Le livre de la poussière, 1. La Belle Sauvage, de Philip Pullman (Gallimard Jeunesse, 2017)

Par Lupiot

Ok donc j'ai lu ce roman il y a à présent un an, et pour la rédaction de cette chronique, qui a beaucoup tardé, je l'ai RE-LU en entier, oui Madame. Mon opinion est donc tout vernie de sagesse et -

Oh mon DIEU comment c'est BIEN !!!

Pour rendre justice à mon enthousiasme, pour la durée de toute cette critique, il conviendra d'imaginer non pas une femme adulte derrière un clavier ventant de façon argumentée les mérites d'un excellent roman, mais un écureuil sous cocaïne en train de bondir dans tous les sens pour présenter sa noisette préférée.

J'apprécie votre coopération dans cet exercice.

Récap pour ceux qui ont une vie en-dehors de la littérature jeunesse : Philip Pullman, l'auteur de la trilogie La Croisée des Mondes (parue entre 1995 et 2000), énorme succès fantastique érigé en classique de la littérature de genre pour petits et grands...

...écrit une nouvelle trilogie fantastique se déroulant dans le même univers, un spin-off (comprendre que ça se passe en parallèle des faits que nous connaissons, ou avant, ou après) qui s'appelle Le Livre de la Poussière et dont le tome 1, La Belle Sauvage, a paru en français chez Gallimard Jeunesse le 16 novembre 2017.

Moi dans le métro

Armée de ma patience caractéristique, je l'ai évidemment acheté le jour de sa parution en VO, , le 19 octobre 2017 à 19h30, pour commencer à le lire dans les transports sitôt sortie de chez Shakespeare & Co.

Je l'ai lu avec un acharnement pugnace et une lenteur rageante, car le vocabulaire so british de la campagne m'est totalement mais alors totalement étranger, et je devais vérifier toutes les deux pages si le dæmon qui venait de se percher sur l'épaule de son humain était un chat, un piaf, ou un bon dieu de singe. J'ai appris de nombreux noms d'animaux en anglais, merci l'imagier Pullman, et j'ai découvert à cette occasion mon nouvel animal préféré :

LE MARMOUSETC'EST UN SINGE MINIATURE.
JE HURLE.

Cute ? Super cute. Mais revenons à notre campagne anglaise :

Malcolm, 11 ans, vit et travaille à l'Auberge de La Truite, tenue par ses parents. C'est un garçon, humble, solide et curieux, dont la tête fonctionne très bien, et qui sait additionner deux et deux. Aussi, lorsque des voyageurs s'enquièrent du fonctionnement du prieuré tout proche, où Malcolm a de nombreuses d'amies parmi les vieilles nonnes, et posent des questions sur un bébé qui serait caché là, puis qu'il croise, dans les jours suivants :

  • un espion maladroit,
  • des agents de la terrifiante organisation religieuse de la Cour Constitutionnelle,
  • une professeure spécialisée dans la recherche de la Vérité,

et que tout ce petit monde semble intéressé par le sort de ce même mystérieux bébé, Malcolm décide d'en avoir le cœur net, et enquête. S'agirait pas que tous ces messieurs en costume aux manières discutables viennent rudoyer les sœurs ou un quelconque nouveau-né. Et puis, à force de se retrouver au croisement de toutes ces forces, Malcolm (qui donc sait additionner deux et deux, mais aussi poser des opérations plus compliquées) se dit qu'il aimerait comprendre en quoi L'Église, les particules élémentaires, et les querelles d'amants d'un certain Lord Asriel, sont liées.

Je choisis de ne pas en révéler davantage car j'ai pénétré dans le roman sans rien en savoir, et j'ai beaucoup apprécié l'expérience. La plupart des résumés disponibles vont beaucoup, beaucoup plus loin, spoilant l'essentiel de la première partie du bouquin. Mais ce que je viens de vous donner suffit amplement à amorcer l'intrigue, aussi je vous recommande vivement et amicalement de vous en contenter. Après, tu fais ce que tu veux, Rantanplan.

Luckily for you, comprendre il va, et assez vite. Mais c'est là qu'il va commencer à être en danger.

§

§

Que dire. J'avais mille craintes au sujet de ce roman - peur des incohérences, peur que le style de Pullman ait vieilli, peur de l'aspect " Il n'a pas su lâcher ses personnages et on étouffe ", peur que cet opus soit, indépendamment de ses qualités, moins bon que le souvenir fasciné que je garde de La Croisée des Mondes.

Combien j'avais torrrrrrrrrrrrrt.

Pourquoi c'est parfait :

Que dire, donc, de La Belle Sauvage ?

Pourquoi, malgré tout ça, certaines mauvaises langues mal informées diront peut-être que ce n'est pas parfait - et elles ont le droit d'être dans leur tort :

Note : " La Belle Sauvage ", en français dans le texte, est le nom d'un bateau, pour ceux qui se demanderaient. Plus précisément, c'est le nom que Malcolm a donné à la jolie petite barque qu'il peint et entretient amoureusement, et qui sera son fidèle destrier pendant tout le roman. Car ce roman se déroule essentiellement sur l'eau (promis, maintenant, j'arrête de spoiler).

