Les ignorants. Davodeau – 2011 (BD)

Par Vivrelivre @blandinelanza

Les Ignorants
Récit d'une initiation croisée

Etienne DAVODEAU

Editions Futuropolis, octobre 2011
272 pages

Thèmes : Amitié, Œnologie, viticulture, Monde du livre, Humour

Etienne Davodeau est auteur de bande dessinée, il ne sait pas grand-chose du monde du vin.
Richard Leroy est vigneron, il n'a quasiment jamais lu de bande dessinée.

Etienne Davodeau et Richard Leroy sont amis.
Aucun ne connaît vraiment le monde professionnel de l'autre.
Durant plus d'un an, ils vont se côtoyer, partager, apprendre.
Avec passion, sincérité, patience et curiosité, chacun et ensemble vont partir à la rencontre de l'autre, vont s'ouvrir à l'autre, vont ouvrir leur domaine à l'autre, raconter leur vie, leur parcours, leurs goûts.
Parce qu'ils sont des ignorants, dans un sens positif !

Aux yeux de Richard, Montbenault, c'est une entité vivante et complexe dont il serait le compagnon attentif et l'exigeant partenaire.
Ce que je regarde, c'est la singulière fusion entre un individu et un morceau de rocher battu par les vents.

Etienne va aller chez Richard, dans la Vallée de la Loire, à Rablay-sur-Layon.
Il va apprendre à tailler les vignes ; à travailler la terre et découvrir ses différences et subtilités ; à récolter le raisin et à en laisser de côté ; à aller voir la fabrication d'un tonneau ; à attendre " le " Robert Parker ; à entendre le vin fermenter ; à goûter encore et encore...

Il va apprendre le jargon, à différencier les types de sols, se lever à pas d'heure, qu'il fasse nuit ou grand froid, évoquer le soufre et le volatile, parler de bio, de biodynamisme et d'empirisme, et se frotter aux techniques qui leur sont associés.

Richard, de son côté, va voir son ami dessiner à longueur de temps, même ce qui ne lui semble pas intéressant. Il va lire des albums aux styles divers et variés que lui conseille Etienne pour pouvoir donner son avis ensuite, plutôt bruts.

Richard va quitter sa vigne pour la Belgique, aller dans une imprimerie et découvrir comment un projet devient un livre, l'importance du choix du papier et son impact sur les nuances des couleurs ; il va aller à Paris, chez Futuropolis pour assister à une réunion de travail et voir les choix éditoriaux.

Ensemble, ils vont traverser la France, parcourir des kilomètres, pour arpenter des allées de salons ou de vignes.
Ensemble, ils découvrent les valeurs, libertés, contraintes et aléas de leurs professions.
Ensemble, ils rencontrent des auteurs et dessinateurs, comme des vignerons de toujours ou reconvertis.
Tous sont des passionnés qui commentent, confrontent, expliquent leurs décisions et méthodes.
Le tout avec une bonne bouteille. Ou de l'eau.
C'est que Richard est intransigeant et n'a pas la langue dans sa poche.
Pour tout.

Ensemble, ils vont découvrir que le vin et la BD ne sont finalement pas si éloignés l'un de l'autre et qu'ils se complètent même très bien.
Auteurs/dessinateurs et vignerons sont des métiers de passion, solitaires, manuels, aux finalités similaires : bien faire et bien transmettre pour faire plaisir et apporter du bonheur, et de la connaissance.
Les livres de l'un, les vins de l'autre, contiennent une part d'eux-mêmes qu'ils offrent.

Ce roman graphique est un dialogue entre Etienne et Richard, auquel nous assistons.
J'ai vraiment eu l'impression d'être avec eux, de marcher avec eux, de découvrir avec eux.
Et j'ai ri, beaucoup ri !
Leurs échanges sont concrets, simples, directs, chaleureux et généreux avec exclamations, jurons et blagues.

Cette proximité se retrouve complètent dans les dessins, en noir, blanc et nuances de gris, entre lavis et crayon, riche de détails. Une planche est même signée Lewis Trondheim suite à un échange sur " la théorie du bec ".
Dans ces dessins, Etienne Davodeau insère aussi quelques petites contradictions, telle cette volonté, revendiquée, assumée du naturel de la vigne, bichonnée et travaillée à la main, qui pourtant, voit de nombreux véhicules venir jusqu'à elle, avec leurs gaz d'échappement.
Au fil des mois, on assiste à la transformation physique de Richard. Ses expressions physiques et faciales sont vraiment très bien rendues. Et c'est drôle!
Côté paysages, c'est immersif.

On boit mon vin, mais ton bouquin, tu le termines quand ?
Il est fini.

Refermer cet album, ce n'est pas laisser des personnages mais des hommes, des vocations, des passions.

Autant je peux continuer à partager l'expérience avec les albums d'Etienne Davodeau, autant les vins blancs secs de Richard Leroy me sont carrément hors budget. Approuverait-il mes choix de vins ? ! Et que dirait-il de nos lectures du jour ?

Un ouvrage à lire et à relire, à offrir sans aucune modération!