Peter Pan. J.M. BARRIE – 1911

Par Vivrelivre @blandinelanza

Peter Pan

James Matthew BARRIE

Traduit de l'anglais par Yvette METRAL
D'après le roman paru en 1911

Illustration de couverture par Cruschiform

Éditions Librio, mars 2019
192 pages

Thèmes : Conte, Aventure, Enfance, Fantastique , Figures féminines, Mort, Notion du temps

Peter Pan est un personnage de légende, un personnage de récit imaginaire, un garçon resté enfant avec toutes ses dents de lait, que l'on raconte aux petits avant qu'ils ne s'endorment. Bien sûr, lorsqu'ils grandissent, ils ne croient plus en lui et Peter perd peu à peu cette aura de réalité qui l'entoure.
Il en va ainsi de tous ceux qui acceptent de grandir, de devenir des grandes personnes... ou presque...

A l'inverse de son mari qui est toujours dans ses calculs (il est banquier mais pauvre), Mme Darling garde précieusement en elle sa capacité d'émerveillement. Grâce à cela, une nuit, en remettant de l'ordre dans l'esprit de ses trois enfants, Wendy, John et Michael, comme toute bonne mère le fait, elle retrouve Peter. Ce prénom y est inscrit partout, en particulier dans celui de sa fille.

Sur le coup, Mme Darling ne sut pas du tout, mais en remontant dans son enfance, elle se souvient d'un Peter Pan qui vivait - disait-on - chez les fées.

Et Peter Pan, en bon garnement qu'il est, les observe, entre dans la chambre des enfants mais y perd son ombre, recueillie par Nana, la chienne nounou, avant d'être rangée par Mme Darling dans un tiroir.

Un vendredi soir, bien qu'un étrange pressentiment tenaille Mme Darling, les époux se rendent chez des amis. Tantôt, Mr Darling a enchaîné Nana à sa niche pour une histoire de sirop, et voilà l'occasion rêvée pour Peter pour enfin récupérer son ombre.
C'est ainsi que Wendy le surprend et qu'ils discutent.
Après de nombreux quiproquos qui enchantent Wendy, ils s'envolent tous les quatre, accompagnés de la boudeuse Fée Clochette, pour le Pays Imaginaire, là où les enfants ne grandissent pas et jouent autant qu'ils le souhaitent.

Et même si Peter Pan sait se montrer irascible, injuste, tyrannique, capricieux, méchant, autoritaire, crâneur, cynique, faisant des promesses qu'il oublie, s'ennuyant très rapidement, obligeant chacun à agir comme lui le désire... Tous l'admirent ! Il est le chef !

Et les Enfants Perdus que sont La Guigne, Bon Zigue, La Plume, Le Frisé, et les Jumeaux, savent qu'ils ont bien besoin d'un Chef.
Car sur cette île au décor paradisiaque, les dangers sont multiples.

Il faut prendre garde aux Bêtes Sauvages ; aux Peaux-Rouges ; aux Sirènes joueuses qui séduisent et entraînent dans les fonds ceux qui succombent à leurs chants ; et surtout... des Pirates menés par le cruel Capitaine Crochet qui voue une haine tenace à Peter Pan.

Il y avait chez Peter un je ne sais quoi qui exaspérait le pirate jusqu'à la transe. Ce n'était pas son courage ; ni même sa tournure avenante ; ce n'était pas non plus... mais pourquoi tourner autour du pot puisque nous savons très bien ce que c'était, et que le moment est venu de le dire. C'était le toupet de Peter.

Peter est celui sans qui le Pays Imaginaire ne pourrait exister. Il est le jeu et ses règles. Il est son équilibre, vital. Il est la constance, l'immuable, dans le changement, perpétuel : Jeux, Souvenirs, Nature, Enfants perdus, combats contre Crochets, vie des Fées...

Arrivée au Pays Imaginaire non sans accroches, merci ironique à Clochette et merci sincère au dé à coudre offert par Peter, après avoir eu SA maison construite par les Enfants Perdus, Wendy devient leur Maman à tous, se subsistant pour ses frères à leur Maman véritable et peu à peu oubliée.
Tous ont besoin d'une mère, recherchent son affection et sa protection, sa sécurité réconfortante même dans l'éloignement. Une mère qui les guide et les prépare à devenir adultes.
Même Peter qui ne l'avouerait pour rien au monde. Wendy remplit parfaitement ce rôle, racontant des histoires, veillant aux heures de sommeil, à la prise des médicaments, aux différentes leçons, notamment pour la mémoire de ses frères, pour qu'ils n'oublient pas leurs parents, et auxquelles participent les Enfants Perdus avec beaucoup d'engouement.