  1. Le style est à la fois élégant, exigeant... et limpide. Pullman est un champion pour ce qui est de donner du cachet à quelque chose de mille fois vu (un univers alternatif type victorien, une aventure avec un petit garçon curieux) par son approche toute emplie d'un héritage littéraire très classique et très anglais, mais en même temps éminemment moderne. Un peu comme ces photos du cast de Downton Abbey sur leur smartphones.
  2. L'entrée dans l'univers, qu'on en soit familier ou non, est aussi naturelle qu'excitante. Et pourtant, La croisée des monde, il se pose là, dans le genre multivers richissime qui pourrait faire fuir le lecteur non-averti. Or, le monde du Livre de la Poussière nous invite d'abord dans le microcosme douillet de Malcolm vivant dans son auberge, puis s'étend géographiquement, de scène en scène, en même temps qu'il s'approfondit. Pullman te fait deviner les sous-couches magico-politico-religieuses du coin jusqu'à ce que tu te sentes, assez vite, chez toi dans un nouveau monde très vaste propice à l'exploration, ce sans jamais te perdre pour autant - et tout en gardant à chaque page ta curiosité et fascination éveillées. Du grand art.
  3. Nous avons un nouveau petit héros, Malcolm. Moi qui craignais un Syndrome Enfant Maudit (à la sauce " on s'englue éternellement dans de vieilles peaux moisies "), je suis ravie ravie ravie.
  4. C'est de l'aventure. De la pure et belle aventure, à croquer comme un fruit volé au sommet d'un arbre secret, rien qu'à toi.
  5. C'est si joliii... certains écarts, petits nids dans le récit, m'ont fait penser à du Timothée de Fombelle, à ce que j'aime tant chez lui : ce goût trop mim's pour les scènes de nature, de famille, de confiture, et tous ces petits riens chaleureux.
  6. C'est dingue et ambitieux, ça joue avec les légendes féériques anglaises autant qu'avec les peurs ancestrales, d'une façon qui m'a rappelé Jonathan Strange & Mr Norrell. Il y a du Alice au Pays des Merveille dans ce récit, du fantastique à l'Ancienne, c'est le royaume de l'enfance souveraine - qui n'est jamais autant vrai que lorsqu'il est menacé par la noirceur des adultes.
  7. En parlant de noirceur : on a l'un des plus terrifiant méchants dont je me souvienne, avec le personnage de l'homme à la hyène. Brrr.
  8. Pour les lecteurs de la saga originelle : quelques personnages et clins d'œils seront là pour vous faire frétiller - j'adore notamment chaque mention de Marissa Coulter (t'as noté que j'aimais les méchants ?).
  1. Les personnages passent pas mal de temps à se répéter des informations dont le lecteur est déjà en possession. (Mais moi je trouve que c'est bien fait.)
  2. On passe un peu trop de pages à changer les couches d'un bébé. (Mais moi je trouve que c'est cohérent.)
  3. À la fin, on veut savoir la suite, et... ben, y en a pas. (Mais moi je trouve que... OUI BON D'ACCORD peut-être. Mais en même temps, ce tome est un préquel, donc, la suite... c'est la trilogie La croisée des mondes ! Qui se déroule certes 10 ans plus tard, me répondront les langues de vipère, donc il y a toute de même un petit gap. Ouais, bah, on peut pas tout avoir dans la vie, moi personnellement je dis, et faut apprendre à gérer la frustration et manger ses brocolis.)

Maintenant, écoute-moi. Si tu as envie d'aventure. Si tu as envie de magie. Si tu as envie de bonne littérature. Et si tu as envie de retrouver ce sentiment puissant d'immersion absolue, à fuir des forces maléfiques tout en menant ta barque à bout de bras (huhu), l'équipée de Malcolm t'attend, et Le livre de la poussière est fait pour toi.

Ce roman a toutes les qualités, voilà.

Si je devais deviner quel alignement cosmique a permis la naissance de ce miracle, je désignerais les planètes suivantes :

Avoue que ça te donne envie.

Bonne lecture ❤

NOTE IMPORTANTE : Je reprends la rédaction de ce blog. Néanmoins, les chroniques vont se faire rares car, surprise ! Désormais, je chronique principalement sur instagram. Le truc avec les photos jolies. Tu peux me trouver en cherchant Allez vous faire lire ou .

Et, sur ce blog, y se passe quoi, alors, si je chronique pu ? Y se passe des Top, des Réflexions sur la littérature jeunesse , des choses et des machins. Et parfois des chroniques approfondies quand ce que j'ai à dire ne rentre pas sur insta, comme aujourd'hui. T'inquiète, mon biquet, ça va bien se passer.

On se donne rendez-vous dimanche prochain ? Et celui d'après ? Et celui encore d'après ? J'avoue, vous m'avez manqué.

Love.