Les liens de Domenico Starnone

Par Lettres&caractères

Partir, tout quitter sur un coup de tête, ne pas se retourner sur son passé, laisser derrière soi ceux que l’on a aimés et désirés, ceux qui nous encombrent aujourd’hui, cette femme qui se lamente, ces enfants qui nous aspirent.

Les liens de Domenico Starnone (éditions Le livre de poche)

Partir sur un coup de tête en oubliant tout ce que l’on a patiemment construit, cette vie de famille, ces liens tissés au fil des années et fortifiés par les souvenirs. Partir sur un coup de tête parce qu’une autre nous a fait perdre la tête, parce qu’on a envie de tenter l’aventure, de tout recommencer, parce qu’on a qu’une vie.

Partir c’est ce qu’aurait aimé faire Aldo, c’est ce qu’il a tenté de faire il y a des siècles quand Vanda et lui étaient encore jeunes et leur avenir plein de promesses. Aldo a failli, il a distendu les liens du mariage, a cherché à les rompre mais sans y parvenir. Vanda n’a pas lâcher l’autre extrémité, elle a tenu bon de toutes ses forces, elle a lutté pour ne pas être distancée, elle a tenu la corde avec courage et obstination, pour elle et pour ses enfants et elle a gagné puisqu’Aldo est revenu. Mais à quel prix ?

Tu as longuement déblatéré avec autant de flegme que de pédanterie sur les rôles dans lesquels nous nous étions enfermés en nous mariant – mari, femme, mère, père, fils et fille – et tu nous as décrits – toi, moi, nos enfants – comme les engrenages d’une machine absurde, obligés de répéter pour toujours les mêmes mouvements vides de sens.

Dans un court roman choral, Vanda, Aldo et leurs enfants se partagent la parole. Chacun y va de son vécu, de ses souvenirs, de ses traumatismes aussi liés au départ du père, du socle, du pilier. Il y a ce que l’on dit et ce que l’on pense tout bas, il y a cette ombre qui plane et ces faux semblants. Il y a un mariage qui a failli être brisé et qui a finalement survécu. Mais à quel prix ?

Les liens dressent le portrait de deux époux dont le mariage semble tenir davantage du devoir moral que de l’amour. Mais au fond, n’est-ce pas ce qui rend un mariage solide ? N’est-ce pas cela les liens du mariage : ce qu’il reste quand l’amour n’est plus ? C’est tout l’art de ce roman intimiste d’une grande finesse psychologique : nous amener à réfléchir aux liens qui unissent deux êtres pour l’éternité alors que rien ne les y contraint vraiment. Un petit traité sur le mariage plutôt réussi.

Les liens fait partie de la sélection d’avril du Prix des lecteurs 2021.



L’ESSENTIEL

Couverture Les liens de Domenico Starnone

Les liens
Domenico Starnone
Editions Fayard en GF et Le livre de poche
Sorti le 21/08/2019 en GF et le 31/03/2021 en poche
180 pages 

Genre : roman contemporain
Plaisir de lecture :
Personnages : Aldo, Vanda et leurs enfants
Recommandation : oui
Lectures complémentaires : Quatre amours de Cristina Comencini, Les adultes de Caroline Hulse, Un mariage américain de Tayari Jones, Un mariage anglais de Claire Fuller

RÉSUMÉ DE L’ÉDITEUR

Comme beaucoup de mariages, celui de Vanda et d’Aldo a essuyé le feu des épreuves, l’usure, le poids de la routine. Et pourtant, il en est sorti intact. Du moins au premier regard. La faille au sein de leur couple, la trahison d’Aldo, remonte à un passé lointain. À y regarder de plus près, les fissures et les morceaux recollés sautent aux yeux. C’est un vase craquelé qui peut se briser au moindre contact. Peut-être a-t-il même déjà éclaté, même si nul ne veut l’admettre.

À travers un récit subtil et tranchant, Domenico Starnone nous fait pénétrer dans l’intimité d’une famille napolitaine saisie à différentes époques – l’histoire d’une fuite, d’un retour, d’une débâcle qui lie ensemble chacun de ses membres et les précipite dans un redoutable carnage domestique.


TOUJOURS PAS CONVAINCU ?

3 raisons de lire Les liens

  1. C’est d’une grande finesse psychologique
  2. Les personnages sont plus complexes qu’il n’y paraît de prime abord
  3. Ca se lit d’une traite

3 raisons de ne pas lire Les liens

  1. Il manque « un truc » à cette histoire pour la rendre mémorable
  2. On a quand même le sentiment que 200 pages c’était bien suffisant, il n’en aurait pas fallu plus
  3. C’est presque un huis-clos alors si vous avez besoin d’air et d’évasion, ça ne sera pas forcément le bon roman

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