Après le progrès, de Beata Umubyeyi Mairesse

Par Deslivresetlesmots @delivrezlesmots

Après le progrès, de Beata Umubyeyi Mairesse, La Cheminante, « Harlem Renaissance », 2019, 85 pages.

L’histoire

Avec ses fragments intimes et universels, l’autrice franco-rwandaise fait danser les mots de trop, les mots pagailles, les mots abandonnés de son imaginaire décolonisé clair-obscur. Ce premier recueil de poésie Après le Progrès se déploie dans une langue savoureuse pour dire avec la même délicatesse le violent ressac de la vie, de sa vie, entre hier et demain, entre les désirs de vie et le coût de la survie, entre là-bas et ici. Ces textes, rires ébréchés ou souvenirs parfumés, portent la voix d’une femme, survivante, militante, mère, amoureuse. Autant de paroles semées, germées, cueillies, qu’elle nous offre pour faire un pied de nez au malheur.

Note : 5/5

Mon humble avis

Merci à Babelio et aux éditions La Cheminante pour l’envoi d’un exemplaire en échange d’une critique honnête.

C’était une fois encore un plaisir de tenir entre mes mains les petits formats que sont les livres de La Cheminante, et malgré la petite taille, il s’agit d’un livre chargé en émotions, en engagement et bien sûr, en poésie. Puisque c’est bien ce qu’est Après le progrès. Il y a bien sûr les mots, les phrases et les poèmes qui ne se laissent pas appréhender d’une traite, il faut y porter attention, les lire lentement, les relire et les prononcer pour s’en imprégner et les comprendre (ce qui est finalement le cas de beaucoup de poésie). Ça évoque le déchirement, la rage, les oppressions, le danger et plus encore.

Mais il y a aussi la mise en page : parfois interrompue, saccadée, elle se chevauche ou s’entrecroise sur les titres. Le recueil est découpé en plusieurs parties, selon les événements vécus par l’autrice et le moment où elle a pu poser ces mots sur le papier. Une très belle découverte !

J’avais lu la chronique de Femmes de lettres sur le recueil de nouvelles de l’autrice, Ejo, qui m’avait donné envie de découvrir sa plume et cette lecture confirme qu’il faut que je découvre ses nouvelles !

Du coup je ne résiste pas à vous mettre l’un des poèmes à la suite, ce sera bien plus parlant que tout ce que je pourrai dire sur ce recueil. C’est le dixième de la section « Volé », p. 50 :

Que reste-t-il des sauvageries divertissantes
Les mystères se sont étiolés,
l’oublioir est passé
Les singes du zoo suivent en épisodes
les joies les peines de leurs gardiens
Le dimanche après la messe à la télé
une armée de paresseux en légers canoës
affronte l’inconnu et ses dangers
Dans leur dos ça supplie « partez »,
à l’arrivée ça aboie « partez »
Le nouvel ordre mondial

Tout au bout de l’allée des jouets
les costumes d’explorateurs
sont en solde depuis une paire d’années

Gardien, voilà un métier qui fait rêver
de zoo, de but ou de barbelés
Qu’importe pourvu que le poste soit assuré