Pierre-François Kettler – Je suis innocent ***

Par Laure F. @LFolavril

Talents Hauts - mars 2020 - 256 pages

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Jean a sept ans et le coeur innocent. En rwandais, il se nomme Munyangoma, " celui qui frappe du tambour ". Ce jour de janvier 1994, c'est son anniversaire, il joue avec sa sœur Agathe dans les marais - elle lui révèle ses secrets.

Au fil des chapitres, Jean prend la parole et nous raconte son histoire. Celle de son pays - celle du jour où les hommes sont devenus fous. Ses mots claquent dans l'obscurité, résonnent avec pureté, clarté. Ils révèlent toute l'innocence et la candeur d'un enfant qui s'apprête à découvrir l'horreur d'un génocide.

Les accords d'Arusha, la France... Jean perçoit le chaos et la tension dans les voix des adultes, lorsqu'ils prononcent ces mots. On peint des croix blanches dans la nuit sur les portes de certaines familles. " Inyenzi! " La chasse aux Tutsis est lancée...

Et puis, il y a ce matin d'avril 1994. Où des coups retentissent à la porte de leur maison. Où sa mère lui ordonne de rester caché. Où sa famille disparaît ; Jean ne comprend pas sur le moment qu'ils ont tous été assassinés. Sa maison est pillée. Et cette phrase qui va revenir désormais comme un refrain " Il faut que je vive ! " - en souvenir des derniers mots de sa mère.

" Un mamba me sauve la vie. Je suis un enfant. Je ne comprends rien à la vie. Je suis vivant. "

Je suis innocent, c'est le regard d'un enfant sur le génocide des Tutsis qui a meurtri le Rwanda. Un regard qui comprend sans comprendre. L'enfance ne peut pas accepter ce qu'il se passe ; alors Jean trouve des métaphores pour digérer le réel ; ces corps ensanglantés, privés de leurs membres sont comme des poissons, des sacs, baignant dans le jus de maracujas... Et dans ses rêves, son frère Aristophane apparaît et l'aide à survivre.

Je suis innocent est un récit poignant, terrifiant - l'innocence incarnée se retrouve dépouillée par la pire des abominations. Un roman que je lis en apnée, séduite par l'écriture dépouillée, empreinte de poésie et de candeur malgré l'horreur.

" Je suis un enfant. Je suis fou. Je ne suis pas fou. Je suis vivant. "