Alabama 1963 de Ludovic Manchette et Christian Niemiec

Par Caroline @Lounapil
Alabama 1963 de Ludovic Manchette et Christian Niemiec, Publié aux éditions du Cherche-Midi, 2020, 384 pages. Birmingham, Alabama, 1963. Le corps sans vie d'une fillette noire est retrouvé. La police s'en préoccupe de loin. Mais voilà que d'autres petites filles noires disparaissent... Bud Larkin, détective privé bougon, alcoolique et raciste, accepte d'enquêter pour le père de la première victime. Adela Cobb, femme de ménage noire, jeune veuve et mère de famille, s'interroge : " Les petites filles, ça disparaît pas comme ça... " Deux êtres que tout oppose. A priori.

Alabama 1963 est un polar du genre qu'on ne peut lâcher. Comme son titre l'indique, nous somme en 1963 en Alabama en pleine ségrégation raciale. Adela est noire et femme de ménage pour des blanches fortunées. Bud Larkin est un ex-flic, alcoolique, reconverti en détective privé. Rien ne semblait pouvoir rassembler ces deux-là et pourtant, quand les corps de petites filles noires sont retrouvés, seul Bud accepte de prendre en charge l'affaire avec Adela à ses côtés...

Alabama 1963 c'est avant tout un roman sur la ségrégation raciale. D'un côté les noirs, de l'autre les blancs; des quartiers différents; des priorités différentes. Ainsi quand on retrouve les corps sans vie de fillettes noires, la police blanche n'en fait pas tout un plat et ne cherche pas à en savoir plus. L'injustice frappe même ici, dans la mort. Adela et Bud vont être réunis, eux qui n'ont rien en commun. Bud est un personnage bourru, alcoolisé à longueur de journée. Au contact d'Adela, il va peu à peu changer.

C'est grâce à Adela qu'on prend conscience ce qu'est être noir aux USA à cette époque. Femme de ménage, elle est dans " les coulisses " des familles blanches. Être noir c'est bien sûr ne pas pouvoir s'asseoir devant dans un bus, ne pas fouler la même pelouse que les blancs, c'est surtout entrer par la porte de la cuisine, ne pas pouvoir utiliser les mêmes toilettes que ses employeurs, être considéré comme un imbécile ou un voleur à longueur de journée. Ce sont ces petits détails qui font ressentir l'extrême injustice de l'époque. L'intrigue policière passe même au second plan tellement le thème du racisme est important et bien traité. Le duo Adela/Bud fonctionne très bien et chacun apprendra à découvrir l'autre.

Les deux auteurs font aussi preuve de beaucoup d'humour et j'ai ri à plusieurs reprises: Adela est une femme extraordinaire qui ne s'en laisse pas compter quant à Bud, il a des répliques cultes qui ont fait mouche. On pourrait reprocher aux auteurs leurs chapitres très courts. Ils ont un avantage: celui d'obliger le lecteur à poursuivre sa lecture coûte que coûte. Le revers de la médaille est que les personnages et l'intrigue manquent parfois de profondeur.

" Alabama 1963 " est un excellent roman que je recommande notamment pour la question de la ségrégation raciale et pour Adela, un personnage inoubliable.