Michel Bussi inspire une nouvelle fois le monde de la bande dessinée

Par Mathieu Van Overstraeten @matvano

Un avion sans elle (Fred Duval – Michel Bussi – Nicolaï Pinheiro – Editions Glénat)

Crédule Grand-Duc est au bout du rouleau. Cela fait dix-huit ans que ce détective privé méticuleux consacre ses journées et ses nuits à une seule et même enquête. Il a exploré d’innombrables pistes et vérifié toutes les hypothèses, mais il doit se rendre à l’évidence: son enquête a échoué. Persuadé qu’il ne découvrira jamais la vérité, il décide de brûler sa documentation, à l’exception d’un carnet qu’il adresse à une certaine Lylie, et de se servir un dernier verre de vin avant de se suicider d’une balle dans la tête. Mais au moment où il s’apprête à appuyer sur la détente de son arme, ses yeux s’attardent sur la « une » d’un vieux journal qu’il vient de déposer sur son bureau pour parfaire sa mise en scène. En voyant ce quotidien qui date d’il y a dix-huit ans, il a soudain une révélation: ça y est, il sait enfin qui est la miraculée du Mont Terrible! Car c’est bien elle qui l’obsède depuis tant d’années. La fameuse enquête de Crédule Grand-Duc consiste à rechercher la véritable identité du bébé qui a survécu miraculeusement au crash d’un vol Istanbul-Paris en décembre 1980. Une petite fille que les pompiers ont retrouvée dans les décombres encore fumantes de l’avion, au milieu des forêts enneigées du Jura, en tant qu’unique survivante de la catastrophe aérienne. Mais qui est vraiment cette enfant? S’agit-il de Lyse-Rose de Carville ou d’Emilie Vitral? Il y avait en effet deux bébés du même âge à bord de l’Airbus… C’est le début d’une terrible bataille judiciaire entre les grands-parents Carville et les grands-parents Vitral, qui sont chacun persuadés que c’est leur petite-fille qui a survécu à l’accident. Le moins que l’on puisse dire est que ces deux familles n’ont vraiment rien en commun: les Carville sont des riches industriels issus de la haute bourgeoisie française, tandis que les Vitral sont des modestes vendeurs de frites sur la côte normande. Pour en avoir le cœur net, les Carville chargent alors Crédule Grand-Duc de découvrir la véritable identité de celle que la presse a surnommée Libellule…

Michel Bussi et la bande dessinée, c’est une grande histoire d’amour. Plusieurs livres du romancier à succès ont déjà été adaptés en BD. C’est le cas de « Mourir sur Seine » et « Gravé dans le sable », par exemple. Mais c’est surtout l’adaptation de « Nymphéas noirs », sortie début 2019, qui a marqué les esprits des bédéphiles. Le scénariste Fred Duval et le dessinateur Didier Cassegrain y réussissent en effet l’exploit de conserver toute la saveur d’un récit pourtant très complexe. Une formidable réussite donc, qui était certainement liée en partie au coup de main donné par Michel Bussi lui-même. En tant qu’amoureux de la bande dessinée, notamment de Jean Van Hamme ou de Didier Comès, l’écrivain français n’hésite pas à s’impliquer personnellement dans certaines adaptations de ses livres, en particulier au niveau des dialogues. C’est comme ça qu’il s’est retrouvé à travailler main dans la main avec le scénariste Fred Duval, qui est Normand comme lui, pour écrire la transposition en BD de « Nymphéas noirs ». Et au vu du succès de cette bande dessinée, les deux compères sont logiquement arrivés à la conclusion que ce serait une bonne idée de remettre le couvert. C’est donc le même tandem qu’on retrouve aux commandes de l’adaptation de ce qui est sans doute le best-seller le plus connu de Michel Bussi: « Un avion sans elle ». Et une nouvelle fois, c’est un coup dans le mille! Même si on a déjà lu le roman ou si on a déjà vu l’adaptation en série télévisée, on se laisse inévitablement happer par cette version BD. Impossible de lâcher le livre avant de connaître la fin. C’est un polar parfaitement huilé, avec de multiples rebondissements. Avec « Un avion sans elle », Fred Duval confirme son immense talent d’adaptation de romans denses et fouillés: il réussit à conserver toute l’habileté et la richesse du roman de Michel Bussi, alors qu’il peut pourtant s’appuyer sur beaucoup moins de pages pour y arriver (176 pour la BD, contre 432 pour le roman). Il faut dire aussi que, comme pour « Nymphéas noirs », Fred Duval peut compter sur un dessinateur de grand talent pour donner vie à son scénario. Didier Cassegrain a laissé la place au dessinateur brésilien Nicolaï Pinheiro, mais on n’y perd pas au change. Les dessins de la BD « Un avion sans elle » sont spectaculaires à souhait. Le style très cinématographique de Pinheiro, qui se situe quelque part entre François Boucq et les comics américains, colle à merveille à ce récit plein de rythme et de rebondissements, avec notamment une magnifique galerie de personnages. Cette version BD plaira donc certainement aux nombreux fans de Michel Bussi, mais elle devrait séduire aussi tous ceux qui ne le connaissent pas encore.