Chronique : Darling #automne – Charlotte Erlih et Julien Dufresne-Lamy

Par Valentine @abookcatcher

Le jour de la rentrée, après les cours, May reçoit un mystérieux message d’un compte Instagram privé : « Tu étais si jolie aujourd’hui… » Signé Y.

Ce message est le premier d’une longue série. May est d’abord inquiète, méfiante, elle pense à toutes ces histoires d’emprise virtuelle – un pédophile ? un recruteur de Daesh ? un garçon torturé ? Mais puisque Y lui écrit tous les jours, sur un mode doux et romantique, May se sent de plus en plus rassurée. Y est adorable et il semble la connaître de près. Très vite, un jeu intense se crée entre les deux…

Je remercie la maison d’édition pour la lecture de ce roman via la plateforme Netgalley.

C’est en regardant une vidéo de Pikiti Bouquine que j’ai découvert ce roman jeunesse, premier des quatre tomes qui vont relater le quotidien d’une bande de collégiens à l’ère des réseaux sociaux. Présentée ainsi, l’histoire ne semble pas particulièrement originale : des romans jeunesse publiés avec comme toile de fond les problématiques rencontrées par tout adolescent qui a traversé l’épreuve du collège, ce n’est pas ce qui manque ! Néanmoins, ce sont des thématiques que j’apprécie énormément en roman jeunesse, et pour le coup, Darling #automne, que je pensais être un roman plutôt léger, s’est en réalité révélé bien plus profond et poignant. Avec un peu de recul, ce premier tome a été un petit coup de cœur.

J’ai dévoré ce roman. Je n’ai eu aucun mal à le lire en quelques heures car le contexte se met en place très facilement. May et Néo sont des jumeaux que tout oppose : l’une est la fille la plus populaire du collège, belle et adulée, tandis que Néo fait plutôt partie des parias, exclu aux côtés de son meilleur ami Fifi avec qui il partage sa passion pour les jeux vidéos et l’informatique.

« Pour moi, jouer, c’est vivre. C’est agir comme il faut, parce que dans la vie, j’ai compris depuis longtemps que j’avais pas la notice. »

May est le stéréotype de la fille populaire de l’école : tout le monde veut faire partie de sa bande, tous les garçons bavent plus ou moins secrètement sur elle, et surtout, elle adore ça. Le regard des autres la rend forte, elle qui n’a pas toujours eu cette position de supériorité dans sa vie sociale : elle se sait convoitée et jalousée, et elle n’hésite pas à en jouer. Parfois hautaine et un peu peste, de prime abord, la jeune fille n’apparaît pas sous son meilleur jour. Néanmoins, lorsqu’elle va commencer à recevoir dans ses DM Insta de mystérieux messages anonymes, May va peu à peu changer, et la suite donnée à ces messages va la faire mûrir et le rendre beaucoup plus attachante.

« Dans nos messages avec Y, chaque mot compte. Chaque espace. Chaque point. Les marges autour des mots forment l’air d’une pièce qu’on respire à deux. C’est beau, non ? C’est Y qui m’a dit ça. »

A première vue, Néo n’est pas non plus le personnage le plus attrayant qui soit. C’est un ermite qui préfère vivre dans la fiction de ses jeux vidéos, scrutant pourtant de loin les moindres faits et gestes des Puissants du collège, guidé par une fascination presque malsaine pour ces jeunes populaires dont les centres d’intérêts et les codes sont à milles lieues des siens.  Pour autant, très vite, Néo va dévoiler des facettes de sa personnalité qui vont le rendre beaucoup plus touchant, notamment lorsque sa sœur va se retrouver en difficulté. L’amour fraternel et gémellaire va retrouver tout son sens et bien que tout soit décrit avec beaucoup de pudeur, il est très agréable de voir les deux personnages évoluer séparément dans un premier temps, puis petit à petit apprendre à se retrouver, à retrouver une complicité et une épaule sur laquelle se reposer.

« Je fais tout pour tenir sa cadence. Ne pas la laisser s’éloigner. Même si je sue. Même si je pue. Même si je ressemble à un gros tas de gelée anglaise. Car sur ses joues, je vois bientôt du rose apparaître. Son cou ressort de ses épaules. Lentement, elle redresse la tête. Et malgré les gouttes qui me dégoulinent dessus, malgré mon essoufflement et le fait que je sois en train de faire la chose que je déteste le plus au monde, je me sens étrangement bien. A côté de moi, ma jumelle ressuscite. »

Le point fort du roman est qu’il est très moderne, parfaitement dans l’ère du temps… et d’ailleurs, c’est en cela qu’il peut aussi être un peu effrayant ! Effrayant, car on mesure tout l’impact qu’ont les réseaux sociaux dans la vie de ces jeunes dont le mode de vie est dicté par les codes d’Internet : ces collégiens, malgré leur jeune âge, semblent être sortis de l’enfance depuis des années, confrontés à des problématiques qui requièrent un semblant de maturité qui d’ailleurs leur manque peut-être à l’heure où tout va très vite, trop vite, que l’attention est portée sur les apparences et le nombre de likes, que le vrai ne compte pas, ne compte plus. L’essentiel est de préserver une image parfaite sans se soucier de la réalité.

Si le but de ces jeunes est d’obtenir l’aval des autres et d’être accepté au sein du groupe pour se sentir exister, il n’en demeure pas moins que derrière la façade, aussi solide soit-elle, les questionnements d’un ou d’une ado de 15 ans sont nombreux et assez lourds pour venir tout basculer. Les auteurs du roman parviennent parfaitement à mettre le doigt sur les préoccupations des adolescents au collège, et cela parlera nécessairement à chacun d’eux.

Les messages sont importants, la réflexion également, notamment autour de la place énorme des réseaux sociaux aujourd’hui et surtout de leurs vices. Le roman est percutant dans le sens où il met en exergue les perversités du monde actuel : la société pousse ces jeunes à se mettre toujours plus en avant, à s’exhiber, à se désinhiber… Pourquoi ? Pour être « in », tendance. Et tout cela se fait au détriment des réels désirs de ces ados qui s’exposent au regard de l’autre sans penser à eux.

« Pour une fois qu’il se passe quelque chose d’un peu original au bahut, que quelqu’un essaie de séduire avec finesse sans balancer direct des dick pics, c’est sûr que ça fait jaser. »

A travers les différentes problématiques rencontrées et décrites par les personnages (que je vous laisse découvrir pour ne pas gâcher l’intérêt de la lecture), le roman aborde des thématiques cruciales dans un titre destiné à un public jeune. Les auteurs peignent un portrait tout à fait crédible des ados d’aujourd’hui.

Le tout est écrit de façon extrêmement fluide grâce à des chapitres courts, un langage moderne qui parlera aux plus jeunes. A mon sens, beaucoup d’ados se retrouveront dans cette histoire et sauront s’identifier de près ou de loin à l’un des personnages. La suite de la saga ne promet que de bonnes choses et je recommande vivement cette lecture à toutes celles et ceux qui affectionnent les problématiques liées à l’adolescence (et qui nous suivent bien souvent au-delà de ces années complexes…). A lire !

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