Gros sur le cœur. Carène PONTE – 2018 (Dès 13 ans)

Par Vivrelivre @blandinelanza

Gros sur le cœur est la réédition du roman Mélissa sac-à-gras, paru en 2016 chez Librinova.

Outre le changement de titre, il semblerait que Carène Ponte ait effectué quelques changements narratifs. Je n'ai comme point de comparaison que l'article de Marion - Et le fond me semble très similaire.

La couverture chez Michel Lafon est bien plus jolie, et ne dévoile rien des affres que va traverser Mélissa.

Mélissa, qui préfère qu'on l'appelle Mèl, a 17 ans, un corps un peu rond, de beaux et longs cheveux, une mère avec qui elle est plutôt proche et un père militaire qui fait déménager sa famille tous les trois ou cinq ans, d'où leur arrivée à Vallières.

En Normandie, Mèl laisse sa meilleure amie, Camille.

Elles sont tellement complices qu'elles se font appeler Camélissa.

Elle en est persuadée, tout va mal se passer.

Elle ne va pas se faire d'amis, va être seule et passer une année pourrie.

Et ce qu'elle redoute arrive.

" Sac-à-gras ", tel est le surnom attribué à Mélissa dès les premiers jours dans son nouveau lycée par Morgane et Julie, deux jolies filles de sa classe de Terminale.

Une remarque lancée assez haut pour qu'elle l'entende, assez bas pour qu'elle doute de l'avoir entendue ; un shoot dans son sac ; puis une conversation surprise ; un groupe Facebook ; des vêtements volés ; des photos affichées...

La spirale de l'harcèlement moral et physique s'abat aussi vite sur Mèl que fond son estime d'elle-même.

Le doute s'installe, sa confiance en elle se fissure, elle s'emmure dans le silence ou une attitude revêche et n'attend plus que les cours particuliers d'allemand au lycée avec Mr Mélin, si jeune et si beau.

Une attitude ambigüe qui la taraude.

Mèl ne s'épanche pas, ne se confie que trop peu, minimise les choses, culpabilise, s'enfonce dans la honte et le déni, ne se confie pas à Camille, à sa mère encore moins.

Les vacances de la Toussaint lui offrent une pause salvatrice.

Elle se ressource et se retrouve auprès de Camille.

Elles sortent, rencontrent deux garçons, Clément et Greg.

Ces moments lui prouvent qu'elle n'est pas " Mélissa Sac-à-gras ", qu'on peut l'apprécier pour ce qu'elle est, avec ses rondeurs, son bec sucré, ses goûts livresques ( Shining VS Autant en emporte le vent)

A son retour à Vallière,s il lui faudra bien plus que du courage pour oser affronter ses harceleuses et mettre un terme à ses tourments.

Carène Ponte nous livre ici un roman ado fort, poignant mais aussi révoltant.

Rédigé comme un journal intime ponctué de dates, on assiste impuissant, écœuré à ce qui arrive et détruit Mélissa dans un laps de temps très court, et surtout sans que rien ne semble pouvoir l'enrayer.

Tout est extrêmement réaliste, sans pathos et bien amené : Les situations décrites, les sentiments ambivalents et destructeurs qui noient Méliss victime des autres mais aussi d'elle-même, les attitudes des autres professeurs, de la majorité des élèves, la mère dépassée, les mauvaises pensées, le repli sur soi, les différentes formes du harcèlement, l'abus de confiance et d'autorité, l'impact sur la vie... mais aussi cette respiration grâce à Camille, Greg, la Normandie. Cet ailleurs qui lui montre qu'elle n'est pas " Sac-à-gras " et qu'elle peut être juste " Mèl " et être elle-même.

Dans le cœur même de sa narration, Carène Ponte instille les solutions pour que Mélissa s'arme de courage et ose. Elle ira plus loin encore, mais qu'importe, elle réussit à s'en sortir, à parler, à (s')accepter.

Dans sa postface et ses remerciements, l'auteure donne des pistes, conseils, liens et numéros de téléphone : le 3020 notamment, pour lutter contre le harcèlement et incite à la parole.

Et j'irais même plus loin.

Ce roman, nécessaire, s'adresse aux jeunes (filles) qui vivent le harcèlement, bien sûr, mais aussi à celles qui les côtoient, leurs amies ou " camarades de classe ", et qui peuvent les aider, les encourager à parler, à se confier.