Les 10 BD qu’il fallait absolument lire en 2018

Par Mathieu Van Overstraeten @matvano

Le mois de décembre est à nos portes. Il est donc plus que temps de se demander quelles bandes dessinées et quels romans graphiques méritent leur place sous le sapin de Noël de 2018. Le choix s’avère particulièrement difficile cette année, car énormément d’excellentes BD sont sorties en librairie au cours des onze mois écoulés. Chez AGE-BD.com, on a sélectionné les 10 albums suivants:

1. L’âge d’or (Cyril Pedrosa – Roxanne Moreil – Editions Dupuis)

De quoi ça parle: L’histoire se passe dans un royaume médiéval accablé par la disette et gangréné par les jeux de pouvoir et les malversations des seigneurs de la cour. Lorsque le vieux roi meurt après une longue agonie, sa fille Tilda, qui doit lui succéder sur le trône, entend mener à bien les réformes nécessaires pour soulager son peuple des maux qui l’accablent. Mais un complot mené par son jeune frère condamne la pauvre Tilda à l’exil, avec ses compagnons Tankred et Bertil. Guidée par des signes étranges, la courageuse princesse va tenter de reprendre les rênes de son royaume en s’appuyant sur « L’âge d’or », un vieux livre doté d’un grand pouvoir.

Pourquoi c’est bien: Parce que ce conte médiéval contient un message politique très actuel. Parce que les dessins de Cyril Pedrosa sont somptueux. Parce que le scénario très réussi de Roxanne Moreil est rempli de souffle romanesque. Parce qu’on est complètement captivé par cet univers très singulier.

A qui ça plaira: Aux idéalistes et aux utopistes.

2. Ailefroide, Altitude 3 954 (Jean-Marc Rochette – Olivier Bocquet – Editions Casterman)

De quoi ça parle: Avant de bifurquer vers la BD, Jean-Marc Rochette rêvait de devenir guide de haute montagne. Durant son adolescence, gravir les sommets était pour lui une manière d’échapper à une autorité à laquelle il avait beaucoup de mal à se conformer, tant chez lui qu’à l’école. Très longtemps, il a cru qu’il arriverait à réaliser son rêve puisque pendant des années, il a multiplié les ascensions de sommets plus ou moins difficiles, tant sur du rocher que sur de la glace, pour se faire la main et prouver qu’il avait l’étoffe des vrais alpinistes. Dans « Ailefroide », du nom de la montagne que Rochette et son pote Sempé s’étaient jurés de gravir ensemble un jour, l’auteur replonge dans ses jeunes années et renoue enfin avec ces montagnes qu’il a tant aimées.

Pourquoi c’est bien: Parce que c’est une histoire à la fois autobiographique et universelle. Parce que c’est un récit initiatique sur le passage de l’adolescence à l’âge adulte, avec son lot de joies, d’amitiés, de drames et de rêves brisés. Parce qu’en peu de mots, les planches somptueuses de cette bande dessinée font ressentir aux lecteurs toute l’adrénaline de l’escalade des plus hauts sommets.

A qui ça plaira: Aux amoureux de la montagne.

3. L’homme gribouillé (Serge Lehman – Frederik Peeters – Editions Delcourt)

De quoi ça parle: C’est l’histoire de trois femmes. Maud, 75 ans, est une auteure à succès de livres pour enfants. Betty, sa fille, a du mal à sortir de l’ombre de sa mère et est sujette à des crises d’aphasie qui la privent littéralement de parole. Quant à Clara, la fille de Betty, c’est une lycéenne brillante qui a hérité de la fantaisie de sa grand-mère. Un matin, alors que Clara découvre que Maud a fait un AVC dans son sommeil, un étrange homme oiseau fait irruption dans l’appartement et menace la jeune fille en affirmant que Maud devait lui remettre un paquet. Tandis que des pluies diluviennes s’abattent sans discontinuer sur Paris et sur la France, Betty et Clara se lancent alors dans une enquête sur les secrets de leur famille. Elles ne sont pas au bout de leurs surprises!

Pourquoi c’est bien: Parce que cette histoire impossible à résumer est tellement bien racontée qu’on se laisse totalement embarquer par l’intrigue et par l’ambiance. Parce qu’on est tour à tour effrayé, ému, émerveillé. Parce que les personnages féminins de cette histoire font preuve d’un caractère et d’une force hors du commun. Parce que les dessins en noir et blanc de Frederik Peeters sont envoûtants.

A qui ça plaira: Aux férus de récits fantastiques et psychologiques.

