Legend, tome 3 : Champion - Marie Lu

Par Marie Kacher
Legend3, Marie Lu

Champion

 Editeur : Le livre de poche Jeunesse

Nombre de pages : 436

Résumé : June et Day se sont dévoués corps et âme à la République. Leur pays est à l'aube d'une renaissance... jusqu'au jour où un nouveau virus, plus dangereux que tous les précédents, déclenche une vague de panique à la frontière ennemie. La guerre menace d'éclater. June est la seule à détenir la clé pour défendre sa patrie. Mais sauver la vie de milliers de personnes suppose un sacrifice terrible, pour elle comme pour celui qu'elle aime.

- Un petit extrait -

« Les images de mon cauchemar me tourmentent toujours. Malgré tous mes efforts, elles refusent de s'en aller. Le temps guérit toutes les blessures, mais pas celle-ci. Pas encore. »
- Mon avis sur le livre -

 Je pense qu’il est devenu indispensable de rappeler aux auteurs et éditeurs le concept d’une trilogie : une saga en trois tomes. Trois tomes. Pas quatre. Trois. D’ailleurs, c’est bien ce qui est noté sur la couverture de ce troisième tome : il constitue « la conclusion de la trilogie ». La conclusion, ça veut dire que c’est terminé, achevé, bouclé … Cela veut dire qu’il n’y a plus rien à ajouter, que l’histoire est complète. Que le lecteur n’a plus à prévoir une place vide dans l’étagère pour le ou les prochains tomes : la saga est finie. Ça, c’est la théorie. Car dans la pratique, les choses sont bien différentes : vous n’imaginez même pas le nombre de trilogies qui comptent désormais … quatre tomes. Je ne sais jamais si je dois rire ou pleurer face à cette absurdité : une trilogie en quatre opus. Et surtout, je ne sais jamais si je dois m’en réjouir ou non : ce tome surnuméraire et impromptu présente-t-il un véritable intérêt ou bien n’est-il qu’un appât bourré de vide pour faire dépenser inutilement de l’argent à des lecteurs un peu trop naïf ? Pour Legend, j’ai toutefois décidé de ne pas me casser inutilement la tête : pour l’instant, aucun éditeur français n’a eu la bêtise de traduire le « quatrième tome de la trilogie », j’ai donc classé cette saga dans les sagas terminées, ainsi que l’affirme la première de couverture !

Après avoir œuvré main dans la main pour convaincre les habitants de la République de rester unis et de faire confiance à leur nouvel Primo Elector Anden, Day et June ont dû se résoudre à partir chacun de leur côté. Malgré son désintérêt profond pour les rouages hypocrites de la politique, la jeune femme a accepté la proposition du jeune chef d’état de devenir l’un de ses plus proches conseillers. Et Anden a bien besoin de soutien : la paix entre la République et les Colonies ne tient qu’à un fil, et il suffirait d’une minuscule étincelle pour rallumer le feu aux poudres … Day, quant à lui, veille farouchement sur son petit frère, qui se remet doucement des expérimentations dont il a fait l’objet, alors même que son propre état de santé ne cesse de se dégrader et que les médecins sont de moins en moins optimistes … Mais une nouvelle épidémie se déclenche au sein des Colonies, qui rejettent la faute sur la République : la guerre semble inévitable, et la République se sait impuissante face aux nouveaux alliés des Colonies. Pour étouffer le conflit dans l’œuf, une seule option : trouver un remède contre ce mystérieux virus. June se voit donc obligée de demander à Day le seul sacrifice qu’il n’est pas prêt à faire …

Alors que j’étais particulièrement mitigée vis-à-vis des deux premiers tomes, dans lesquels le meilleur côtoyait le pire, je n’ai absolument rien à rapprocher à ce dernier opus ! Il n’a en réalité suffit que d’une toute petite chose pour résoudre le problème qui ne cessait de me mettre en rogne : séparer June et Day. Ensembles, ils étaient imbuvables. Séparés, ils deviennent attachants. Huit mois ont passé depuis leur rupture à la fois du deuxième tome – rupture qui était sur le moment absolument ridicule, mais qui a au moins eu le mérite d’ouvrir la porte à une intrigue bien plus profonde. Dans cet opus, pour la première fois, les sentiments qu’ils éprouvent l’un pour l’autre s’insèrent harmonieusement dans l’intrigue globale et la servent au lieu de la parasiter comme c’était le cas auparavant. Leur relation ne prend plus le dessus sur le reste, elle fait partie du tout, et ça, c’est quelque chose que j’apprécie ! Day aime June, c’est un fait irréfutable, tout comme il aime son petit frère Eden, tout comme il aime sa protégée Tess : on retrouve enfin le Day profondément dévoué aux siens, ce Day qui me plaisait tant dans le premier tome avant qu’il ne soit obnubilé que par les beaux yeux de la jeune femme. Et June aime Day, c’est irréfutable également, mais cela ne l’empêche pas de garder l’esprit clair quand il le faut, de savoir réfléchir avant d’agir comme c’était le cas quand nous l’avons rencontrée …

