Paroles d'honneur - Leïla Slimani & Laëtitia Coryn

Par Stéphanie @Stemilou

Présentation
Rabat, été 2015. Suite à la parution de son livre "Dans le jardin de l'ogre", un roman cru et audacieux qui aborde la thématique de l'addiction sexuelle, Leila Slimani part à la rencontre de ses lectrices marocaines. Face à cette écrivaine franco-maghrébine décomplexée qui aborde la sexualité sans tabou, la parole se libère. Au fil des pages, l'auteur recueille des témoignages intimes déchirants qui révèlent le malaise d'une société hypocrite dans laquelle la femme ne peut être que vierge ou épouse, et où tout ce qui est hors mariage est nié : prostitution, concubinage, homosexualité.
Le code pénal punit toute transgression : un mois à un an de prison pour les relations hétérosexuelles hors mariage, six mois à trois ans de prison pour les relations homosexuelles, un à deux ans de prison pour les adultères. Soumises au mensonge institutionnalisé, ces femmes nous racontent les tragédies intimes qui égrènent leurs vies et celles des femmes qui les entourent : IVG clandestines, viols, lynchages, suicides.
Toutes sont tiraillées entre le désir de se libérer de cette tyrannie et la crainte que cette libération n'entraîne l'effondrement des structures traditionnelles. A travers cette BD, il s'agit de faire entendre la réalité complexe d'un pays où l'islam est religion d'Etat. Et où le droit des femmes passera, avant tout, par la défense de leurs droits sexuels.


C'est à Rabat (Maroc) en 2015 après un débat autour de son roman Dans le jardin de l'ogre que Leïla Slimani rencontre une jeune femme dans un café qui va lui raconté la réalité de la vie des jeunes marocains notamment les femmes. Cette jeune femme, Nour, a quarante ans et est toujours célibataire, elle vit seule ce que désapprouve totalement sa famille, puis Nour raconte son histoire à Leïla . D'abord son père ouvert d'esprit et aimant, puis sa mère désireuse de poursuivre des études mais qui a du s'arrêter pour s'occuper d'une famille, elle lui raconte la liberté que lui accordait ses parents ... au début, avant que toute une tradition vienne rompre l'harmonie.
Nour raconte l'interdiction de faire du sport, la gifle après un mot considéré comme déplacé, le bakchich versé à un policier l'ayant surpris en "fâcheuse posture". Nour raconte l'enfermement de la femme marocaine dans une tradition qui sous prétexte de la protéger de mauvaises influences l'emprisonne dans ses désirs. Mais il y a plus dur encore: ces viols commis sur des femmes qui pour éviter la honte ne portent jamais plainte.

Leïla Slimani est parti à la rencontre de ces femmes soumises et révoltées, elles ont levé le voile sur leur vie intime et leurs espoirs. Ces témoignages ont fait l'objet d'un ouvrage intitulé dont l'adaptation BD est celle-ci. Je n'ai pas lu cet essai mais suis persuadée que l'essentiel y est repris dans cette BD, les personnages paraissent plus que réels et les situations tellement désespérées. Dans ce pays qui me semblait si tolérant et progressiste, dans lequel la femme pouvait s'épanouir en totale liberté voilà que cet album me donne énormément à réfléchir. Sexes et mensonges
J'avais bien entendu déjà entendu parler de cette chirurgie qui consiste à reconstruire l'hymen des jeunes femmes pour paraître encore vierge le jour de leur mariage mais j'ignorais le risque encouru, la peur de la honte et du rejet.
Leïla Slimani aborde d'autres sujets en rapport avec ce thème et montre l'ampleur du travail à effectuer pour rendre sa place à la femme dans la société marocaine. Le dessin au crayon de Laetitia Coryn accompagne le récit avec brio.

Voilà une BD qui révolte mais apporte aussi de l'espoir.