Rhapsodie des oubliés de Sofia Aouine

Par Lettres&caractères

Le hasard des sélections m’a amenée à lire Rhapsodie des oubliés pour Le prix des lecteurs 2021 puis à l’écouter dans sa version audio pour le Prix Audiolib 2021. Cette double approche du texte ne m’aura malheureusement pas permis de lever mes réticences à son sujet.

Rhapsodie des oubliés de Sofia Aouine (Le livre de poche et Audiolib)

Pourtant Rhapsodie des oubliés faisait partie des romans qui attisaient ma curiosité depuis sa sortie. J’avais déjà eu l’occasion de lire l’incipit et j’avais été accrochée par cette écriture vivante, cette poésie de la rue qui utilise la vulgarité pour en faire quelque chose de beau, d’imagé, de profond et de sensible. J’étais donc heureuse de retrouver ce titre dans les deux sélections des prix auxquels je participe cette année. La découverte ne pouvait être que belle et enrichissante après une telle entrée en matière. Mais il en va en littérature comme il en va d’une rencontre amoureuse : la première impression n’est pas toujours la bonne. Ce qui m’a plu dans les premières lignes a eu tôt fait de me lasser dans la durée. Le style est frais, singulier et étonnant parfois à l’image de ces « Barbapapa » et « Batman » (je vous laisse le plaisir de découvrir de quoi il s’agit) mais surtout il est bien plus puissant que l’histoire en elle-même d’un ado plein de ses hormones et de ses illusions. Mon intérêt pour la vie d’Abad et pour les personnages qui ont croisé sa route s’est rapidement étiolé. J’ai donc eu le sentiment que le juste dosage entre fond et forme n’avait pas été trouvé, que l’on tombait trop facilement dans l’excès et c’est bien cela qui a fini par me faire trouver le temps long alors que ce roman atteint tout juste les deux cents pages.

On est beaucoup dans ma rue, et même au collège, à être élevés par des droites et qu’on fait taire avec des bonbons. La principale religion à la maison s’appelle le silence. […] La daronne c’est dans sa peau, elle a pratiqué ça toute sa vie. Ma mère est un fantôme de lait et de rose. Silencieuse et discrète. Le genre de femme qui mourra dans les limbes des mots qu’elle n’a jamais osé dire. Le regard droit et le poing fermé par la rage avortée.

Si je devais comparer ce roman pourtant très singulier à un autre roman, tout aussi singulier, je dirais que j’y ai trouvé un peu les mêmes travers que dans Vernon Subutex de Virginie Despentes. Du décalé, du frais, du léger avec beaucoup de profondeur, du révolté mais trop présent, trop répétitif et finalement trop étouffant.

Rhapsodie des oubliés, est un livre qui a tout pour diviser. Il a la fougue nécessaire pour plaire aux lecteurs en recherche d’un souffle nouveau, en même temps il malmène la langue pour la détourner du chemin balisé de la littérature ce qui a de quoi heurter les défenseurs d’un style plus académique. Personnellement je ne me range ni dans un camp ni dans l’autre. Mon cœur est simplement resté sourd à cet appel de la rue, autant qu’à l’interprétation d’Ariane Ascaride dont le timbre de voix a eu plus tendance à me crisper qu’à m’emporter. Au moins il n’y a pas de jaloux : papier ou audio, même déception. Au suivant, dans les deux prix !



L’ESSENTIEL

Couverture de Rhapsodie des oubliés de Sofia Aouine

Rhapsodie des oubliés
Sofia AOUINE
Editions de La Martinière en GF, Le livre de poche et Audiolib en version audio
Sorti en GF le 29/08/2019, le 19/08/2020 en poche et le 16/09/2020 en audio
216 pages (4h42 d’écoute)
Lu par Ariane Ascaride

Genre : roman contemporain, roman d’apprentissage
Personnages : Abad, Odette, Gervaise et les autres
Plaisir de lecture :
Recommandation : oui si vous n’êtes pas réfractaire à un style des rues
Lectures complémentaires : Vernon Subutex de Virginies Despentes, La Meute de Sarah Koskievic

RÉSUMÉ DE L’ÉDITEUR

« Ma rue raconte l’histoire du monde avec une odeur de poubelles. Elle s’appelle rue Léon, un nom de bon Français avec que des métèques et des visages bruns dedans. »

Abad, treize ans, vit dans le quartier de Barbès, la Goutte d’Or, Paris XVIIIe. C’est l’âge des possibles : la sève coule, le cœur est plein de ronces, l’amour et le sexe torturent la tête. Pour arracher ses désirs au destin, Abad devra briser les règles. À la manière d’un Antoine Doinel, qui veut réaliser ses 400 coups à lui.
Rhapsodie des oubliés raconte sans concession le quotidien d’un quartier et l’odyssée de ses habitants. Derrière les clichés, le crack, les putes, la violence, le désir de vie, l’amour et l’enfance ne sont jamais loin.
Dans une langue explosive, influencée par le roman noir, la littérature naturaliste, le hip-hop et la soul music, Sofia Aouine nous livre un premier roman éblouissant.

Née en 1978, Sofia Aouine est reporter radio. Elle publie aujourd’hui son premier roman, Rhapsodie des oubliés.


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TOUJOURS PAS CONVAINCU ?

3 raisons de lire Rhapsodie des oubliés

  1. Le travail sur la langue est admirable (même s’il n’est pas au goût de tout le monde)
  2. Pour un premier roman c’est une sacrée prouesse
  3. On y parle de ceux habituellement laissés dans l’ombre, les oubliés

3 raisons de ne pas lire  Rhapsodie des oubliés

  1. Certains y reconnaissent Le Petit Nicolas version 18e arrondissement
  2. Ca manque d’intrigue et de fil conducteur
  3. On peut vite s’en lasser

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