Fractures – Franck Thilliez

Par Lison Carpentier @loeilnoir1

Fractures – Franck Thilliez – Editions Le Passage, 2009.

En Septembre 1982, Claude Dehaene, journaliste, vit les horreurs de la guerre du Liban: lorsqu’il retourne vivre auprès de famille dans l’Arrageois, il ramène avec lui des traumatismes innommables avec lesquels il lui faudra désormais vivre. De nombreuses années plus tard, Alexandre, un père de famille sans histoire disparaît de son domicile de façon inexplicable… En 2007, Alice Dehaene, la fille de Claude, suivie par le docteur Luc Graham pour une psychanalyse, subie des tests dans un laboratoire de psychologie expérimentale. Le but est de connaitre ses réactions face au stress, la peur, la terreur…

Quatre chapitres et déjà mille questions en tête, nous voilà propulsés dans l’univers torturé de Franck Thilliez pour rejoindre une jeune femme, Alice, qui souffre de cauchemars récurrents inexplicables et de « trous noirs » durant lesquels elle est incapable de se souvenir de quoi que ce soit… Luc Graham, son psychiatre, véritablement obsédé par ce cas rare, écoute régulièrement les entretiens enregistrés qu’il a eu avec sa patiente, comme s’il écoutait sa musique favorite. Avec lui, nous allons plonger petit à petit « à l’intérieur du petit monde d’Alice », et celui-là est loin de ressembler au pays des Merveilles…

Parmi les one-shots de Franck Thilliez, contrairement à La Forêt des Ombres, dernier livre lu de l’auteur, Fractures est, à mon sens, une véritable réussite où l’on sent l’auteur dans son élément et au sommet de son art. Le récit se déploie de façon fluide, et les événements s’enchaînent rapidement, alternant différentes périodes de l’histoire: mieux vaut être concentré pour ne pas en perdre une miette car le jeu en vaut la chandelle.

La dissociation de personnalité est un sujet maintes fois évoqué en littérature, tant il est intriguant, mais comme à son habitude le petit plus que nous propose l’auteur est de le traiter d’un point de vue scientifique, sans pour autant nous perdre dans un charabia médical incompréhensible pour le novice… Franck Thilliez prend soin de tout expliquer sans que cela soit lassant pour le lecteur, et cette écriture si documentée accrédite son récit. D’autres sujets graves sont évoqués dans ce livre : les drames de la vie, l’injustice qui en résulte, les manquements de la justice, la vengeance et le pardon… Le tout donne une oeuvre riche, dure et qui soulève beaucoup de questions.

De nombreux personnages sont extrêmement développés, et pas de flic cette fois : « l’enquête », si on peut la qualifier ainsi, est menée par le docteur Graham et par Julie Roqueval, une assistance sociale en milieu hospitalier, mêlée à cette affaire après avoir découvert un homme nu, catatonique, dans l’abri de bus d’un petit village… J’ai beaucoup aimé cette histoire très addictive même si je trouve que l’auteur nous a quelque peu épargné cette fois : pas de gros frisson, certains passages auraient pu nous entraîner un peu plus loin dans l’horreur… Et un rebondissement se devine bien à l’avance dans ce livre pour tout lecteur fidèle de Franck Thilliez car très rares sont les bons sentiments dans son univers livresque… Mais cela se pardonne aisément !

En aparté, le Nord de la France, encore une fois, et pour mon plus grand plaisir, sous son aspect le plus mystérieux : les dizaines de kilomètres de galeries qui s’étendent sous la campagne d’Arras, creusées par les tunneliers néo-zélandais pendant la première guerre mondiale… Fascinant comme décor pour y loger une histoire si sombre…

Encore une fois, je n’ai jamais rien lu de tel ailleurs, et je suis décidément archi-fan ! Merci Monsieur Thilliez pour ces bons moments de lecture !

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