Le discours - Fabrice Caro ***

Par Philisine Cave
Je dois cette lecture à Jérôme et à Comète tellement enthousiastes que j'ai succombé. Je ne regrette pas du tout cette lecture agréable et sympa mais pour la mener à bien et sans craindre de m'ennuyer, j'ai lu en parallèle un autre livre (qui, lui non plus, ne m'a pas scotchée direct). Cette nécessité de complément littéraire est un peu rédhibitoire mais explicable. Adrien est un quarantenaire en pause sentimentale depuis 38 longs jours et cet arrêt non souhaité et momentané (du moins l'espère-t-il) commence à lui courir sur le ciboulot. Pour parfaire le tout, sa bienaimée frangine (Sophie) va se marier bientôt et son futur beau-frère (Ludovic qui l'adore et qu'il adore) lui a fait une suggestion qui ne se refuse pas (et qu'Adrien aimerait bien refuser, avec un peu de cran et un caractère moins empathique) : " Tu sais, ça ferait très plaisir à ta sœur si tu faisais un petit discours le jour de la cérémonie." Et cerise sur le gâteau : aujourd'hui est dédié à un repas en famille (papa, maman, Adrien et le couple d'amoureux) où tous les bons souvenirs et les bonnes vieilles habitudes (querelles comprises) remontent à la surface et sont ressassés à l'envi. N'en jetez plus : en bref, que du bonheur ! 
Fabrice Caro a la plume alerte et possède une sacrée dose d'humour. Le premier chapitre est à mourir de rire (j'aurai dès à présent une vigilance sur les porte-serviettes) et propose une entrée fracassante dans le récit. Dans Le discours, on y voit un héros cultivé et déprimé, qui hésite beaucoup, réfléchit au moindre mot, digresse énormément, fait preuve d'une savoureuse autocritique et de douce ironie. On comprend pourquoi Sonia se soit fait la malle, malgré l'amour attentionné de ce charmant homme amoureux, agréable et attentionné certes, mais hésitant par manque de confiance en lui. La rupture non voulue est une claque qui enfonce son égo déjà bien bas. Le moindre sms lui coûte, l'élaboration d'un discours lui prend tout le repas et surtout la tête. 210 pages de tergiversations en tout et pour tout, enveloppées d'humour, de tendresse, de légères moqueries, d'autodérision, de souvenirs, de questions du style " Pourquoi mon couple a foiré ? ", " Quand la chute a démarré ? ", " Quoi faire pour récupérer Sonia ? " mais aussi des élaborations de discours intérieur à chaque temps du repas.
Le discours de Fabrice Caro est dans la même veine qu'Une pièce montée de Blandine Le Callet ou Les gens sont les gens de Stéphane Carlier. Une écriture fluide, un succès public mérité parce que ce roman parle à tout le monde et est accessible sans exiger une forte concentration, parce que le héros sympathique malgré son pathos (à travers lui, on peut tous se reconnaître si on a vécu une ou plusieurs phase(s) en mode bas dans la vie), l'histoire se lit vite et sans déplaisir, et ne fait de mal à personne, du genre feel good in real life. Après, les nombreux questionnements d'Adrien et le rythme monotone (repas-discours-repas-discours...) finissent par tourner en boucle et il m'a manqué du peps tout au long de cette intrigue. Ce qui explique l'appel à un ami (euh non)  un second livre.
À la mode d'Alex, je retiendrai quelques images ou scènes : le nombre et la nature des sms envoyés ou espérés, le souvenir du cadeau écolier de fête des mères et la jolie et sentimentale chute de vélo dans un parc et tout l'espoir qu'elle porte.
Éditions Folio
autres avis : Jérôme, Comète, Clara, Autist Reading, Cathulu, Hélène, Noukette,...