-Il y a longtemps, dit-il, je pensais moi aussi que sa mère laisserait la fenêtre ouverte pour moi. Je restais donc absent pendant des lunes et des lunes. Mais quand je revins, il y avait des barreaux à la fenêtre car maman m'avait complètement oublié, et un autre petit garçon dormait dans mon lit.

Et l'histoire de Peter devient la vérité et la règle, instaurant son refus de grandir, pour lui-même, comme pour ceux qui l'accompagnent.
C'est aussi que le temps ne s'écoule pas de la même manière au Pays Imaginaire.

Et les parents de Wendy, John et Michael d'ailleurs, que deviennent-ils ? Nous savons par des effets narratifs qu'ils s'en sont beaucoup voulus d'être partis ce soir-là, et que s'ils avaient fait beaucoup de choses différemment, leurs enfants seraient toujours avec eux. S'en repentant particulièrement, Mr Darling dort désormais dans la niche de Nana, va au travail dans cette niche et son abnégation, certes risible, force l'admiration et la compassion de ses collègues et voisins.
Quant à Mme Darling, elle laisse la fenêtre ouverte et joue du piano.

J.M. Barrie en 1902 - Source

James Matthew Barrie, écossais de naissance, est le neuvième enfant et le troisième garçon du couple Barrie.
A ses 6 ans, son frère ainé David, le fils préféré de sa mère Margaret, meurt. Profondément choqué, il n'aura de cesse de chercher à combler l'absence, à remplacer ce frère parti trop tôt, resté éternel enfant dans le cœur maternel. Certains disent que c'est pour cette raison que l'écrivain n'eut pas une grande taille (1.61m).

Inspiré par ce drame, créé pour les enfants Llewelyn Davies (George, Jack, Michael et Peter) rencontrés en 1897 et dont J.M. Barrie devient le tuteur légal en 1907, Peter Pan est né pour la première fois en 1902 dans le roman The Little White Bird (L e petit oiseau blanc), puis dans la pièce de théâtre Peter Pan, or, The Boy Who Wouldn't Grow Up ( Peter Pan, ou le garçon qui ne voulait pas grandir) en 1904. En 1906, la partie de The Little White Bird concernant Peter Pan est publiée seule dans Peter Pan in Kensington Gardens. C'est en 1911 que Peter Pan naît véritablement dans le roman Peter and Wendy, plus connu sous le titre Peter Pan.

Roman d'aventures mais surtout d'apprentissages, les thèmes immédiats de Peter Pan sont le refus de grandir, de vieillir, de devoir prendre des décisions et avoir des responsabilités, en un mot de devenir adulte.
Et en conséquence, la peur de la mort, inéluctable, alors que sans cesse, les enfants y jouent, la frôlent et la vivent ; comme le rejet du temps qui passe, floutant la mémoire, noyant les frontières de l'imaginaire et du réel (sur cet aspect, le roman de J.M. Barrie est novateur).
Se trouve aussi une réflexion autour de la figure féminine, incarnée par Mary Darling, Wendy Darling, Clochette, et dans une moindre mesure les Sirènes ou Lily la Tigresse.

Le roman se termine comme il a commencé... sur cette histoire qui se transmet, de génération en génération... Wendy attend chaque printemps Peter, qui lui a promis de revenir... Mais il oublie comme l'enfant qu'il est, et revient seulement de temps à autre. Wendy a trop grandi et l'intéresse désormais sa fille Jane... Puis selon le même cycle, sa fille ensuite, Margaret.

Couverture de Peter Pan & Wendy (1911) - Source

Peter Pan de Disney (1953) - Source

Statue de Peter Pan à Kensington Gardens - Londres. S ource

Il était temps que je découvre le roman classique qui a inspiré le dessin animé de Disney (1953), vu plusieurs fois.
Revu en parallèle de ma lecture et bien que plutôt fidèle, il ne restitue pas tous les évènements dans le "bon" ordre. Surtout, cela m'a permis de voir un Peter Pan, enfant aux oreilles pointues et avec toutes ses dents de lait, pas aussi tendre et joyeux qu'il semble paraître.

J'ai beaucoup aimé ce roman et la plume de Barrie qui s'adresse souvent à nous, nous immergeant dans le récit aux côtés de ses personnages. C'est aussi le fruit de la traduction (ici d'Yvette Métral) dont j'ai trouvé le vocabulaire et les formulations oscillant entre le classique et le contemporain. Cela me plaît.
Cette édition est servie par une très belle couverture, réalisée par Cruschiform et se referme par un dossier pédagogique avec questions de compréhension, liens avec d'autres œuvres et prolongements possibles.
J'aime aussi le format, légèrement plus large qu'un poche.