Si ça saigne – Stephen King

Par Lison Carpentier @loeilnoir1

Si ça saigne - Stephen King - Editions Albin Michel, Février 2021.

Une madeleine de Proust, voilà ce que j'éprouve à la lecture de ce recueil. Une époque retrouvée : celle où adolescente je passais mes journées d'été plongée dans l'univers de Stephen King, parce que c'était là où je devais être et pas ailleurs, imprégnée jusqu'à la moëlle de ses personnages plus que réalistes, qui prenaient quasiment vie autour de moi et que j'étais bien incapable de quitter une fois le livre refermé. A cette époque donc je pensais, marchais, vivais comme un personnage de King (oui, limite schizophrène tout ça mais tellement bon), ce phénomène ne m'était plus arrivé à l'âge adulte et je désespérais de retrouver un jour ces sensations de lecture fantasques démultipliées par la prose inédite de Stephen King. Jusqu'à mes lectures toute récentes de la trilogie Bill Hodges et de, avec l'apparition très remarquée de la lumineuse Holly Gibney... Avec ces excellents romans (j'inclus , chef d'oeuvre), le miracle est réapparut : happée, transportée, les sens exaltés, me revoilà en mode lecture 3D comme au bon vieux temps!

Et voici que la détective préférée de Stephen King remonte en selle dans la nouvelle Si ça saigne qui donne son nom au recueil, et prend en chasse un étrange journaliste. Le dénommé Chet Ondowsky parvient à couvrir un reportage sur le lieu de chaque catastrophe, drame ou attentat, comme c'est le cas dans un collège de la banlieue de Pittsburgh, mais ce n'est pas le plus étrange car " si ça saigne" , l'info se vend et ça, tous les journalistes le savent. Holly Gibney en revanche a remarqué un détail de la physionomie du journaliste qui la tracasse, elle n'en démord pas: cet être assoiffé de sang n'a rien d'humain ! Réel plaisir que de retrouver cette jeune femme si " particulière ", dans une nouvelle qui n'est pas sans rappeler ou Docteur Sleep. Si ça saigne est la nouvelle la plus longue du recueil, il y avait même de quoi en écrire un roman, à mon avis.

J'ai une légère préférence pour Le téléphone de Mr Harrigan, pour le délicieux frisson que cette nouvelle m'a procuré : pour se faire un peu d'argent de poche, Craig, jeune garçon d'une petite ville du Maine, rend de menus services à un riche industriel retraité du voisinage en lui faisant la lecture ou en tondant sa pelouse. Une belle amitié va lier les deux personnes jusqu'au décès de Mr Harrigan. Lors de son enterrement, Craig, mu par une impulsion subite, glisse le téléphone de Mr Harrigan dans son cercueil...

La vie de Chuck est d'une originalité prodigieuse, sa composition inédite et brillante repose sur une chronologie inversée : étrange expérience que ce récit post-apocalyptique. Je suis malheureusement restée assez hermétique au contenu de cette histoire, mais elle démontre le pouvoir imaginatif de l'auteur, et puis une scène m'a beaucoup plu autour de la danse, en me rappelant certains passages phénoménaux de

La petite dernière intitulée Rat, qualifiée de " conte de fée maléfique ", met en scène un professeur de lettres et écrivain, Drew Larson, qui a déjà publié des nouvelles mais n'est jamais parvenu à bout d'un roman. Fermement décidé à terminer son œuvre, il décide de s'isoler dans un chalet en pleine forêt pour écrire. Une nouvelle assez intime, le thème de l'écriture est récurrent des romans de Stephen King, ô combien fascinant!

L'auteur a retrouvé son style d'écriture approfondi, habité, inimitable qu'il m'avait semblé avoir perdu dans L'Institut : alors oui, ce recueil de nouvelles fantastiques porte bel et bien la griffe endiablée de Stephen King ! A lire pour tous ceux qui aiment King, et ceux qui veulent le découvrir sans oser se lancer dans un de ses énormes pavés (qui honnêtement se lit en général très facilement, mais qui peut de prime abord sembler rébarbatif!), car lire une nouvelle est souvent une manière très efficace de découvrir l'univers d'un auteur !