Bientôt dans ma PAL ? #14

Par Claires123

Dans l’esprit des Premières Lignesj’ai envie de partager avec vous un autre rendez-vous hebdomadaire : celui de livres qui me tentent, et qui rejoindront (peut-être ?) bientôt ma PAL. Et ce n’est ni en fonction des sorties littéraires, ni des différents challenges ou prix : juste ceux qui me parlent au moment où ils me tombent sous la main…

Fétiches

de Mo HAYDER

L’endroit a été autrefois un restaurant universitaire et on y entend encore le brouhaha d’un lieu bondé et bruyant. Plafond haut, acoustique génératrice d’échos. À cette différence près que maintenant les étudiants ne sont pas assis et ne mangent pas, ils portent des tabliers noirs, slaloment autour des tables les bras chargés d’assiettes en marmonnant pour eux-mêmes des commandes et des numéros de table. Ils travaillent pour rembourser leurs emprunts. un néon « Cocktails basse calories » clignote au-dessus du bar en béton poli, les accords d’une chanson de Gotye sortent des enceintes accrochées aux poutres du plafond.
Pour la plupart, les clients ont fait le choix de venir dans ce restaurant : les prix y sont assez élevés pour dissuader des gens de passage. Les clients assis seuls sont mal à l’aise. Certains tiennent leur liseuses au-dessus de leur bortsch, d’autres boivent lentement leur verre de vin et consultent leur montre d’un air détaché en attendant leur rencard ou des amis. Avec une politesse toute britannique, personne ne leur adresse un regard insistant, pas même un vague salut de la tête.
La présence d’un de ces solitaires semble affecter ses voisins immédiats. Les occupants des tables proches l’ont remarqué et ont modifié leur position sur leur siège en conséquence, comme s’il constituait une menace ou une source d’excitation. Brun, la quarantaine, il enfreint une kyrielle de règles tacites. Non seulement par sa tenue — un blouson noir sur un costume sombre, sans cravate, le col de chemise déboutonné — mais aussi par son attitude.
Il mange comme quelqu’un venu là uniquement parce qu’il a faim, pas pour se montrer. Il ne prend pas un air particulier, il n’inspecte pas la salle, il mange tranquillement, le regard dans le vide. C’est se conduire grossièrement dans un tel établissement et les autres clients éprouveront une certaine satisfaction quand les choses tourneront mal pour lui. Ils penseront que c’est le genre de choses qui arrive à ce genre de types.
Il est 20 h 30, un groupe de vingt personnes vient d’entrer. Ils ont réservé et on a disposé des tables au fond de la salle pour qu’ils ne dérangent pas les autres clients. Un reps de fiançailles, peut-être : plusieurs des filles sont en robe de cocktail et un ou deux hommes en costume. La femme qui ferme la marche — une blonde proche de la soixantaine, bronzée, vêtue d’un jean surpiqué et d’un sweat-shirt à capuche Hollister — semble, à première vue, faire partie du groupe. C’est seulement quand les autres s’assoient et qu’elle reste debout qu’il devient clair qu’elle a simplement pris leur sillage et qu’elle n’est pas avec eux.
Elle a une démarche incertaine. Sous le sweat, elle exhibe ses seins dans un tee-shirt au décolleté profond. En traversant le restaurant, elle se cogne à un serveur, s’arrête pour s’excuser, bredouille un « Pardon » en s’appuyant des deux mains à la poitrine du garçon, lui adresse un sourire discret. Ne sachant que faire, il lance un regard désemparé au personnel du bar, mais avant qu’il puisse l’en empêcher, elle poursuit sa route, rebondissant de table en table comme une boule de flipper, les yeux rivés à sa cible.
L’homme en blouson North Face.
Il lève les yeux de son hamburger à moitié mangé. Repère la femme. Et, comme s’il savait qu’elle annonce des ennuis, il repose lentement couteau et fourchette. À toutes les tables voisines, les conversations déclinent et meurent. L’homme prend sa serviette et s’essuie la bouche.

Résumé :
Les patients de l’établissement psychiatrique de haute sécurité Beechway sont très sensibles à la suggestion. Une hallucination peut se répandre tel un virus. Aussi, lorsque plusieurs malades se livrent à des actes d’automutilation, et que l’un d’entre eux va jusqu’à se donner la mort, le fantôme de  » la Maude « , une infirmière sadique qui terrorisait les pensionnaires à l’époque où Beechway était un hospice, ressurgit. 
Afin de mettre un terme à l’hystérie collective qui gagne même son équipe, AJ, infirmier psychiatrique fraîchement nommé coordinateur, décide de faire appel aux services du commissaire Jack Caffery. Il soupçonne l’un de ses patients, Isaac Handel, d’être à l’origine de la psychose. Si son intuition est juste, il faut agir rapidement. Car Handel vient d’être libéré. Et qui sait ce dont il est capable ? 
Dans ce thriller dérangeant et rythmé construit à la manière d’un huis clos, Mo Hayder brosse une série de tableaux plus inquiétants les uns que les autres qui semblent donner vie à nos pires cauchemars.

Éditions Presses de La Cité – Broché – Kindle – 10/10/2013

Cela fait très longtemps que je n’ai pas lu Mo Hayder… Vous aussi ça vous tente ?

Dans tous les cas, bon week-end et… bonne lecture !