Éloge de l'ennui, des films à voir pendant le confinement #Covid19

Par Tassadanslesmyriades

@tassadanslesmyriades

L'ennui, c'est aussi apprendre à gérer cette solitude, se créer des rituels pour ne pas perdre le fil, ne pas perdre la boussole ou la boule.

Regarder des films, lire, écrire, dessiner, tondre la pelouse, sont des moyens de d'exorciser l'ennui. Le film est à bien des égards le miroir que nous tend la société pour nous projeter dans les représentations de l'ennui, des projections de soi, des réflexions sur l'Autre. Alors voici quelques films qui parlent d'attente, de lenteur, de survie, d'ennui, qui vont en longueurs, ne se résolvent jamais, n'existent que pour de longues minutes perdues dans le vague, dans le flou, dans le vide, le vrai cinéma quoi ! Le cinéma d'art et d'essai ! C'est parti ! N'hésitez pas à en rajouter dans les commentaires !

Bon visionnage.

Avec Scarlett Johansson et Bill Murray de Sofia Coppola (2004) - Fiche Allociné

Dans mes souvenirs, ce film est l'un des plus ennuyeux que j'ai vu dans ma vie. Et la fin est très peu satisfaisante. Pourtant, lorsque je l'ai vu, c'était dans des conditions bien particulières et l'ennui était bien présent dans mon existence, et il a profondément résonné en moi. Scarlett Johansson et Bill Murray se rencontrent dans un hôtel, ils se croisent, se cherchent l'un l'autre sans vraiment savoir où ils vont. C'est un film qui parle de solitude, de grande lassitude, d'attente, d'ennui. C'est un film un peu snob, un peu étrange, artificiel mais il a le mérite de vous laisser songeur, songeant à votre propre futilité au milieu des êtres dans une ville qui dort et se réveille.

Avec Matt Damon et Jessica Chastain (2015) de Ridley Scott - Fiche Allociné

Voilà un film dont je me souviens quelques scènes frappantes. Un homme se retrouve seul sur mars, c'est dans le titre, tu peux pas te tromper sur l'intrigue... Il redécouvre l'infinie solitude, l'infinie grandeur du monde et de l'univers. Il hurle de joie quand il y a des laitues qui poussent sous une tente, et vieillit seul devant sa webcaméra. Si le roman joue plus sur le caractère science fictionnel d'un tel événement, le film tend vers le thriller contemplatif. Bel effort de Matt Damon et de Jessica Chastain. Si vous vous sentez vraiment terriblement mal chez vous en ce moment, ce que je n'espère pas, vous pourrez relativiser en regardant Seul sur mars... à 76 millions de kilomètres de la Terre... et de l'oxygène qui se raréfie...

Avec Heath Ledger et Jake Gyllenhaal (2006) d'Ang Lee - Fiche Allociné

Attention, l'on parle d'un film adapté d'un de mes romans préférés (par Annie Proulx) ! Et si ce film parle d'abord d'un coup de foudre inédit, il est aussi question d'environnement, de déterminisme social. Les grandes terres sauvages du Wyoming sont les espaces de l'ennui, de la contemplation. Dans cette nature vibrante, les deux cow-boys revivent. Il n'y a plus d'ennui, plus de carcan social dans la nature, mais de la passion. Ce film est très beau. Lent. Gardez un paquet de Kleenex à vos côtés.

Avec Martin Freeman, Ian McKellen de Peter Jackson (2012, etc.) - Fiche Allociné

Un voyage inattendu ! Ah ça oui ! Moi qui ai préféré Le Hobbit de Tolkien dans l'écriture des facéties d'un petit hobbit et la genèse d'un univers fantastique... malheureusement, j'ai été si déçue par les films. Loin de moi l'idée de critiquer la grande maîtrise de Peter Jackson niveau images de synthèse, décors, post-production et direction d'acteurs mais là, là tout de même, Le Hobbit en 3 volets : on touche le fond et la caricature n'est jamais loin. Ce film questionne-t-il l'ennui pour autant ? Mais oui ! C'est la clé même du roman ! Un hobbit s'ennuie dans son petit village et soudain : une aventure lui tend la main. Même Le Seigneur des Anneaux commence par la lassitude d'un hobbit qui part à la "retraite". En trois volets de Hobbit, vous passerez exactement 474 minutes (presque 8h) devant votre écran et plus encore si vous choisissez les versions longues. Je vous le donne en mille : l'ennui ne viendra pas des scènes en elles-mêmes qui sont pleines de rebondissements et d'action, mais de la vacuité de l'adaptation cinématographique. Mais sinon, la trilogie Le Seigneur des Anneaux est un chef d'oeuvre et est donc moins ennuyeuse.

