Voleur honnête v. voleur malhonnête

Par Lucie Cauwe @LucieCauwe

Yves Frémion. (c) Maëster.


Quand on prononce le nom d'Yves Frémion, on pense bien sûr bande dessinée, dessin de presse, humour, rédaction en chef de divers magazines et écologie. On peut encore l'associer, entre diverses autres choses, des beaux livres notamment, à quelques livres pour la jeunesse. Dont ce tout nouveau roman pour les ados, l'excellent "Pierre le voleur" (Le Muscadier, collection "Rester vivant", 98 pages) paru il y a quelques jours. Court, enlevé, bien vu et  bien raconté, il frappe et enchante par son vocabulaire recherché autant que par sa bienveillance.
"La collection "Rester vivant" est constituée de nouvelles et de romans qui parlent du monde d'aujourd'hui", explique l'éditeur sur son site, "en abordant sans détour les questions écologiques, sociales et éthiques qui émergent au sein de la société dans laquelle nous évoluons. Elle s'adresse en priorité aux pré-ados, aux ados… et plus généralement à tous les lecteurs qui résistent encore à l'asservissement des esprits, quel que soit leur âge. Ces livres ont pour ambition, en plus d'attiser l'imaginaire du lecteur, d'éveiller son sens critique et de poser un regard incisif sur nos comportements individuels et collectifs."

Il ne faut pas être devin pour connaître le thème du roman "Pierre le voleur" qui se déroule dans la campagne cévenole. Là où les locaux sont tranquilles, sauf quand débarquent dans leurs résidences secondaires les vacanciers de la ville. Pierre est donc un voleur, mais un voleur plutôt sympathique, qui reconnaît sans hésiter ses larcins et les restitue sans aucune opposition. A moins que les victimes ne viennent elles-mêmes récupérer leurs biens chez Pierre. Le vieux transistor du vieil Antonin, les chemises de nuit du mari de Mariette, les outils du cordonnier, les planches du menuisier... Le village fonctionne ainsi. Quand un bien disparaît, personne ne s'en fait. Les propriétaires ou les gendarmes aux patronymes qui riment, Martinez, Fernandez, Sanchez, Lopez, vont voir chez Pierre. Et l'objet dérobé retrouve son propriétaire. C'est comme ça. Pierre est cleptomane et cela donne lieu à quelques scènes cocasses. Personne ne s'en offusque vraiment. Sauf le nouveau gendarme arrivé sur place, Dubois, qui pense que la loi est la loi.
Les choses se corsent quand un vol de bijoux a lieu. Pierre est bien entendu accusé. Il nie cette fois. Et n'est pas cru. Mais si Pierre est voleur, il n'est pas menteur. Et s'il est innocenté grâce à une petite fille du village, Rosy-Rosette, pour lui, la vengeance est un plat qui se mange froid. Le vrai voleur va l'apprendre à ses dépens. Mais Pierre ne cafte pas non plus. Cela, ce sont cette fois les gendarmes qui vont l'apprendre à leurs dépens...
Et parce qu'on ne peut pas voler toute sa vie, Pierre va devenir un maillon très important et utile à la vie du village. Un roman sur la bienveillance et la confiance à avoir en ceux qui la méritent, fort bien mené avec ses surprises et ses rebondissements et raconté avec un vocabulaire étendu, rare dans cette branche de la littérature. Un must, en quelque sorte.