L’argent fou de la Françafrique – L’affaire des biens mal acquis

Par Un_amour_de_bd @un_mour_de_bd

Chronique « L’ARGENT FOU DE LA FRANÇAFRIQUE – L’affaire des biens mal acquis »

Scénario de XAVIER HAREL
Dessin de JULIEN SOLÉ

Public conseillé : ado / adultes

Style : Documentaire / investigation
Paru le 28 novembre 2018 aux éditions GLENAT
96 pages couleur
17,50 euros
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ça commence comme ça…


Entre septembre 2011 et août 2012, d’importantes saisies de biens immobiliers, d’œuvres d’art ainsi que de voitures de luxe ont eu lieu en plein Paris. Un coup de tonnerre qui va résonner jusqu’en Afrique puisque le propriétaire de ces biens « mal acquis » n’est autre que Teodore Nguema Obiang, le fils du président de la Guinée équatoriale. Ceci n’est que le début de la mise en lumière de pratiques scandaleuses entre la France et ses anciennes colonies africaines.

Ce que j’en pense


Avec « L’argent fou de la Françafrique », Xavier Harel nous plonge au cœur des affaires politico-financier qui liaient la France à certains pays de l’Afrique. Des malversations qui ont perduré de la fin de la colonisation jusqu’à l’explosion au grand public de ce que les journaux appelleront « L’affaire des biens mal acquis ». Le scénariste y démonte pour nous cette énorme machine à cash nous montrant, étape par étape, ses subtils rouages . Mais n’allez surtout pas crier au conspirationnisme puisque l’auteur est loin de fabuler. Il nous expose des faits concrets avec preuves et noms à l’appui. Pour crédibiliser encore un peu plus ses propos, le scénariste utilise même en narrateur le personnage, lui aussi bien réel, de Jean Merkaert. Ce profond humaniste depuis toujours engagé dans la lutte contre les inégalités dans le monde est l’un des premiers à avoir dénoncé ces pratiques scandaleuses.

Le format bande dessinée apporte une certaine vulgarisation des propos de Xavier Harel. Ainsi, un rapport (qui aurait été imbuvable pour des non-initiés) devient ici clair comme de l’eau de roche. Certains regretteront peut-être d’ailleurs le fait que l’auteur utilise des images parfois un peu scolaires (voire même enfantines) pour pouvoir parler au plus grand nombre. Ainsi, pour expliquer l’équilibre qui existe entre les divers protagonistes de l’affaire, il n’hésite pas à avoir recours à un schéma en triangle bien connu des professeurs de sciences et vie de la terre. Il met même en scène des personnages sur un plateau de jeu de société afin de montrer leur train de vie démesuré. Mais que les puristes se rassurent. Un livret très bien documenté, glissé en fin d’album, vient apporter un éclairage plus classique au rapport du scénariste.

Derrière cette apparente simplicité, nous pouvons deviner un véritable travail de fourmi. C’est le résultat d’une enquête journalistique très poussée qui nous est proposé ici. L’auteur démarre des premières actions de Jean Merkaert (aidé par des organismes comme le CCFD ou la Transparency international) pour remonter jusqu’aux mises en examen de certains protagonistes de l’affaire. Des personnages allant du PDG d’Elf (racheté par Total depuis) qui graissait la patte de certains dirigeants africains afin d’avoir la main mise sur le pétrole, jusqu’à des chefs d’État français. Malheureusement, la fin de l’album nous montre un bilan mitigé de toutes ses actions.

Parlons de la forme à présent. Tout comme son collègue, le dessinateur Julien Solé nous livre un travail alliant une certaine simplicité à une clarté impressionnante. Les protagonistes sont certes un peu caricaturaux, mais reconnaissables au premier coup d’œil. Les éditions Glénat viennent terminer admirablement le travail avec un objet vintage qui rend la lecture encore plus agréable. Une couverture et des pages épaisses, un rendu mat tout droit sorti d’un autre temps où les bandes dessinées étaient encore des objets de collection.

“L’argent fou de la Françafrique” est donc un album indispensable qui rappelle par moment la série “Il était une fois…” par son côté ludo-éducatif. À lire d’urgence.