Avec Brad Pitt et Jessica Chastain (2011) de Terrence Malick - Fiche Allociné

Je vous présente le film où j'ai le plus pleuré de ma vie. Et je n'avais même pas de mouchoirs avec moi dans la salle ! Bon ok, j'étais pas dans la meilleure période de ma vie (c'était même la pire époque de ma vie) mais ce film a été une révélation. Les scènes d'inspiration mystique, biblique, critiquent la condition humaine et la destinée. Il n'y a pas de demie mesure dans ce film, il n'y a qu'une description outrancière de la vie d'une famille américaine. La Mère, le Père, les Fils (le Saint Esprit pas trop loin), l'Origine du Monde, l'Arbre de Vie, tout est avec une majuscule sans véritable délicatesse. L'ennui vient de la réflexion sur le Tout, sur la Finitude, le Dessein... bref c'est une immense parabole, une métaphore de la vie, peut-être un peu autobiographique, que nous offre le réalisateur, habitué à nous livrer des choses extrêmement pointues, nimbées de mysticisme et de paraboles bibliques. Moi j'ai adoré. D'autres ont détesté. Et certains n'ont même rien compris à ce film. Il demande, c'est vrai, un certain état d'esprit... Il pose la question du sens de la vie.

Avec Keir Dullea et Larry Lockwood, de Stanley Kubrick (1968) - Fiche Allociné

Vous voulez passer le moment le plus contemplatif de votre vie en regardant un film ? Admirez l'esthétique de Kubrick, la géométrie, la symétrie ennuyeuse dont parle Victor Hugo... Admirez les scènes peu bavardes des acteurs, contemplez l'infini de l'univers, le cosmos, de grands vaisseaux qui errent dans l'espace... Ce film est une véritable métaphore du futur, où l'intelligence artificielle surpasse l'Homme. Dans un contexte incroyablement tendu de la Guerre Froide, le film de Kubrick (et tous ses films d'ailleurs) soulignent les grands thèmes de son temps et interpellent ses semblables humains sur l'absurdité de la vie et l'irruption de la violence. L'ennui EST inhérent à ce film. Vous aurez souvent envie d'appuyer sur ARRÊT ou la touche ACCÉLÉRER pendant le visionnage, envie de passer à autre chose. Ce film a sûrement été classé le plus souvent comme celui où il ne se passe RIEN (sauf vers la fin). Bon courage ! Ce film est un chef d'oeuvre !

Avec Juliette Binoche et William Shimell d'Abbas Kiarostami (2010) - Fiche Allociné

Ce film est sûrement le film que j'ai le plus regardé dans ma vie. Peut-être 750 000 fois. C'est aussi le film qui m'a le plus impressionnée. Vous le détesterez je pense. Il s'agit d'une femme, mère de famille, qui s'ennuie et s'invente une vie avec un homme qu'elle vient de rencontrer. C'est un drôle de film qui propose une vision du quotidien comme un miroir dans un miroir dans un miroir, un mensonge dans un mensonge dans un mensonge, une copie de la copie de la copie. Traité magistralement, le thème du film verse dans le virtuose lors des scènes longues tournées sans coupure, sans montage, des plans séquences où l'on entend les cloches des églises, les chants des oiseaux, les bruits de pas sur les pavés, les murmures des autres, la vaisselle teinter, une fête au loin dans une Italie solaire et chaleureuse... Bref, ce film est mon film préféré. OK ?! Ennuyez-vous bien devant !

