Chronique « Darnand, Tome 2 – Le bourreau français »
Scénario de PATRICE PERNA
Dessin de FABIEN BEDOUEL
Genre : Guerre, historique
Public conseillé : Adultes
Paru le 28 aout 2018 aux éditions Rue de Sèvres
58 pages couleurs, 15 euros
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Ça commence comme ça…
Après une glorieuse carrière militaire lors de la grande guerre, Joseph Darnand, écoeuré par la défaite de l’armée française… a créé la milice…
1943, base aérienne de Ringway, camp d’entrainement du service secret britannique. un responsable de la résistance vient faire son rapport. Ange Servaz, l’ami et le frère d’armes de Joseph a échoué dans sa mission. A défaut de pouvoir retourner cet homme de principe, il est décidé qu’Ange doit infiltrer la milice et tuer son ami…
Dans Paris occupé, Ange se rend au restaurant “Le petit bougnat” pour recevoir ses ordres. Il a été sacrément maltraité par la Milice et en porte les stigmates sur son visage. Autour d’un choux farçi, son supérieur, Paul, lui confie à demi mots ce qu’on attends de lui… Malgré les souvenirs violents avec le bras armé de Joseph, il ne peut se décider à tuer son vieil ami…
Ce que j’en pense
Dans le premier opus de cette très belle série historique, nous avons fait la connaissance avec Joseph Darnand et Ange Servaz. Darnand est un personnage historique tristement célèbre. Héros de la première guerre mondiale, ce guerrier hors norme n’a pas supporté la défaite française, face aux allemands. Etonnamment, au lieu de s’engager dans la résistance, ses principes l’ont amené à créer “La Milice”… C’est ce chemin d’une grande complexité que Patrice Perna (scénario) et Fabien Bedouel (dessin) s’attachent à nous raconter de l’intérieur.
Nous nous retrouvons donc en 1943. Darnand a “choisi son camp”. Pas par opportunisme, mais pour prouver que l’armée française reste une grande armée, il a organisé le recrutement et la formation de cette “armée officieuse”, fut elle aux ordres de l’occupant… Pour la résistance, éliminer la tête de la milice est une mission prioritaire. Pour y parvenir, Ange Servaz, son ami et frère d’arme, doit infiltrer la milice et l’exécuter… Décidément, on n’est jamais mieux trahis que par les siens !
Patrice Perna et Fabien Bedouel nous livrent un second épisode intense et dramatique, en se concentrant sur Ange et sa mission suicide. Ils nous font vivre toute l’horreur et le danger permanent de cette période d’occupation. C’est dramatique, froid et cruel, mais toujours raconté au plus prêt des personnages (si réels). Surtout, Patrice Perna ne prend pas parti dans ce jeu de massacre, de manipulation et de faux-semblants. Chaque camps commet l’indicible. Que ce soit les miliciens et leurs séances de tortures, ou certains camisards qui exécutent froidement un responsable politique et toute sa famille…
Au dessin, Fabien Bedouel, dessinateur de “Un long destin de sang” (avec Laurent-Frédéric Bollée et “OPK” avec Matz nous livre un impeccable dessin réaliste. Un découpage cinématographique (mais jamais excessif), une composition au poil (qui s’autorise quelques éclatés), un encrage précis et nerveux, un dessin expressif, il a tout d’un grand dessinateur malgré sa relative jeunesse dans le domaine de la BD. Il faut dire qu’il a fait ses gammes en tant que storyboardeur et que l’écriture visuelle n’a visiblement aucun secret pour lui. Que ce soit dans les détails de documentation ou dans les expressions faciales (beaucoup d’émotions passent ainsi), son dessin accompagne merveilleusement bien le récit dramatique de son complice Patrice Perna.