Tocs ou tics?

Par Marie-Claude Rioux

Tranche de vie. Il fut un temps où madame Couette était encore plus siphonnéqu’elle ne l’est présentement. Les tocs lui collaient à la peau, comme une sangsue de lac tenace. Je t’épargne les détails pour entrer dans mon vif du sujet: les tocs et les livres. À une époque, je recouvrais tous mes livres de papier glacé blanc. Ma bibliothèque ressemblait comme deux gouttes d’eau à ceci:
Au secours! Même si chaque livre était classé par ordre alphabétique, j’ai pas besoin de te dire que c’était pas pantoute pratique lorsque venait le temps de trouver un livre!Ensuite sont venues les périodes: on classe par couleurs – on classe par grandeur (du plus petit au plus grand, évidemment)  on ne classe pu pantoute (un joyeux bordel hautement organisé, histoire de donner un style bohème à ma bibliothèque).Elle est complètement frappée de la cafetière! C’est ça que tu te dis, hein?! Tu n’as pas tort. Heureusement, je me suis soignée avec le temps. J’ai fait un bon bout de chemin. S’il me reste quelques petits tocs – ou tics –, je vis plutôt bien avec (dans la mesure où on ne s’approche pas trop de mes bibliothèques)! Mes livres sont «rangés droits». Il ne saurait y en avoir un plus avancé ou reculé que les autres. Ça peut devenir un vrai calvaire quand ma sauterelle vise mal en pitchant une balle à Marley et que cinq livres sont poussés au fond. Ou encore que quelqu’un de mal intentionné (oui, ça existe), qui connaît ma faiblesse, pousse quelques livres en passant. J’ai songé à avoir des bibliothèques vitrées avec VERROUS! Mais faut toujours ben pas charrier! Je me suis parlé, chicané et raisonné. L’envie est passée!Pour te dire… je frémissais de malaise et devenais blême comme un drap blanc à chaque fois que ma sauterelle, toute petite, s’approchait de la bibliothèque jeunesse. Aujourd’hui, en plein cœur de l’adolescence (même du bas de ses douze ans), elle se tient loin des livres. C’est peut-être de ma faute… Faut aussi dire qu’elle a d’autres chats à fouetter...Sinon, j’ai quelques petites injonctions personnelles, que je qualifie de tics plutôt que de tocs. · Ne jamais casser la tranche des livres, quitte à pogner un torticolis carabiné en lisant. · Ne jamais corner les pages d’un livre, même si ça finit par coûter cher en post-it! · Ne jamais écrire, souligner ou surligner dans un livre.· Ne jamais acheter de livres à la couverture rigide. Québec loisirs, sort de ma maison.Étonnamment, je dis bienvenue aux signes d’usure ou de vieillissement. Je n’ai aucun problème avec les pages marquées par des taches de café, des gouttes d’eau ou un maringouin écrasé. J’ai prêté des livres qui sont allés sur les plages cubaines et sont revenus avec quelques grains de sable. J’ai des livres dont les coins ont été grugés par ma saucisse à quatre pattes. Souvenirs, souvenirs ! Finalement, je pense que je ne m’en sors pas trop mal, compte tenu du chemin parcouru.Et toi, es-tu ou as-tu déjà été aussi toqué que moi? On est entre nous, là. Raconte-moi tout!