Reckless : le nouveau joyau de brubaker & phillips

Par Universcomics @Josemaniette

La vie d'Ethan Reckless n'a pas été un long fleuve tranquille. Lorsqu'il était étudiant, on pouvait le qualifier de "radical", mais en fait, s'il frayait avec la partie contestataire de l'Amérique, c'est aussi parce qu'il était au service du gouvernement; un double jeu pour le compte du FBI. Une série de tragédies plus tard, le voici qui renonce à tout. Il repart alors de zéro, cette fois-ci en exploitant une de ses particularités, celle de savoir résoudre les problèmes des autres, notamment quand ces problèmes nécessitent de prendre des largesses avec la loi. Un numéro de téléphone qui traîne dans la rubrique des petites annonces permet de le joindre et de lui exposer vos requêtes, qu'il jugera alors acceptables, ou pas (on pense à la méthode de travail d'individus comme Robert McCall dans la première et légendaire série tv Equalizer). Il faut dire que notre bonhomme n'éprouve guère plus de sentiments depuis qu'une bombe a explosé à proximité de lui. Désormais seule la colère, par moments, semble envahir son être; le reste du temps il ne ressent rien, souffre d'insomnie et ne parvient à dormir convenablement pendant quelques semaines qu'à la suite des fameuses "missions" où il s'occupe des problèmes des gens, contre financement. Des missions qui l'amènent à jouer des poings, menacer, savoir imposer une force tranquille ou une violence latente. Ethan habite depuis dans un cinéma désaffecté avec une jeune assistante, qui est aussi sa seule amie. C'est lui qui narre les rebondissements de cette histoire, qui s'ouvre sur une scène dont la pertinence sera dévoilée bien plus tard, lorsque viendra l'heure d'entamer une dernière ligne droite où les valeurs, les idées reçues, les attentes, vont êtres confrontées au chaos de l'existence et de la vérité. Le quotidien d'Ethan va premièrement basculer le jour où une ancienne flamme vient le contacter pour lui demander un service inattendu. C'est un peu comme ces vieux pull-over qui ont un fil qui dépasse... si vous avez le malheur de tirer dessus, très vite c'est tout le vêtement  qui se retrouve détricoté. 

Rattrapé par son passé, Ethan Reckless va lever le voile sur quelques-uns des mystères qui l'ont toujours troublé, et au passage Ed Brubaker  et Sean Phillips vont signer une nouvelle collaboration digne de figurer au panthéon du genre. Comme un véritable leitmotiv de l'œuvre conjointe des deux lascars, la femme "fatale", celle par qui le bonheur et le malheur vont de paire, est le détonateur de l'histoire, le facteur qui bouscule tout et tous, et enclenche le compte à rebours. Ces deux-là sont toujours aussi expérimentés et toujours aussi agréablement unis et au diapason... et cette fois c'est dans un format "graphic novel" et pas seulement avec une série régulière ou limitée, qu'ils vont laisser libre cours à leur(s) talent(s). Jacob, le fils de Sean, s'occupe une fois de plus de la mise en couleurs. Est-il vraiment nécessaire de préciser que c'est beau, que c'est très bien écrit, que c'est passionnant, que c'est indispensable? Des dessins rehaussées par la disparition du cadre classique des vignettes, souvent agencées de manière assez classique, sur le style des pulps d'alors, mais capables de dynamiser le récit et de souligner les moments saillants par de belles splash pages éloquentes. Vous savez, tout ce que font ces artistes là, devient de toute manière une forme d'art proche de la perfection, et Reckless n'échappe pas à la règle établie. 
Vous pouvez retrouver le preview de Reckless dans notre numéro du mois d'octobre de UniversComics Le Mag'.