Les oscillations du cœur. Anne IDOUX-THIVET - 2019

Par Vivrelivre @blandinelanza

Les oscillations du cœur

Thèmes : Road-trip, famille, secret, Autisme, Amitié

L'écume fouettée par le vent giclait sur les rochers, lesquels, sous la couche de chantilly salée qui les couronnait de blanc, demeuraient aussi stoïques que le phare. Soudain, une langue géante aux contours pointillistes ronfla, enfla et se fracassa en postillonnant contre le phare. Jean-Marc se fit la réflexion que cette monstrueuse langue marine avait ressemblé à la vague d'Hokusai, mais il ne dit rien parce qu'il pensa que Aïko aurait trouvé cela " trop cliché ". Aïko se dit que l'éphémère langue de flots avait ressemblé à la vague qui veillait sur l'épopée maritime de Vaiana, mais elle s'abstint de le formuler à voix haute parce qu'elle pensa qu'elle avait passé l'âge de s'émerveiller devant des dessins animés de Walt Disney. Angélique profita d'une toute relative accalmie pour déclamer mécaniquement d'une voix forte : " La mer démontée mugissait et secouait la côte, précipitant sur le rivage des vagues énormes, lente et baveuses, qui s'écroulaient avec des détonations d'artillerie. Elles s'en venaient tout doucement, l'une après l'autre, hautes comme des montagnes, éparpillant dans l'air, sous les rafales, l'écume blanche de leurs têtes ainsi qu'une sueur de monstres. "
Sous le sifflement lancinant du vent, Aïko et Jean-Marc en restèrent sans voix.

Nous faisons la connaissance d'Aïko Ishikawa, Japonaise, fan de Claudine Casserole et designer textile ; d'Angélique Meunier, mathématicienne au CNRS et autiste qui porte très bien son prénom ; et de Jean-Marc Poulain, "ancienne gloire de la littérature", pétri de préjugés, veuf depuis six mois et qui trouve un jour de courage un carton rempli de tatasseries, lui faisant voir son un jour nouveau sa défunte épouse.

A priori, aucun point commun entre ces personnages !

Et pourtant!

Mis en relation grâce à un blog Colombine, ils se retrouvent dans une quête étonnante, intime et familiale, initiée par la découverte de petits mots dans la base de jouets vintage au charme indéniable : des poussahs, ou culbutos comme on dit maintenant, et dont certains personnages, secondaires ou non, sont passionnés.

Les voilà donc embarqués dans un road-trip en coccinelle orange à travers la France, à la recherche de l'auteur (ou autrice) de ces petits mots mystérieux dactylographiés par une machine à écrire aux "e" qui bavent (ça a son importance, si si !). Et s'il y en avait d'autres ?

Je serais pire qu'un être rongé par la lèpre si on savait.
Le phare m'appelle.
Les formes souples de Mathilde.

J'ai eu un coup de cœur dès les premières pages pour ce récit au style fluide et accrocheur, à la fois drôle et sensible, léger et profond.

Il aborde des thématiques essentielles et fait un discret clin d'œil à son premier roman, L'atelier des souvenirs.

Enquête et quête d'identité, liens à son pays/région d'origine, relations et secrets de familles, les souvenirs et l'impact du passé sur le présent, l'autisme (très important pour l'autrice qui a écrit un témoignage dessus avant L'atelier des souvenirs - le personnage d'Angélique est absolument génial et ses réactions aussi spontanées que naturelles pourraient être un exemple !), le partage, l'altruisme, et plus encore...

En chemin, on apprend ce qu'est un Gömböc, que l'on peut commencer à faire de la danse classique à 35 ans, les noms de divers collectionneurs aussi improbables qu'imprononçables, une tradition japonaise porte-bonheur symbole de ténacité ( CLIC).

Tout est délicieux, délicat, fort, émouvant, drôle aussi.

Je me suis régalée de situations rocambolesques, de la délicatesse insufflée par Anne Idoux-Thivet et attachée à ses trois personnages, vrais, sincères et beaux!