Feel good - Thomas Gunzig ♥♥♥♥♥

Publié le 15 décembre 2019 par Nathalie Vanhauwaert

Feel good   -    Thomas Gunzig



Au Diable VauvertParution : 22/08/2019Pages : 400Isbn : 9791030702743Prix :  20 €
Présentation de l'éditeur

« Ce qu’on va faire, c’est un braquage. Mais un braquage sans violence, sans arme, sans otage et sans victime. Un braquage tellement adroit que personne ne se rendra compte qu’il y a eu un braquage et si personne ne se rend compte qu’il y a eu un braquage, c’est parce qu’on ne va rien voler. On ne va rien voler, mais on aura quand même pris quelque chose qui ne nous appartenait pas, quelque chose qui va changer notre vie une bonne fois pour toutes. »
Quel est le rapport entre un écrivain sans gloire, le rapt d’enfant et l’économie de la chaussure ?
Vous le saurez en lisant la nouvelle satire sociale de Thomas Gunzig.
L'auteur


Photo CORENTIN VAN DEN BRANDEN/AU DIABLE VAUVERT
Thomas Gunzig, né en 1970 à Bruxelles, est l’écrivain belge le plus primé de sa génération et il est traduit dans le monde entier. Nouvelliste exceptionnel, il est lauréat du Prix des Éditeurs pour Le Plus Petit Zoo du monde, du prix Victor Rossel pour son premier roman Mort d’un parfait bilingue, mais également des prix de la RTBF et de la SCAM, du prix spécial du Jury, du prix de l’Académie Royale de Langue et de Littérature Française de Belgique et enfin du très convoité et prestigieux prix Triennal du Roman pour Manuel de survie à l’usage des incapables. En 2017 il reçoit le prix Filigranes pour son roman La Vie sauvage. Star en Belgique, ses nombreux écrits pour la scène et ses chroniques à la RTBF connaissent un grand succès. Il a publié et exposé ses photos sur Bruxelles, Derniers rêves. Scénariste, il a signé le Tout Nouveau Testament aux deux millions d’entrées dans le monde, récompensé par le Magritte du meilleur scénario et nominé aux Césars et Golden Globes. Sont aussi parus au Diable vauvert, ses romans : 10 000 litres d’horreur pure, Assortiment pour une vie meilleur, Et avec sa queue il frappe.
source : Au diable vauvert
Mon avis
Attention pépite ! ♥♥♥♥♥
Si vous commencez "Feel good", vous risquez de ne pas le lâcher avant de l'avoir terminé, et je peux vous affirmer que vous ne verrez plus le "feel good" de la même façon.
C'est une magnifique satire sociale.  C'est actuel, cela aborde de vrais problèmes de société : la pauvreté ou du moins la marge infime qui fait que tout peut basculer - de la pauvreté à la précarité.  Et pourtant, il y a toujours de l'espoir  et de l'humour.  Thomas Gunzig nous fait prendre conscience de certaines réalités sociales de notre monde contemporain avec intelligence , le tout avec empathie et une grande sensibilité.
L'histoire ?  Me direz-vous ?
  • D'un côté, il y a Alice qui petite déjà était dans une famille où l'on devait compter, de celle où on était toujours "tout juste"...

Elle a grandi, est partie de chez elle, emménageant dans un petit appart, a trouvé un travail comme vendeuse dans un magasin de chaussures.  Enceinte, elle a choisi d'élever seule son enfant.  Aujourd'hui elle a 46 ans, le magasin a fermé, elle se retrouve au chômage, son fils Achille a six ans.   C'est galère, car c'était déjà tout juste aussi pour elle depuis le début...  avec six cents euros de moins du jour au lendemain et des indemnités dégressives, c'est la cata..
Mais que faire pour assurer un avenir meilleur à son fils ?
Enlever un enfant de riche devant une crèche de bourgeois, des gens plein de fric, et puis demander une rançon.   C'est son plan, c'est loufoque oui mais cela peut marcher..  en théorie car les parents ne se manifestent pas et elle se retrouve avec deux enfants sur les bras....
  • Tom est écrivain sans réel succès, il est incompris, largué par sa douce et lui aussi a perdu son job alimentaire et est dans une situation qui devient précaire.  Le hasard fera qu'il rencontre Alice et que son histoire soit pour lui l'opportunité d'écrire le livre qui va changer sa vie et lui apporter la gloire convoitée.   Oui mais Alice ne l'entend pas vraiment de cette façon ...

