Le ghetto intérieur - Santiago H. Amigorena

Par Stéphanie @Stemilou

Présentation
Vicente Rosenberg est arrivé en Argentine en 1928. Il a rencontré Rosita Szapire cinq en plus tard. Vicente et Rosita se sont aimés et ils ont eu trois enfants. Mais lorsque Vicente a su que sa mère allait mourir dans le ghetto de Varsovie, il a décidé de se taire.
Ce roman raconte l'histoire de ce silence - qui est devenu le mien.

Avis
Vicente est un juif polonais qui a quitté son pays pour l'Argentine en 1928, marié avec trois enfants il est devenu marchand de meubles à Buenos Aires. Alors que jusqu'à cette année 1940 en recevant des lettres de sa mère restée en Pologne il s'amusait de ses inquiétudes, il devient inquiet à son tour en lisant les nouvelles désespérantes lui parvenant parfois plus d'un mois après.
Sa mère ainsi que son frère, sa belle-sœur et son neveu sont enfermés dans le ghetto de Varsovie, les lettres disent à mots couverts le désespoir de la population, les mots donnent à voir l'ampleur de la barbarie, la faim et les maladies tuent, la peur ronge le peu d'espoir qui restait.

Vicente de son côté se délite, les nouvelles de l'Europe l'ébranle au point d'abandonner sa vie à la tristesse, il en oublie de cajoler femme et enfants, s'aperçoit très peu que son silence brise l'amour. Il comprend mois après mois que l'horreur sévit au-delà de l'océan, que les siens souffrent et qu'il ne reverra probablement jamais les siens. Il avait pourtant fuit la Pologne et sa famille pour s'émanciper et vivre sa vie, aujourd'hui il regrette tant de ne pas avoir insisté pour les faire venir en Argentine. Les regrets sont puissants, ils blessent et détruisent; mais comment prévoir ces événements dramatiques, personne n'a pu imaginer jusqu'où pouvait aller la barbarie nazie surtout pas lui. La culpabilité le ronge, il se construit son propre ghetto en se murant dans le silence, ne comprenant pas comment il est possible d'identifier un homme par sa judéité, comment être polonais, argentin ou juif?

" Pourquoi jusqu'aujourd'hui j'ai été enfant, adulte, polonais, soldat, officier, étudiant, marié, père, argentin, vendeur de meubles, mais jamais juif ? Pourquoi je n'ai jamais été juif comme je le suis aujourd'hui - aujourd'hui où je ne suis plus que ça. "

Ce roman bouleversant m'a montré une autre version de la vie pendant la seconde guerre mondiale, il m'a montré comment la barbarie nazie avait pu s'abattre sur des personnes juives au-delà de l'océan, comment la cruauté pouvait tuée par delà des frontières, comment notre religion pouvait marquer notre identité. L'écriture est presque poétique, la réflexion intérieure de Vicente intense, ce ghetto qu'il s'est créé et dont la pudeur en garde la porte d'entrée regroupe toutes sortent d'émotions qui s'entrechoque pour le faire chavirer. Beaucoup de questions sont soulevées dans ce roman mais la dernière partie dévoile le fin mot de cette histoire de famille et de sang.