4. Charlotte impératrice – Tome 1: La Princesse et l’Archiduc (Fabien Nury – Matthieu Bonhomme – Editions Dargaud)

De quoi ça parle: A seulement 17 ans, la princesse Charlotte de Belgique se marie en grande pompe avec l’archiduc Maximilien d’Autriche, lors d’une cérémonie somptueuse à Bruxelles. Cette union entre la fille du roi Léopold 1er et le frère de l’empereur François-Joseph semble contenter tout le monde. Mais derrière ce bonheur de façade, le vernis ne va pas tarder à se craqueler. Le jeune couple est accueilli on ne peut plus froidement à Vienne par François-Joseph et son épouse Sissi, tandis que Charlotte découvre rapidement le vrai visage de Maximilien, qui se révèle être un homme décevant à tous points de vue. Pour la pauvre princesse de Belgique, la descente aux enfers ne fait que commencer…

Pourquoi c’est bien: Parce que l’association entre Fabien Nury et Matthieu Bonhomme, deux grands noms de la BD actuelle, a donné naissance à un vrai petit bijou. Parce que le scénario de Nury est un modèle de narration efficace. Parce que les dessins de Bonhomme sont d’une maîtrise absolue et d’une élégance folle. Parce qu’on a l’impression d’être dans un film de Visconti.

A qui ça plaira: A ceux qui aiment (re)découvrir des personnages historiques tombés dans l’oubli.

5. Les Rigoles (Brecht Evens – Editions Actes Sud)

De quoi ça parle: Dans un décor urbain peuplé d’une faune grouillante et colorée, l’auteur flamand Brecht Evens suit les parcours sinueux de Jona, Victoria et Rodolphe, trois personnages qui oscillent en permanence entre dépression et euphorie. Ces trois-là ne se connaissent pas, mais pendant toute une nuit, ils ne vont cesser de se croiser, chacun d’eux errant de fête en fête dans les quartiers les plus animés de Paris. Leur côté festif n’est pourtant qu’une façade, car tous trois sont en réalité des âmes tourmentées en proie à des démons irrépressibles.

Pourquoi c’est bien: Parce que personne ne dessine mieux la nuit que Brecht Evens. Parce que l’auteur a mis beaucoup de lui dans cette histoire, après être passé lui-même par des épisodes maniaco-dépressifs plutôt violents. Parce que « Les Rigoles » est une véritable explosion de couleurs et de détails. Parce que les 336 pages de ce gros album débordent d’inventivité et de trouvailles, tant au niveau du découpage qu’au niveau du dessin.

A qui ça plaira: Aux joyeux mélancoliques.

6. Profession du père (Sébastien Gnaedig – Sorj Chalandon – Editions Futuropolis)

De quoi ça parle: Profession du père? Toutes les écoles demandent ça à leurs élèves au début de l’année scolaire. Mais pour Emile, qui a 12 ans au début des années 60, cette simple question va tourner au psychodrame. Car son père fait preuve d’une imagination sans bornes pour éviter de donner sa vraie profession! Cela pourrait prêter à sourire, mais en réalité, ce n’est pas amusant du tout. Derrière son côté fanfaron, le père d’Emile va de plus en plus loin dans ses délires mensongers et paranoïaques. Alors que la guerre d’Algérie fait rage, il persuade son fils de participer à un plan secret pour assassiner le général de Gaulle. Il n’hésite pas non plus à le réveiller régulièrement en pleine nuit et à lui donner des coups de ceinturon en guise d’entraînement.

Pourquoi c’est bien: Parce qu’on sent que Sébastien Gnaedig a eu un vrai coup de coeur pour les mots puissants de Sorj Chalandon. Parce qu’il s’agit d’une adaptation toute en sobriété, subtilité et pudeur du roman autobiographique « Profession du père ». Parce que cette BD réussit l’exploit de mettre en images l’émotion intense et les non-dits de la relation douloureuse entre Sorj Chalandon et son père.

A qui ça plaira: A tous ceux qui ont déjà été confrontés à un manipulateur.

7. Amour minuscule (Teresa Radice – Stefano Turconi – Editions Glénat)

De quoi ça parle: Iris et Ismail sont heureux. Ils s’aiment et ils viennent d’emménager dans une petite maison dans un village situé près de Gênes. Ismail, qui est Syrien, décide de rentrer quelques semaines au pays pour voir sa famille et régler une série de formalités administratives. Il veut aussi profiter de son séjour là-bas pour revoir Saul, un religieux italien qui est comme une sorte de père spirituel pour Iris et lui. Mais une fois là-bas, Ismail découvre que la guerre a éclaté pour de bon et que la situation est bien plus critique qu’il ne le pensait. Pris dans la tourmente, il se retrouve coincé au milieu des combats, sans ressources et sans téléphone. De son côté, Iris découvre qu’elle est enceinte. Bien sûr, la jeune femme se réjouit de cet « amour minuscule » qui pousse dans son ventre, mais dans le même temps il lui arrive de se demander si Ismail va un jour revenir.

