Gabrielle Wittkop : Le Sommeil de la raison

Par Lebouquineur @LBouquineur

Gabrielle Wittkop née Gabrielle Ménardeau (1920-2002), est une femme de lettres française et traductrice. Elle est l'auteure d'une littérature dérangeante, macabre, bien souvent au-delà de toute morale. Son style, ainsi que ses centres d'intérêt (thanatos, sexe, identité de genre, étrangeté) apparentent son œuvre à celles du Marquis de Sade, de Villiers de L'Isle Adam, de Lautréamont ou d'Edgar Allan Poe. Elle rencontre dans le Paris sous occupation nazie un déserteur allemand homosexuel du nom de Justus Wittkop, âgé de vingt ans de plus qu'elle. Ils se marient à la fin de la guerre, union qu'elle qualifiera d'«alliance intellectuelle », elle-même affichant à diverses reprises son homosexualité. Le couple s'installe en Allemagne où Gabrielle Wittkop vivra jusqu'à sa mort d’un probable suicide (?) atteinte d’un cancer au poumon.

Paru initialement sous le titre Les Holocaustes en 1976, Le Sommeil de la raison est un recueil de six nouvelles dont le nouveau titre s'inspire d'une gravure de Francisco Goya (Le Sommeil de la raison engendre des monstres). Six textes qui - pour reprendre les propos de l’éditeur - sont des « récits cruels et suprêmement raffinés », emportant le lecteur dans des lieux souvent mystérieux à Madrid, Paris ou en Indonésie.

La nouvelle donnant son titre au recueil, se déroule dans un institut tenu par des nonnes où sont recueillis des monstres humains (genre Freaks, le film) et se termine en une sorte de bacchanale effrayante. Le Prix des choses, parle d’opium et de prostitution enfantine en Indonésie. Dans Tel père, telle fille, une jeune fille prend pour amantes les jeunes maitresses de son père… Image en gris, nous entraine dans un palais abandonné, de très jeunes enfants sont assassinés, il y a une naine rabougrie et c’est franchement angoissant !

Ces quelques exemples trop résumés ne disent rien du bouquin, ou du moins la seule chose que vous pouvez en retenir c’est que comme dans toute l’œuvre de l’écrivaine, on baigne dans des atmosphères cruelles, inquiétantes, où la perversion n’est jamais loin, la morale distendue à outrance.

Ce qu’aucun billet ou critique ne pourra réellement vous faire apprécier tant que vous ne l’aurez pas lue, c’est le style de Gabrielle Wittkop. Un vocabulaire luxuriant, des mots recherchés, un phrasé époustouflant, bref une écriture absolument hors du commun qui requiert une attention soutenue de la part du lecteur. Néanmoins, je ne recommanderais pas ce livre pour découvrir l’auteure car il a parfois, les défauts de sa qualité décrite précédemment : Le Ventre, m’a paru à peu près incompréhensible ! Et même dans les autres nouvelles, certaines phrases sont tellement tarabiscotées ou chantournées qu’elles sont loin d’être claires.

Il faut absolument lire cette écrivaine et j’ai déjà chroniqué deux autres de ses livres, mais ne commencez pas par celui-ci.