Un Samedi soir entre amis – Anthony Bussonnais

Par Lison Carpentier @loeilnoir1

Un Samedi soir entre amis – Anthony Bussonnais – Editions Préludes, Février 2020

Une expédition dans les bois minutieusement préparée: sept véhicules se succèdent, leurs occupants impatients d’entamer une partie de chasse nocturne, on s’apprête à libérer la « bête » séquestrée dans un coffre… Quelques heures plus tôt, un jeune homme, Medhi, a rendez-vous avec sa petite amie, Claire, devant un cimetière de campagne…

Je remercie Net Galley et les Editions Préludes pour la découverte de ce roman assez atypique dans le paysage actuel du thriller français, de par sa forme et de par son contenu. Dès le départ, les dés sont joués : nous devinons dans les grandes lignes la trame de cette intrigue, qui est relativement peu élaborée. Est-ce un défaut? A mon sens, non, car ce livre m’a passionnée de la première à la dernière page. Les chapitres alternent entre le passé et le présent, à quelques heures d’intervalle, sans perdre le lecteur. La lecture est fluide, le style franc, froid, tranché colle aux actes de préméditation du crime, réfléchi et organisé et surtout au caractère manipulateur de François, chef de bande, initiateur de cette mise à mort barbare. Bien que la psychologie des personnages ne soit pas extrêmement développée, on devine l’importance de l’effet de groupe, de l’influence de caractères forts sur les plus faibles. Ce n’est pas un crime gratuit, le geste est motivé par une haine de la « différence » entretenue depuis l’enfance, par des discours xénophobes sans fondement transmis de génération en génération…

L’histoire que nous conte Anthony Bussonnais est terriblement inquiétante, tant dans le sujet traité, la xénophobie et ses conséquences les plus extrêmes, que dans le réalisme de certains passages: ce livre n’est assurément pas à mettre entre toutes les mains… Âmes sensibles s’abstenir car nous sommes confrontés à de la barbarie pure… L’auteur pointe du doigt la bêtise, l’ignorance, le manque d’instruction qui touche toutes les strates de la société et pas seulement le demeuré qui vit au fin fond de la campagne, cliché remis en cause par la part prépondérante du notable, celui dont le statut social inspire confiance, celui que l’on respecte et qui pourtant sera l’instigateur de cette cruauté abjecte… La seule lumière de ce livre très sombre émane de la famille de Medhi, la victime: eux seuls sont capables d’empathie, d’humanité. Cette famille maghrébine touchée par le malheur en plein coeur du ramadan porte pourtant un message d’amour et de paix, aux antipodes de l’autre famille, dont le moteur n’est que la haine du prochain…

Sans entrer dans le détail, ce livre m’a d’autant plus perturbé que je connais très bien les lieux mentionnés et même si l’auteur a pris soin de remplacer quelques noms, cela a rendu l’intrigue très réaliste à mes yeux, et j’ai eu une vision toute autre de ma campagne chérie, de mon havre de paix, des forêts où je vais me promener qui se sont brutalement transformées en lieu de massacre ignoble… Expérience de lecture assez brutale je l’avoue! Cette histoire peut malheureusement être transposée dans n’importe quelle région de France, « la France profonde » employée péjorativement ne veut pas dire rurale mais « basse », d’une bassesse d’opinion, de jugement… Ce livre a eu tant d’impact sur moi que je suis obligée de me dire : STOP, ce livre n’est qu’une fiction… Je trouve que pour un premier roman publié, c’est une belle réussite !