Traces de la Grande Guerre. Collectif. Dessin de couverture de Dave McKEAN – 2018 (BD)

Par Vivrelivre @blandinelanza

Collectif d'auteurs et de dessinateurs

Traductions d'Astrid BOITEL et Sophie LE STER

Éditions On a marché sur la bulle, octobre 2018

Thèmes : Première Guerre mondiale, Histoire, Mémoire, Transmission

La Première Guerre mondiale peut parfois nous sembler de l'histoire ancienne. C'est compréhensible, cent ans, c'était il y a bien longtemps. Cependant, ces récits donnent véritablement vie à la Grande Guerre, ils questionnent les nombreuses façons dont des évènements centenaires continuent à faire écho dans notre monde.

Avant-propos

Quel " meilleur moment " (avec des guillemets !) pour vous présenter cet album que ce dernier mercredi de novembre alors que les manifestations liées au Centenaire s'achèvent et que le " RDV BD de la semaine " se pose chez Moka, qui l' a déjà (si bien) présenté ?!

Quel " meilleur moment " pour évoquer les traces qui subsistent encore (et certainement pour toujours) de ce conflit ?!

Mais quelles sont-elles exactement ?

Sont-elles seulement physiques ? Cicatrices des terres mutilées, gravées dans la pierre ou érigées vers le ciel ?

Sont-elles désormais des dates dans des manuels d'Histoire, des histoires dans des romans, ou encore des commémorations qui offrent des jours fériés ?

"La grande défaite, en tout, c'est d'oublier. "

Louis-Ferdinand Céline, " Voyage au bout de la nuit " (1932)

La Grande Guerre se révèle à nous de multiples manières : en témoignent l'importante production littéraire de ces dernières années (certes favorisées par le Centenaire) ; les différentes expositions temporaires ; les dons de familles pour La Grande Collecte (et à laquelle j'aurais tellement aimé participer si seulement il y avait eu quelque chose dans ma famille...) ; les initiatives privées (cf les différentes campagnes Ulule tels Chiens Bleus Chiens Gris) ; les jeux pédagogiques (tels Gueule d'Ange) ; mais aussi des objets et même des corps qui se découvrent, que l'on retrouve au hasard de promenades, travaux ou différents aléas climatiques... ( ICI ou LA)

Mais n'y a-t-il pas aussi une part d'impalpable, d'inconscient, fruit d'une transmission transgénérationnelle génétique ? (cf articles ICI ou LA)

Comprendraient-ils que la somme inexprimable de leurs souffrances a imprégné à jamais ces terres d'une humanité plus grande encore ?
Une humanité si profonde qu'on peut y ressentir (...) la beauté terrible de la vie, la communion éternelle des morts et des vivants ?

" Toutes ces gares perdues où Elle m'a attendu ". Kris et Juan Diaz Canales

Dans cet album, il y a tout cela.

Des auteurs qui " récidivent " tels Kris, Maël ou Régis Hautière, et d'autres qui m'étaient inconnus comme Orijit Sen, Joe Kelly...

Des dessinateurs déjà admirés comme Juan Diaz Canales ou Aude Samama et d'autres jamais vus : Efa, Ergün Gündüz...

Ils nous offrent dix-huit récits qui tous, à leur manière, avec leurs mots et leurs graphismes si éclectiques, nous racontent la Grande Guerre et ses traces, et la manière dont ce conflit a marqué et façonné le monde depuis.

Chacun s'ouvre avec une citation et tous s'inspirent d'œuvres d'alors, qu'elles soient littéraires (Genevoix, Remarque...) ou artistiques (Otto Dix...), évoquent des évènements tragiques, intimes ou collectifs, connus ou jusque-là si peu évoqués (en tout cas ici en France - par exemple l'histoire du bateau Komagata Maru)

Des récits qui se déroulent pendant la guerre, juste après ou de nos jours ; dans les tranchées, sur les " lieux de mémoire ", ou dans des lieux communs, ici en France, en Europe ou ailleurs dans le monde.

Ils évoquent la mémoire des gens, des faits et des lieux.

Des récits qui font parler des Poilus, des hommes, des femmes, des jeunes (la première histoire " Sans une trace... " de Robbie Morrison et Charlie Adlard, évoquée d'une autre manière dans La Mort blanche du même duo, m'a (au mieux) consternée), des enfants, et même des hommes préhistoriques qui voient l'avenir de l'humanité défiler dans le feu. Vu ainsi, ce n'est guère glorieux !

Des récits qui font se rejoindre l'imaginaire et les souvenirs, la fiction avec la réalité, le passé avec l'actualité.

Quand la guerre est-elle devenue un divertissement ?

" Jeux de guerre ". Ian Rankin, Sean Phillips et Peter Doherty

Ce recueil pose et constate.

Il m'a fait penser à l'exposition " Reflets de Guerre " (Boulogne-Billancourt / 2014-2015) qui s'intéressait aux traces que la Guerre renvoyait à l'Arrière et dans la société civile du temps-même du conflit et dans l'immédiat après-guerre avec, notamment, l'érection des monuments aux morts, partout en France.

Les deux se complètent bien je trouve.

Un album que je ne peux que vous encourager à découvrir !