"Marine", l'aquarelle de Geneviève Babe qui illustre la couverture. (c) Académia.
"Soustractions" n'est toutefois pas qu'un roman sur ce qui s'est passé au parc bruxellois et chez les "amigrants". Il n'est pas que la dénonciation des déplorables politiques européenne et belge en matière d'asile. C'est un vrai roman qui croise plusieurs personnages, chacun ayant ses soucis, ses enthousiasmes, ses rêves, ses chagrins et ses interrogations sur la filiation. Avec de très intéressantes interactions entre eux. L'auteur a eu la très bonne idée de passer de l'un à l'autre, entraînant le lecteur dans un plaisant chassé-croisé. L'école, la maison, la voiture, le train, le parc, l'hôpital...
En principal, il y a deux couples d'amis, Tom et Gaëlle, Eric et Alice. Les deux hommes sont enseignants, plutôt de gauche et concernés par les droits de l'homme, ce qui n'est vraiment pas le cas de tous leurs collègues. Ils le déplorent et développent une sacrée énergie pour les amener à leur cause. Gaëlle est coiffeuse et passionnée d'aquarelle, un art à laquelle l'a éveillée son grand-père et auquel elle se livre sans filet. Elle se remet d'une intervention chirurgicale pour grossesse extra-utérine. Alice, elle, vient d'avoir un bébé, Anaïs, désirée mais à laquelle elle ne se fait pas. Au contraire, la jeune maman plonge dans la dépression et ce n'est pas qu'un baby-blues.
Entre eux naviguera Younes, un réfugié tchadien qui ne sera plus hébergé chez Eric et Alice le temps qu'elle guérisse mais chez Tom et Gaëlle qui découvrent cette expérience. Gaëlle surtout, qui, entre son désir de maternité contrarié et ses questions sur ses origines - elle est une enfant adoptée bébé -, porte beaucoup d'attention à son protégé et à ce qu'il lui dit des coutumes de son pays natal par rapport aux maux d'Alice. Gaëlle qui devra tenter de comprendre ses choix inconscients et faire face à son adoption.
Luc Bawin.
On circule avec plaisir entre ces divers intervenants qui ont leur sincérité et leur honnêteté pour eux, qui ne se considèrent pas comme des héros mais qui sont des hommes et des femmes avec leurs forces, leurs faiblesses et leurs fragilités. L'écriture de Luc Bawin est particulière, des phrases courtes, énormément d'alinéas, presque à chaque phrase, et des dialogues bien conduits. Précise, sans emphase grossière, elle s'accorde bien au sujet du livre. On s'y fait après quelques lignes et on peut alors apprécier la précision du choix des mots et les innombrables détails qui ne peuvent provenir que de son expérience de médecin et d'hébergeur.