Pourquoi c’est bien: Parce que ce roman graphique très dense est un concentré de sincérité et de générosité. Parce que Teresa Radice et Stefano Turconi ont mis énormément d’eux-mêmes dans cette BD. Parce que ce livre est un plaidoyer vibrant pour davantage de tolérance et d’ouverture dans notre société. Parce qu’on se laisser emporter par le souffle romanesque de ce récit aux multiples facettes.

A qui ça plaira: A ceux qui gardent foi en l’humanité.

8. Je vais rester (Lewis Trondheim – Hubert Chevillard – Editions Rue de Sèvres)

De quoi ça parle: Fabienne et Roland arrivent à Palavas, une station balnéaire du sud de la France, pour une semaine de vacances. Un peu maniaque, Roland a organisé leur séjour dans les moindres détails. Il a tout réservé et payé à l’avance, et a soigneusement noté dans un carnet tous les moments les plus importants de leur semaine. Mais une bourrasque de vent va tout changer, lorsqu’un auvent en métal mal attaché vient brusquement décapiter le pauvre Roland. En une fraction de seconde, Fabienne se retrouve veuve. Etonnamment, au lieu de rentrer à Châteauroux pour enterrer son mari, elle décide de rester sur place et de faire tout ce que Roland et elle avaient prévu de faire… comme si de rien n’était!

Pourquoi c’est bien: Parce que c’est surprenant. Parce que c’est un album sans artifices, presque intimiste, dans lequel Lewis Trondheim et Hubert Chevillard mélangent des moments burlesques avec des moments beaucoup plus graves. Parce que c’est une BD à l’ambiance très particulière, un peu hors du temps. Parce que c’est un livre qui nous questionne sur le sens de la vie.

A qui ça plaira: Aux amateurs de récits doux-amers.

9. L’été fantôme (Elizabeth Holleville – Editions Glénat)

De quoi ça parle: Comme chaque été, Louison et sa grande sœur Lydie passent les vacances d’été chez leur grand-mère, dans une vieille demeure aux murs épais. A 10 ans, Louison est à cette période de la vie où on sort tout doucement de l’enfance, sans être encore tout à fait dans l’adolescence. Encore très jouette, elle attend avec impatience l’arrivée de ses grandes cousines pour aller s’amuser avec elles sur la plage. Hélas pour elle, ses cousines et sa grande soeur ont désormais d’autres préoccupations. Repérer des garçons ou boire des verres, par exemple. Du coup, Louison n’a pas d’autre choix que de rester toute seule dans le jardin de sa grand-mère. C’est là qu’elle fait un jour la rencontre de la mystérieuse Lise, une jeune fille de son âge. Mais existe-t-elle vraiment? D’où sort cette fille qui semble venir du passé?

Pourquoi c’est bien: Parce que « L’été fantôme » est un roman graphique original, qui s’appuie sur une identité visuelle particulière et une galerie de personnages féminins très convaincants. Parce que c’est une BD avec une dimension fantastique évidente mais aussi d’autres niveaux de lecture, en particulier une description très fine du passage de l’enfance à l’adolescence. Parce qu’Elizabeth Holleville est une jeune autrice à suivre de très près, qui prend son temps pour raconter son histoire et qui parvient à nous faire ressentir ces longues journées estivales comme si on y était.

A qui ça plaira: Aux nostalgiques des étés de leur enfance.

10. Les petites cartes secrètes (Anaïs Vachez – Cyrielle – Editions Delcourt)

De quoi ça parle: Après le divorce de leurs parents, Tom et Lili sont obligés de vivre séparément: lui chez son père, elle chez sa mère. C’est très dur pour eux car ils s’adorent. Tom et Lili ne rêvent que d’une chose: faire en sorte que leur papa retombe amoureux de leur maman, afin qu’ils puissent vivre à nouveau ensemble. Dans les cartes postales secrètes qu’ils s’écrivent pour garder le contact, Tom et Lili vont donc élaborer toutes sortes de stratagèmes pour remettre leurs parents ensemble et convaincre leur père de quitter Sylvaine, sa nouvelle compagne.

Pourquoi c’est bien: Parce que sous l’apparence d’une BD enfantine, ce livre est en réalité beaucoup plus profond qu’il n’y paraît. Parce qu’il est basé en partie sur l’histoire vraie de la scénariste Anaïs Vachez, qui s’est inspirée des cartes qu’elle écrivait à son grand frère quand elle était petite. Parce que la dessinatrice Cyrielle nous replonge dans l’ambiance des années 90. Parce que c’est un livre sensible sur un sujet délicat. Parce que tous ceux qui l’ont lu ont versé une larme.

A qui ça plaira: Aux familles recomposées.