La suite dans ce roman passionnant.   
Vous me dites, mais c'est sombre tout cela, pas vraiment feel good ?  Remboursé, c'est hors sujet..
Patience, on en parle du feel good, on parle aussi de littérature, du processus d'écriture, du parcours de l'écrivain et ses rapports à l'édition, les réseaux sociaux autour du livre, l'univers de la blogosphère, d'Instagram etc...
Thomas Gunzig nous propose non pas un roman, mais deux romans. Certaines situations semblent loufoques, incroyables mais pas tant que cela en réalité, si si vous verrez..
J'avais l'impression d'entendre l'auteur me racontant l'histoire avec son phrasé si particulier que j'adore.  Des personnages bien construits, une écriture sincère, emphatique, un rien caustique par moment, intelligente et drôle.  Lorsque l'improbable, l'absurde deviennent normalité.  J'adore !
C'est passionnant, les codes du feel good et le monde de l'écriture n'auront plus de secrets pour vous après cette très belle lecture.  Un bon moment garanti.
Immense coup de ♥
Les jolies phrases
Qu'ils aillent se faire foutre avec leurs articles.
Elle n'avait aucune idée de ce que pouvaient être ces putains de clés du bonheur mais elle savait que manquer de fric c'était vraiment l'horreur.
Alice ne se demanda pas si le travail lui plaisait ou pas, ce n'était pas la question.  La question c'était que c'était un contrat et qu'un contrat c'était un salaire et un travail et qu'un travail et un salaire, c'était comme ça que s'envisageait la vie.
Alice était jalouse.  Elle n'aimait pas ça, mais elle devait l'admettre : cette brûlure qu'elle sentait lui carboniser le coeur, cette main glacée qui lui serrait la gorge, ce frisson visqueux qui lui parcourait les veines, c'était de la jalousie, de la jalousie bien concentrée sécrétée par les glandes de sa vie médiocre.  Mais dans cette jalousie-là, il y avait aussi autre chose : il y avait des grumeaux durs comme des silex, noirs comme des nuits d'hiver, coupants comme des rasoirs. Ces grumeaux, c'était de la colère. Elle aussi bien concentrée.  De la jalousie et de la colère à l'égard de ceux qui avaient de l'argent.
Ça faisait longtemps qu'entre Tom et Pauline il n'y avait plus grand-chose, une espèce d'habitude d'être ensemble.  Par optimisme, il essayait de considérer cette habitude comme de l'affection mais au fond de lui il savait bien que ce n'était rien d'autre que de l'habitude, que c'était comme un chemin que l'on emprunte chaque jour depuis des années sans jamais en changer, par manque d'imagination, par paresse, par absence de courage.
C'était sans doute ça, être un vieux couple : savoir qu'il n'y a plus rien à attendre mais continuer malgré tout parce qu'il est trop tard pour les changements.
- C'est quoi le feel good book ?
- C'est un livre "pour se sentir bien".  En gros, on doit présenter la vie sous un angle positif, faire des portraits de personnages qui traversent des épreuves compliquées mais qui s'en sortent grandis.  Ce sont des histoires dans lesquels l'amitié triomphe de l'adversité, dans lesquelles l'amour permet de surmonter tous les obstacles, dans lesquelles les gens changent mais pour devenir meilleurs que ce qu'ils étaient au début...
-Aaaaah, il faut parler de résilience et de conneries comme ça ?
- Oui, par exemple, il y a pas mal de psychologie.  Mais de la psychologie à trois sous, des notions pas du tout approfondies, des choses très basiques que le lecteur doit saisir  en un instant, il y a souvent un petit côté "développement personnel" et puis faut pas hésiter à avoir la main lourde sur la spiritualité. La spiritualité, ça  va donner au lecteur l'impression de faire partie d'un tout plus grand que lui, qu'il a accès à la transcendance, que des anges veillent sur lui ou des trucs du genre ...
Même si l'entreprise était vouée à l'échec, ce n'était pas vraiment important.  Ce qui était important, c'était de se rendre compte qu'on pouvait agir sur sa vie.  Qu'on pouvait "prendre l'initiative" et que ça faisait véritablement bouger les choses.
Être pauvre dans un monde de riches, c'est encore pire que d'être pauvre dans un monde de pauvres.
Tom avait conclu qu'élever des enfants, c'était l'inverse d'écrire des livres : pour écrire des livres, il fallait inventer le réel, pour élever des enfants, il fallait réagir au réel.