Prodiges et miracles · Les Quiquoi et une graine

Par Marie-Claude Rioux

L’hiver est bel et bien commencé. La neige n’en finit plus de tomber, et dire que nous ne sommes qu’en novembre... Entre mes séances de pelletage et après la fabrication d’un énorme bonhomme de neige pour effrayer ma mini-saucisse glacée, j’ai lu un fabuleux roman américain et deux albums jeunesse.


Le blues de la harpie, le premier roman de Joe Meno, m’attend sagement. J’ai mis la main sur son deuxième roman, Prodiges et miracles, lors de mon passage à Vincennes en début d’automne. Cette histoire de jument tombée du ciel, qui rapproche un grand-père et son petit-fils, avait tout pour me ravir. Et ce fut le cas. Ça se passe dans une petite ville de l’Indiana agonisante, en 1995. Le vieux Jim Falls, un veuf vétéran de la guerre de Corée, élève des poulets et tire le diable par la queue. Les dettes s’accumulent, les factures s’empilent et le bas de laine sera bientôt épuisé. Il s’occupe de Quentin, son petit-fils métis, un ado solitaire, taciturne, maniaque de reptiles. Jim s’occupe de son petit-fils depuis que sa fille unique toxicomane lève les voiles quand bon lui semble. Leur train-train quotidien vire de bout en bout quand survient un miracle, incarné par une jument blanche livré dans son van chez les Falls. Cet héritage tombé du ciel changera leur vie à jamais et les éprouvera, pour le meilleur et pour le pire. À peine une petite dizaine de pages lues, j’ai tout de suite su que je passerai une bonne semaine livresque au coeur d’une Amérique rurale empoussiérée, en compagnie de ce grand-père taiseux et de cet ado introverti. La brume de violence qui plane au-dessus de ce roman se dissipe par moment pour laisser place à une complicité et un amour indéfectibles. La force de Prodiges et miracles repose sur la relation entre le grand-père et son petit-fils. Le ciment de leur relation a beau être craquelé, il tient, et solidement à part de ça. Joe Meno met ses personnages en relation, explore les différentes couches de sédiments qui les composent. Il creuse sous la surface, révélant des personnages profonds et riches. Avec une grande économie de mots, il détaille ses ambiances par le biais dune écriture à la fois lumineuse et tourmentée. Ici, les silences sont plus éloquents que les mots. J’ai été emporté dans ce road-trip à travers une Amérique rurale en crise, à l’agonie, où les motels miteux, les gares routières poussiéreuses et les fast-foods défilent le long des routes.Une petite peccadille ma agacée: la quatrième de couverture présente Quentin comme un sniffeur de colle. Je m’attendais à découvrir un ado boutonneux gelé en permanence. C’est loin d’être le cas. La colle s’est vite évaporée...Un très beau roman, magnétique, rugueux et dense, rempli de rebondissements. Cheval pour cheval, je trouve personnellement que la couverture originale est beaucoup plus attrayante que celle des éditions Agullo...Bonne nouvelle: le troisième roman de Joe Meno doit paraître en français en 2019, toujours chez Agullo. D’ici là, je compte bien extirper Le blues de la harpie de ma bibliothèque.Prodiges et miracles, Joe Meno, trad. Morgane Saysana, Agullo, 384 pages, 2018.


Je suis de près le travail d’Olivier Tallec depuis très longtemps. Et dire que je ne connaissais pas les «Quiquoi», une série entre album et bd, dont quatre titres sont déjà parus. Chaque titre a le même point de départ: un des six personnages de la bande dessine quelque chose et c’est le début de l’aventure.Dans cette plus récente aventure, Pétole, la tête forte de la bande, aimerait avoir un animal de compagnie. Ses parents lui ont dit qu’il n’en était pas question. Qu’à cela ne tienne, Pamela lui en dessinera un. Mais pas une biche, ni un tamanoir, comme le souhaite Pétole. Elle devra se contenter d’un chien, car c’est le seul animal que Pamela sait dessiner. Mochou naît: un chien très très laid, auquel il manque une patte. La bande des six tentera de se débarrasser du chien. Les remords viendront adoucir leurs intentions. Au final, le malheur des uns fera le bonheur des autres.Alors là, je suis complètement fan. Impossible de résister au loufoque de la situation et à la façon dont les enfants se dépêtrent de leur «problème». Les dessins débordants d’expressivité d’Olivier Tallec sont hilarants. J’ai retrouvé l’humour désopilant que j’ai tant apprécié dans la série «Rita et Machin». Voilà donc une intrigue rafraîchissante et originale, des dialogues savoureux, des gamins attachants et bien campés. Maintenant, je sais ce qu’il me reste à faire: mettre la main sur les titres précédents. Excellent moment de lecture en perspective...

Les Quiquoi et le chien moche dont personne ne veut, Laurent Rivelaygue (texte) et Olivier Tallec (illustrations), Actes Sud junior, 32 pages, 2018. À partir de 6 ans.


Ce petit album vert au format à l’italienne n’a l’air de rien. Et pourtant... De façon simple, mais non simpliste, une petite graine parle, et elle n’a pas la langue dans sa poche. Le vert sert de lien entre les différentes étapes du cycle de vie de la petite graine. Entre fiction et documentaire, ce conte randonnée pimenté d’humour sur le cycle de vie dans le monde végétal m’a complètement séduite. Un style réaliste, quelques traits de crayon noir illuminés par des touches de vert, des détails à profusion, pour suivre le parcours de cette petite graine qui devient un bel et grand arbre. Maintenant, je compte bien mettre la main sur D’une petite mouche bleue, qui porte, cette fois, sur la chaîne alimentaire. Trop précieux pour m’en passer!


D’une petite graine verte, Mathias Friman (texte etillustrations), Les fourmis rouges, 32 pages, 2018. À partir de 4 ans.