Vous pourrez les trouver dans vos médiathèques/ filmothèques (en ligne d'ailleurs assez souvent !) Fiche Allociné du réalisateur thaïlandais

Voici la liste des films où l'on peut s'ennuyer le plus chez le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul (d'ailleurs pour tromper l'ennui je vous conseille d'apprendre à écrire son nom). Il s'agit d'un réalisateur que j'admire beaucoup dans son traitement de l'image fixe, de l'utilisation de la nature, de sa direction d'acteur assez insolite et puis ses questionnements autour de l'amour, de la maladie, de la mémoire, etc. Je conseille : - Cemetary of Splendour (2015) - Syndromes and a Century (2006) - Tropical Malady (2004) - Blissfully yours (2002) et puis ces films vous font voyager gratos à travers des paysages de verdure, dans des bicoques et des hôpitaux thaïlandais. Il y a quelque chose d'extrêmement attirant dans les films d'Apichatpong.

9. Les grands classiques : tous les films d'Ingmar Bergman, Les Ailes du Désir de Wim Wenders

Fiche Allociné Wim Wenders

Voici encore des films que j'apprécie énormément, mais qui peuvent vous perdre dans les limbes du sommeil... Un peu comme certaines émissions du dimanche sur France Culture (^_^, blague, j'adore France Culture). Tout d'abord, Les Ailes du Désir de Wim Wenders avec Bruno Ganz est bien l'un des seuls films germaniques classiques que j'apprécie (attention Ouest-Allemand pour l'époque!). Nous sommes en 1987, Wim Wenders est toujours dans le constat d'une société en ruine, désillusionnée. Mais la part de fantastique et de mystique l'emporte toujours et ici, l'ange interprété par Ganz est plein d'ennui, de lassitude, avançant lentement dans les rues, les ombres le poursuivant. Il regarde, entend, mais ne participe jamais à la vie activement. Sauf lorsqu'il tombe amoureux...

Fiche Allociné Ingmar Bergman

Chez Ingmar Bergman, il y a toujours une réflexion sur le temps, l'image de soi, les fantômes, le passé, la jeunesse/la vieillesse, le sens de la vie, et les mensonges, les non-dits, les années qui passent... Il y a souvent les mêmes acteurs, Liv Ullmann, (je conseille , 2003), Ingrid Bergman (je conseille Sonate d'Automne, 1978). Son adaptation de La Flûte enchantée est l'une des plus KITCHISSIMES sur Terre (1974). Et sinon, Scènes de la vie conjugale, 1973 ou Cris et chuchotements en 1972 et puis mon préféré Persona (1966, avec Bibi Andersson).

Before sunrise, Before sunset, Before Midnight de Richard Linklater de 1995 à 2013... - Fiche Allociné

Si vous aimez les comédies romantiques/drames romantiques, vous apprécierez certainement le plus long d'entre eux. Il s'agit des trois films avec le même duo d'acteurs Julie Delpy et Ethan Hawke. Richard Linklater a élaboré une filmographie étrange et une grande partie est tournée sur des années d'expériences de cinéma. Les années passent, le temps passe, les acteurs prennent des rides, mais comme dans une bonne série qui fonctionne avec une bonne mécanique, Richard Linklater décrit les ravages du temps sur le couple qui perd ses illusions, qui perd la flamme, le coup de foudre du départ. C'est simplement la vie quotidienne à travers un couple qu'il dessine. Comme dans Quand Harry rencontre Sally où la fin suggère la suite et où tout est tourné en ellipses, dans la trilogie de Linklater tout est lent, parfois rébarbatif. Les scènes sont contemplatives, la musique lancinante, les décors charmants et monotones à la fois. Vous aimerez sûrement partager toutes ces tranches de vie avec les personnages. C'est comme s'enfiler 3 saisons d'une bonne série mais c'est du cinéma d'art et d'essai où chaque plan est précisément réfléchi et rappelle intelligemment les plans des films précédents ou à venir. Et moi, j'approuve.

Voilà, j'espère que cela vous a plu. Je n'ai pas mis de films que je considère comme "nuls" (comme la série de films Les animaux fantastiques, sauf le 1, ou la toute première adaptation, voire même la deuxième adaptation de Gatsby le magnifique par exemple hein!) ni de navets, mais de très bons films qui ont le désavantage d'avoir un rythme lent, ou de très longs dialogues par exemple. C'est bien ce genre de films que je préfère, ils se regardent lorsqu'on a du temps. J'espère que vous trouverez des moments d'apaisement pendant ce confinement qui nous met tous à rude épreuve.

Prenez soin de vous ...

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