Les violences faites aux femmes, on en parle

Par Lucie Cauwe @LucieCauwe

A Bozar, samedi 14 septembre, 16h30. (c) Casterman.

#MeToo, #BalanceTonPorc, Affaires Weinstein, Ramadan, DSK... Enfin est dénoncé aujourd'hui le harcèlement que subissent les femmes, juste parce qu'elles sont femmes. Enfin sont dites les souffrances trop souvent contenues. Enfin émerge l'idée qu'on peut être femme sans être mère. Ces paroles de femmes commencent à être entendues, écoutées, écrites, dessinées.
Elles seront le sujet d'une rencontre qui s'annonce riche ce samedi 14 septembre à 16h30 à Bozar (studio). En effet, les auteurs de trois albums de BD récents (Casterman), livrant des mots de femmes s'entretiendront avec Béa Ercolini. J'ai nommé Aude Mermilliod, Juliette Boutant et Thomas Mathieu et Lili Sohn. Leurs trois excellents titres lèvent chacun à sa façon un peu le voile sur le rapport des femmes au monde.
Aude Mermilliod évoque dans "Il fallait que je vous le dise" (Casterman), composé avec le romancier Martin Winckler, l'IVG, et le chagrin qu'elle a éprouvé après avoir avorté, un choix assumé et consenti. Je l'avais rencontrée il y a quelques mois (lire ici).
Lili Sohn, qui avait publié l'an dernier le réjouissant "Vagin tonic" (lire ici) , s'attaque avec son humour féroce, sa logique imparable, ses dessins enlevés, son franc parler et ses multiples recherches à un autre grand sujet féminin, celui de l'instinct maternel. Avec sa couverture rose bien flashy, "Mamas, petit précis de déconstruction de l'instinct maternel" (Casterman, 312 pages) dépote. Car il scrute le rapport entre féminisme et maternité. Avoir un enfant ou pas? Désir ou piège? Codes de société éternels ou à revoir? Autant de sujets que l'auteure-illustratrice aborde sans fausse pudeur ni faux-semblants.

(c) Casterman.

On ressort de cette lecture en ayant ri, compris et réfléchi.
Bien entendu, Lili Sohn applique sa technique: partir de son cas pour l'ouvrir aux autres. Elle s'en explique dans une "lettre aux journalistes".

Album terriblement fort, à lire jusqu'au bout malgré la difficulté que représente par moments l'accumulation d'horreurs, petites ou grandes, faites aux femmes, "Les Crocodiles sont toujours là", de Juliette Boutant et Thomas Mathieu (Casterman, 184 pages) révèle de magnifique façon le sexisme dans notre société. Qu'il soit ordinaire ou carrément agressif. Bien entendu, les Crocodiles sont les hommes, représentés en vert dans des illustrations entièrement en noir et blanc. On les avait déjà rencontrés dans l'album "Les crocodiles" du même Thomas Mathieu (Le Lombard, novembre 2014). Ici Juliette Boutant s'est jointe au projet.
Graphiquement, c'est très réussi et l'idée permet de mettre subtilement en images tous les témoignages recueillis par les auteurs depuis la parution du premier tome. Finalement, malgré la dureté des histoires et leur caractère parfois déprimant, lire cet album fait du bien. Rend plus fort. Montre que les femmes ne sont pas, ne sont plus seules à vivre cela. Le partager est un geste fort, éditorialement aussi.
Mais franchement, en 2019, on est en droit d'attendre autre chose dans les relations entre les hommes et les femmes.

(c) Casterman.


"Les pages de ce recueil sont organisées de façon thématique", expliquent les auteurs. L'espace public d'abord, la rue, les transports en commun, l'école, l'université; les rapports avec la police, qui devrait venir en aide aux victimes mais en rajoute souvent une couche; dans la vie professionnelle; dans la sphère intime, dans le milieu médical (ces fameuses violences obstétricales dont on parle enfin).