L’arbre monde de Richard Powers

Par Krolfranca

L’arbre monde

Richard Powers

Traduit de l’anglais par Serge Chauvin

Le Cherche Midi

Septembre 2018

550 pages

Ce roman que tant de lecteurs ont encensé… je l’ai lu.

Je m’attendais à autre chose, à un roman moins éclaté, et moins axé sur les actions revendicatrices des personnages.

J’ai d’abord été surprise par ces neuf histoires qui ouvrent le roman pendant environ cent cinquante pages (quand même !), qui n’ont rien à voir les unes avec les autres si ce n’est qu’elles ont pour point commun l’arbre (j’ai beaucoup aimé la première histoire, celle de Nicolas Hoels !). On se dit bien que les personnages se rencontreront (ou pas) à un moment donné, pour une cause commune, mais il tarde tant cet instant, que je me suis un peu essoufflée. D’autant plus que ces «nouvelles» occupent une trop grande partie du roman et je me demandais vraiment où voulait en venir l’auteur. Et puis j’ai bien regretté de l’avoir lu sur liseuse parce que le retour en arrière est compliqué et cela m’aurait bien dépannée de me replonger dans les premières histoires pour la suite, ayant oublié des éléments assez importants.

C’est donc mon premier bémol.

J’ai aussi été surprise par le parti pris du romancier de focaliser une grande partie de son roman sur l’écologisme extrémiste. Je m’explique avant que tout le monde ne me tombe dessus. J’ai trouvé que l’ouvrage était trop tourné vers les hommes et leurs actions écolo-terroristes et pas assez sur l’arbre et sa substantifique sève. Et lorsqu’il évoquait la nature, c’était de manière parfois trop didactique à mon gré. On sait depuis un moment que les arbres communiquent entre eux, qu’ils se protègent l’un l’autre…  et j’aurais aimé en savoir davantage.  C’est d’ailleurs l’histoire de Patricia Westerford qui m’a le plus intéressée en tant que scientifique qui étudie les arbres et leur développement, c’est peut-être les seuls passages où il m’a semblé apprendre quelque chose.

« Mais une autre de ses données lui contracte la chair : des arbres plus éloignés, épargnés par l’invasion grouillante, érigent leurs propres défenses quand leur voisin est attaqué. Quelque chose les alerte. Ils ont vent du désastre et ils se préparent. »

Alors, bien sûr, j’ai aimé le passage où les deux personnages vivent dans l’arbre pour éviter qu’on ne vienne l’abattre. J’ai suivi avec plaisir la vie de ce jeune indien tombé d’un arbre, devenu handicapé, créateur informaticien de génie, et sa prise de conscience à l’âge adulte de ce qui est important pour les hommes. Chaque personnage a une motivation propre, une histoire personnelle intense. Je me suis demandé ce que venait faire dans ce roman choral le couple qui n’aura pas d’enfant mais qui plante un arbre à chaque anniversaire de mariage, c’est l’histoire que j’ai le plus survolée.

Le point fort de ce roman ce sont les personnages, aux caractères bien trempés, chacun à leur manière, ils ont une vraie profondeur, une vraie densité. Mais il y en a trop. Une ou deux « nouvelles » en moins n’auraient pas nui au roman. Pourtant, l’auteur sait ferrer son lecteur, il crée une dépendance à ses personnages, on a envie de les retrouver (enfin, euh…  sauf certains…), on a envie de vivre leur évolution, de voir le changement opérer en eux. Leurs racines sont leurs fondations, comme tout un chacun. Mais les relations qu’ils vont tisser, les diverses orientations de leurs vies vont leur permettre de grandir à l’instar des arbres qui s’épanouissent dans un milieu favorable.

L’atout de ce roman est la prise de conscience qu’il suscite chez le lecteur qui ne regardera plus jamais un arbre de la même façon, fasciné qu’il sera par l’espoir qu’il porte en lui.