qui n'en finit plus de rebondir d'une surprise à l'autre, qui se délecte des complots, des trahisons, des gestes forts; un fonctionnement qui n'est pas sans rappeler le meilleur des séries tv. D'ailleurs tôt ou tard on s'imagine très bien Jylland être adapté à ce format si moderne. Przemyslaw Klosin continue lui de livrer un sans faute, avec des planches qui fourmillent de détails, qui savent allier le chaos et l'ordre, aller puiser dans la saleté et l'ignominie de quoi servir des planches pourtant splendides, avec des expressions faciales retranscrites à merveille, et une sens de la grandeur fatiguée, appelée aussi décadence, qui suinte majestueusement de son travail. Il y a une vraie évolution dans Jylland, un vrai thème qui traverse chacun des tomes, et permet d'étoffer un récit très intelligent et parcouru par une tension malsaine, et crédible. On ne le dira jamais assez, nous tenons là une bande dessinée indispensable, de celle que nous avons préférée en cette année 2021, depuis la toute première page. pour tout savoir du tome 1, cliquez donc sur la couverture !