Les lumières d’Oujda de Marc Alexandre Oho Bambe

Par Krolfranca

Les lumières d’Oujda

Marc Alexandre Oho Bambe

Calmann Lévy

Août 2020

326 pages

Le narrateur qui vit à Rome est rapatrié dans son pays, le Cameroun. Il va alors s’engager dans une association qui lutte pour éviter les départs « vers les cimetières de sable et d’eau ». Son chemin va le mener au Maroc où il va rencontrer le père Antoine et Imane qui accueillent des réfugiés.

J’avoue avoir eu du mal à entrer dans ce livre, à cause de sa forme, de ses mots rappés, slamés, déclamés, ponctués. Je vivais une situation quasi schizophrénique : je saluais le travail sur les mots, sur le rythme, sur les rimes, sur le double sens, et en même temps je me disais « c’est intéressant mais ça n’est pas pour moi ». Quelle andouille !

Peu à peu ces mots que je voulais mettre à distance m’ont happée, m’ont emportée dans leur danse, dans leur mouvement et j’ai succombé.

C’est un livre qui sort des sentiers battus, qui nous bouscule un peu pour mieux nous ferrer. J’ai eu parfois la larme à l’œil, émue par la puissance des mots de l’auteur. Lorsqu’on touche au sujet dramatique des exilés, des réfugiés, des gens qui fuient l’horreur de la guerre ou la famine ou tant d’autres situations extrêmes et qui tentent de rejoindre l’Europe au risque de leur vie, je suis touchée, surtout lorsque l’auteur travaille les mots en orfèvre comme c’est le cas ici.

« Les mots qui nous saignent sont souvent aussi ceux qui nous signent, nous soignent et nous sauvent. »

Et puis, au-delà des mots, il y a des personnages, qui ont vécu des horreurs au long de leur exil, qui ont espéré, qui préfèrent mourir en marchant que mourir statique dans leur pays qui les opprime, qui les empêche de respirer, de vivre. Il y a ceux qui vont mourir, et ceux qui vont vivre, qui vont aimer. C’est un roman tragique, mais c’est aussi le roman de l’espoir, de la vie proclamée.

C’est un livre à lire à voix haute, à lire et relire, il faut s’en imprégner. Ce sont des variations rythmiques, la musique des phrases change d’un chapitre à l’autre, elle se fait parfois langoureuse , saccadée ou frénétique.  Les mots sont poésie, les mots sont danse, les mots sont théâtre. C’est jubilatoire.

Je comprendrais qu’il ne plaise pas à certains ou certaines, ceux ou celles qui ne sont sensibles qu’à l’histoire contée et pas aux mots, au style, à l’écriture, à la poésie.

Merci à Alex qui m’a donné envie de lire ce roman et qui m’a permis de découvrir un auteur, un poète, un artiste.

Pourquoi on part ?

Parce qu’on est poètes

De la vie elle-même

Et qu’on a le souci aigu

De la chute

De la syncope

De la fugue

 

Pourquoi on part ?

Parce qu’on a

Le spleen

Sur nos terres

Le blues

Dans nos bleds

Qui s’enlisent

Derrière les mots

Démo

Démo… Crazy