[Chronique #135] Kiffe Kiffe demain - Kaouther Adimi

Par Boudoir Livresq @MonBoudoir2


Editions Le livre de poche (2004)GenreRoman contemporain  / une autobiographie Nombre de pages:  189Prix : 600 DA
Thèmes traités: Adolescence, différence, racisme, immigration
Doria a quinze ans, un sens aigu de la vanne, une connaissance encyclopédique de la télé, et des rêves qui la réveillent. Elle vit seule avec sa mère dans une cité de Livry-Gargan, depuis que son père est parti un matin pour trouver au Maroc une femme plus jeune et plus féconde. Ça, chez Doria, ça s'appelle le mektoub, le destin : " Ça veut dire que, quoi que tu fasses, tu te feras couiller. " Alors autant ne pas trop penser à l'avenir et profiter du présent avec ceux qui l'aiment ou font semblant. Sa mère d'abord, femme de ménage dans un Formule 1 de Bagnolet et soleil dans sa vie. Son pote Hamoudi, un grand de la cité, qui l'a connue alors qu'elle était " haute comme une barrette de shit ". Mme Burlaud, sa psychologue, qui met des porte-jarretelles et sent le Parapoux. Les assistantes sociales de la mairie qui défilent chez elle, toujours parfaitement manucurées. Nabil le nul, qui lui donne des cours particuliers et en profite pour lui voler son premier baiser. Ou encore Aziz, l'épicier du Sidi Mohamed Market avec qui Doria essaie en vain de caser sa mère. Kife kife demain est d'abord une voix, celle d'une enfant des quartiers. Un roman plein de sève, d'humour et de vie.Nous ouvrons le journal intime de Doria, une adolescente banlieusarde (prenons le sens péjoratif du mot)Doria vit avec sa mère. Toutes deux abandonnées par un homme parti chercher une descendance mâle dans son pays natal.Le roman se compose de chapitres courts dont la thématique est une idée à développer ou un personnage à connaître. Le tout avec une pointe d'humour et un vocabulaire qui passe du registre soutenu au familier quand il s'agit de faire parler l'entourage de Doria.Malgré la légèreté que peuvent dégager le titre et le sujet peu original, il y a un travail de fond que je tiens à mettre en avant: les échanges entre les personnages traitent des sujets importants des gens des cités : racisme, solidarité, rivalité, extrémisme religieux, le besoin d'évoluer, de changer et le souhait de s'en sortir.Avec l'insouciance de ses 15 ans et sa pseudo naïveté , le personnage de Doria traduit avec ses mots les pensées des jeunes d'origine maghrébine (ou autre) qui ,depuis des décennies ,si ce n'est pas plus, condamnent et stigmatisent les mentalités ségrégationnistes.Faiza Guène , elle, dénonce en écrivant ce qui fait mal de l'intérieur : famille et de l'extérieur : La France.

"Quand j'étais petite, je coupais les cheveux des Barbie, parce qu'elles étaient blondes, et je leur coupais aussi les seins, parce que j'en avais pas. "
"L'avenir ça nous inquiète mais ça devrait pas, parce que si ça se trouve, on en a même pas."
"La chance de notre génération, c'est qu'on peut choisir qui on va aimer toute sa vie. Ou toute l'année. Ca dépend des couples"

"Il doit faire partie de ces gens qui croient que l'illettrisme, c'est comme le sida. Ça existe qu'en Afrique."