Les secrets d’un féminisme efficace, enfin révélés par Les Filles de Simone

Par Femmesdelettres

Notre corps, nous-mêmes : en 1977 paraissait en France ce manuel de santé féministe traduit de l’américain. Il abordait avec précision et bienveillance tous les sujets tabous de l’anatomie féminine,  ces réalités dont on ne parle pas en société et qui faisaient dire à Simone de Beauvoir que les petites filles se rendent malades à « épier leur corps avec inquiétude ».  C’était un ouvrage d’intérêt général, et si ses données sont désormais périmées, son intention est toujours pertinente. C’est pourquoi, en janvier 2018, Médiapart annonçait la sortie prochaine d’une réédition de l’ouvrage, entièrement actualisée, chez Hors d’atteinte. Selon la page Facebook du projet, elle est annoncée pour octobre 2019.

Justement, une audacieuse compagnie, Les Filles de Simone, a représenté ces derniers mois sur les planches franciliennes l’aventure fictive, fantaisiste et quelquefois pathétique, de cette réédition. Dans cette pièce, avec la ferme intention de réécrire Notre corps, nous-mêmes, une association de femmes discute, chante, crie, invite Mona Chollet, explore une vulve gigantesque en tenues de spéléologues, et apostrophe le public.

Proche parfois d’une conférence gesticulée, la pièce fait passer, à travers la farce et la mise en scène, les messages essentiels de Notre corps, nous-mêmes. Par la grâce de la double énonciation théâtrale, l’exposé de Maryline sur l’hymen nous renseigne nous aussi. Eva apprend les chansons du MLF à ses camarades de lutte, et c’est nous qui les retenons. Enfin Mona Chollet, ou plutôt son double théâtral, nous récite, sur scène, des extraits de son livre Beauté fatale (La Découverte, 2012).

Mais le texte devient profondément polyphonique lorsqu’il met en regard ces exposés théoriques avec des cas particuliers, parfois franchement discordants. À l’enthousiaste cacophonie militante répondent, à intervalles réguliers, les monologues angoissés du sexisme ordinaire. Son poids, sa sexualité, son enfance : chacun des personnages dévoilera, à son tour, son complexe intime. Brutalement, les monologues interrompent – ou apaisent? – le brouhaha des AG, et lorsque le rideau tombe, après une photo de groupe mouvementée, difficile de dire si l’on a assisté à un admirable travail de solidarité féminine, ou à la persistance, malgré les meilleures intentions féministes, d’une vaste incompréhension mutuelle.

Les Secrets d’un gainage efficace : le titre, déroutant, emprunté à la presse féminine, ne reflète en rien ou presque le contenu du spectacle. La tournée francilienne de la compagnie Les Filles de Simone vient de s’achever, mais il n’est pas trop tard pour lire le texte de la pièce, coécrit avec Tiphaine Gentilleau et paru chez Actes Sud en janvier, et découvrir des secrets d’une toute autre nature.

Voir ailleurs : les avis de toutelaculture, du site sceneweb et du blog theatrelle, et le site de la compagnie Les Filles de Simone.

Thiphaine Gentilleau et Les Filles de Simone, Les Secrets d’un gainage efficace, Actes Sud-Papiers, janvier 2019, 56 p., 11€.