Et comme ils sont redevenus pleinement eux-mêmes, l’intrigue peut reprendre de plus belle. Nous aurions naïvement pu penser que, maintenant que la République avait retrouvé son unité, maintenant qu’elle n’est plus dirigée par un tyran implacable mais par un dirigeant plus équilibré, maintenant qu’un traité de paix était en négociation avec les Colonies voisines, tout allait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes pour nos jeunes héros. Mais nous sentions confusément que les choses ne pouvaient bien évidemment pas être aussi simples, et que rien n’était réellement résolu. Et bien sûr, nous nous doutions bien que, quoi qu’il arrive, June et Day allaient être au cœur du chaos, qu’ils allaient à nouveau devoir prendre des décisions difficiles, qu’ils allaient à nouveau devoir sauver tout le monde … Mais la grande différence avec les premiers tomes, c’est que désormais, ils ont l’un et l’autre quelque chose à perdre, ils ont l’un et l’autre quelque chose, ou plutôt quelqu’un, qu’ils ne sont pas prêts à sacrifier pour le bien commun. Cette fois-ci, il ne s’agit plus de leur propre vie, mais de celle de quelqu’un qui leur est cher … et ça change absolument tout. Cette fois-ci, j’ai éprouvé une réelle compassion pour ces deux jeunes gens, livrés à eux-mêmes face à des choix si cornéliens. Seuls face à ce fardeau : doivent-ils protéger égoïstement une personne aimée, quitte à condamner des milliers d’innocents ?

Car plus que jamais, nous ressentons une véritable urgence : le temps leur est compté, le compte à rebours est enclenché. A chaque heure qui passe, leur indécision coute la vie à des centaines de personnes qui n’ont absolument aucun moyen de se défendre par eux-mêmes. A chaque heure qui passe, les troupes des Colonies et de leurs alliées se rapprochent un peu plus des villes de la République : il n’y a plus de temps à perdre, il faut agir. Se met alors en place un plan tordu comme je les aime, un plan totalement désespéré, le plan de la dernière chance. J’ai trouvé ça franchement poignant de voir Day et Anden, le rebelle contre toute forme d’autorité et le chef d’état tout puissant, travailler de concert pour sauver ce qui peut encore l’être. Ça m’a pris aux tripes, cette collaboration improbable mais nécessaire : quelle belle leçon d’intelligence et d’humilité, de les voir l’un et l’autre laisser leur fierté et leurs différents de côté pour le bien de tous ! Et à partir de ce moment-là, mon cœur n’a plus cessé de s’emballer : on va de rebondissements en rebondissements, de retournements de situation en retournements de situation. A chaque fois que les choses semblent s’arranger, quelque chose vient tout remettre en question, tout fragiliser à nouveau. Et on retient notre souffle, on tremble d’effroi et d’inquiétude, on souffle de soulagement parfois … Et quand arrive la fin, on pleure toutes les larmes de notre corps, c’est audacieux, déchirant mais excellent, et l’épilogue est vraiment sublime !

En bref, vous l’aurez bien compris, ce troisième tome remonte à lui seul le niveau de toute la trilogie et nous offre un final en apothéose comme seule la littérature jeunesse sait le faire ! C’est vraiment un roman qui a su me faire passer par absolument toutes les gammes d’émotions, un roman qui a su trouver le juste équilibre entre l’action pure et un côté plus psychologique … La tension dramatique monte crescendo, pour mieux happer le lecteur qui ne se rend même plus compte qu’il est en train de tourner compulsivement les pages, de retenir son souffle à chaque fois que tout semble définitivement perdu. Alors bien sûr, certains reprocheront sans doute à cette saga de se terminer sur ce qu’ils considéreront être une happy-end à la Disney, mais les choses sont en réalité bien plus nuancées que cela … en réalité, même si les toutes dernières lignes du roman sont effectivement fort « optimistes », je trouve qu’on reste tout de même sur une fin douce-amère, où l’on se rend compte qu’il y a toujours un prix à payer pour une victoire, qu’il faut toujours être prêt à tout perdre quand on veut tout gagner … En tout cas, deux choses sont sûres et certaines : je ne peux que vous encourager à lire cette trilogie même si les deux premiers tomes ont quelques défauts, et surtout, il n’y a absolument pas besoin d’un quatrième tome, c’est tellement plus beau de laisser le lecteur s’imaginer lui-même la suite, sa suite !