Philip Kerr : Metropolis

Par Lebouquineur @LBouquineur

Philip Kerr (1956-2018), est un auteur britannique de romans policiers et de littérature d'enfance et de jeunesse. Il a étudié à l'Université de Birmingham, puis travaillé un temps comme rédacteur publicitaire pour l'agence Saatchi and Saatchi avant de devenir journaliste indépendant puis écrivain de romans policiers en 1989. Le succès de La Trilogie berlinoise, ayant pour héros Bernhard Gunther, un enquêteur privé dont les aventures ont pour cadre l'Allemagne nazie, le pousse à se consacrer à l'écriture à temps plein. Quatorzième et dernier roman de la série Bernie Gunther, Metropolis est paru en 2019 peu de temps après le décès de l’écrivain.  

Berlin en 1928 à l’époque de la république de Weimar (1918-1933). Bernie Gunther qui travaille à la préfecture de police aux Mœurs est promu à la Criminelle. Bernhard Weiss, le grand patron, le charge d'enquêter sur le meurtre de plusieurs prostituées, meurtres d’autant plus sordides que les victimes ont été scalpées et les trophées emportés par l’assassin. L’enquête piétine, le tueur se moque de la police en écrivant aux journaux. Jusqu’à ce qu’une nouvelle victime se révèle fille d’un caïd de la pègre qui jure de se venger. Pour Bernie Gunther les choses se compliquent quand le tueur de prostituées semble lever le pied, remplacé par un autre assassin qui lui s’en prend aux mendiants, mutilés de guerre… Deux tueurs en série pour Bernie, un sacré taf pour le jeune promu !

On le sait, un bon polar doit dérouler son intrigue dans un contexte qui lui donnera de l’étoffe, l’enquête ou l’intrigue seule ne suffit pas, ce contexte peut être social, historique, tout ce que voudra l’écrivain, mais c’est un décor nécessaire. Philip Kerr a choisi pour son cycle Bernie Gunther, l’Histoire, la plus dramatique certainement, celle qui voit arriver le nazisme en Allemagne. 

Pour l’intrigue proprement dite, le petit résumé vous en donne la teneur et l’épilogue pose la question de la Justice opposée à la justice personnelle avec à ses côtés la quête de la Vérité absolue. Questions philosophiques ou morales intemporelles.

Mais ce qui fait la force des romans de l’écrivain, et ce que je préfère à ces lectures, c’est que nous sommes plongés dans la vie quotidienne des Berlinois. L’Allemagne est imprégnée des séquelles de l’armistice de la Grande Guerre, les soldats mutilés hantent les rues de la capitale, réduits à la mendicité ; les petits boulots au noir, la misère qui sévit partout, la prostitution qui touche peu ou prou toutes les femmes ; les clubs où la débauche est de rigueur, les crimes etc. A cette époque, la seule réponse qui semble s’imposer face à ces fléaux, c’est la force, les purges, théories véhiculées par le nazisme qui monte et se répand dans toutes les couches sociales de la population à des degrés divers : redonner sa vigueur à l’Allemagne et combattre l’ennemi intérieur, les Juifs.

Philip Kerr excelle à nous faire vivre cette époque sombre (brune) en ce lieu et son Bernie Gunther doit la jouer fine pour évoluer au milieu de l’abjection en marche, des manœuvres politiques, des crimes sordides et préserver autant que faire se peut son intégrité morale. Pour ajouter à la véracité, l’écrivain n’hésite pas à inclure dans son scénario des personnages ayant réellement existés.

Encore un très bon roman de l’auteur comme d’habitude. Lisez les polars de Kerr, celui-ci ou un autre qu’importe, c’est distrayant et instructif. Peut-on faire mieux ?