Le daredevil de frank miller part two : seul maître a bord

Par Universcomics @Josemaniette
Durant le cours de l'année 1980, Frank Miller prend peu à peu les commandes de la série. Tout d'abord il prête main-forte à Roger McKenziel pour ce qui est du scénario; ensuite il dessine un épisode écrit par David Michelinie, avant de prendre en main de manière définitive la destinée du Diable Rouge. Avant cela donc on retrouve le Gladiateur, un personnage un peu pathétique et qui fait une fixation sur la Rome antique, et sur la psychologue qui l'a aidé à affronter son trauma. Puis c'est au tour d'un numéro où Daredevil se confronte à un grand patron qui licencie ses employés sans se soucier des conséquences, jusqu'à ce que l'un d'entre eux réclament ses indemnités de chômage avec un exosquelette! Mais faisons un bond jusqu'au #168, car c'est là que débute réellement la prestation de Miller. D'entrée de jeu il place ses pions, c'est-à-dire qu'il étoffe et crédibilise énormément tous les personnages qui gravitent autour du héros, et ça commence bien entendu par Elektra, une superbe ninja grecque, premier amour de Matt Murdock, qui revient hanter les nuits de son ancien amant.  Elektra est belle, surentrainée, c'est une machine de guerre particulièrement sexy mais pas encore aussi inflexible et détachée de tout, telle qu'elle le sera par la suite. On peut même la voir verser des larmes ou être profondément émue au souvenir de ce qui a été avec Matt, et vraisemblablement ne sera plus (rires...). Mais elle n'est pas la seule à gagner d'emblée le droit de devenir une star de la série. Revoici Bullseye, ce tireur un peu maniaque capable de tout transformer en une arme, qui va être également une pièce maîtresse de Frank Miller. Avec lui chaque affrontement devient l'occasion de plonger dans la psyché torturée de cet assassin qui nourrit un énorme complexe vis-à-vis de Daredevil; ce dernier parvient toujours à le battre à la loyale, au point que son exaspération en devient une folie furieuse. À l'époque Daredevil sauve même la vie de son ennemi in extremis, alors que celui-ci est terrassé et allait se faire passer dessus par le métro. C'est que tout bon super héros qui se respecte se doit de laisser faire la justice, plutôt que de choisir la vengeance, et Frank Miller est clair là-dessus, il n'y croit qu'à moitié... et à chaque fois il trouve toujours un subterfuge pour nous montrer que la loi connaît des limites qui sont très rapidement atteintes. Bullseye par exemple a une tumeur au cerveau, et cette maladie va lui permettre de plaider la folie et donc d'être innocenté des crimes qu'il a commis les mois précédents. Avec Franck Miller le redresseur de torts à un rôle ingrat qui confine souvent avec la futilité, alors que c'est parfois la structure même de la société qu'il convient tout d'abord de redresser. Endosser un costume, à quoi bon, si c'est pour jouer selon les mêmes règles qui régissent notre existence à visage découvert? Et comment faire face à ceux qui s'affranchissent des règles, de la morale, et donc de la justice?

Parler de tout ceci, c'est bien sûr parler de Wilson Fisk, alias le Caïd. Ce roi de la pègre s'est retiré des affaires, et il tente de se racheter une conduite au Japon, en compagnie de celle qu'il aime plus que tout, sa femme Vanessa. Un vrai petit toutou le Wilson, qui pour les beaux yeux de son épouse décide de sauver les apparences et de mettre beaucoup d'eau dans son vin. Oui mais voilà, la guerre des gangs s'apprête à reprendre à New-York, et certains trament dans l'ombre pour faire revenir Wilson aux affaires, d'autres pour l'éliminer une bonne fois pour toutes. C'est ainsi que Vanessa est enlevée, et que le mari courroucé est obligé de rentrer en Amérique, pour récupérer l'être aimé moyennant une énorme rançon. La transaction se passe bien, le Kingpin a géré à sa façon et il a mis minable tous ses adversaires (y compris Daredevil qui a voulu lui soutirer des dossiers, et s'est cassé les dents sur un colosse inamovible) mais c'est la trahison d'un membre de son clan qui va précipiter les événements. Une explosion, un édifice qui s’effondre, et sous les décombres, des tonnes de béton, de nombreux gangsters et... Vanessa, qui disparaît de la scène d'effroyable manière. Wilson perd la tête, et c'est dès lors la vengeance qui l'anime, et le ramène vers le trône qu'il occupait avant. Sans savoir que Vanessa a survécu, et erre dans les égouts de la ville...
Leçon magistrale de Miller. Story telling resserré, avec un suspens permanent, des rebondissements à chaque épisode, et un Daredevil qui prend cher, semble perdu (ligoté et plongé dans le système hydraulique de la ville) et se sauve in extremis. Le montage des planches, l'action, devient un tourbillon, un magma vivant (magnifié par l'encrage de Klaus Janson), qui utilise aussi admirablement le sens de la répétition, de la succession de brefs petits instantanés, et invente épisode après épisode de nouvelles manières de présenter un polar urbain super héroïque, où strate après strate l'univers de Daredevil se densifie, se complexifie, et où les enjeux pèsent de plus en plus lourd. C'est à juste titre que la série devient mensuelle en 1981, et qu'elle devient véritablement incontournable!
(à suivre)


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