Grégoire Delacourt – Un jour viendra couleur d’orange ***

Par Laure F. @LFolavril

Grasset – 19 août 2020 – 272 pages

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Couleur d’orange ou couleur d’orage ? Les mots du titre sont ceux d’un poème d’Aragon. La révolte fait rage en France. Les gilets jaune envahissent les ronds-points, débarquent à Paris chaque samedi pour faire entre leurs voix – dénoncer l’injustice et la misère sociale au fin fond des campagnes.
Pierre est engagé dans la lutte. Cela lui permet de s’extirper, de s’évader de cette famille où il ne trouve pas sa place. Vigile à Auchan, c’est Pierre est un homme dans l’ombre. Avec les gilets jaunes, il ose enfin s’exprimer, gueuler, s’affirmer. Il existe enfin.

Sa femme Louise travaille à l’hôpital. Son fils Geoffroy a treize ans et il n’a jamais supporté aucun contact ; il est dans sa bulle, différent. Il a été diagnostiqué autiste il y a peu et pour Pierre, ce fut le cataclysme. Geoffroy parle peu et a du mal à comprendre les autres, il dévore avec avidité les livres et mémorise tout. Il ne parvient à appréhender le monde qu’à travers le prisme des couleurs. Tout son univers se trouve régi par les couleurs. 

Mais dans ce monde de brutes, il y a Djamila et ses yeux verts véronèse. Sa douceur. Ses cheveux noirs de jais. Il n’y a qu’avec elle que Geoffroy se sent bien ; il n’y a qu’elle qui semble prendre sa différence pour une richesse. Ils passent du temps dans la forêt, à écouter le pouls de la nature qui bat, écouter le murmure des arbres.
Ce roman dont chaque chapitre porte le nom d’une couleur, d’une teinte, est une jolie pépite. Haute en émotions, en couleurs, en coups de foudre ou coups de rage. Entre ces pages, on lit la rage de vivre. La rage d’être entendu. La rage d’être reconnu.

L’écriture m’a transportée et chaque personnage, à sa façon, m’a émue profondément. J’ai aimé leurs blessures et leur luminosité, malgré tout. Comme le vieil Hagop, qui a perdu sa femme mais qui l’entend toujours au fond de lui – c’est un enfant de 70 ans qui prend les deux enfants sous son aile. Même Pierre, le père fou de colère, j’ai fini par l’aimer.

Un roman d’une grande beauté sur la différence, les laissés pour compte, les injustices. Un roman sur la richesse intérieure de chacun.