Dans la toile du temps, d’Adrian Tchaikovsky

Par Kloliane

Qu’il est mignon…

Mininous (rentrant à la maison, tout excité): Maman ! Mon copain demande si je peux garder Titoune à la maison pour une semaine. Il part en vacances avec ses parents.
Moi (levant les yeux de mon roman, un peu perdue): Titoune ?
Mininous (les yeux brillants, avec un gros sourire): Titoune, sa tarentule de compagnie
Chéri (hésitant): Mouais… Etre allongé tranquillement sur le canapé, pour après voir ton araignée grimper sur mon torse ne sachant comment elle a pu s’échapper… Je t’avoue que je ne serais pas trop à l’aise.
Mininous (suppliant): Si vous plaît. Je m’occuperai bien d’elle. T’en penses quoi Maman ?
Moi (marmonnant,  perdue dans mes pensées): Hum… Lors de la future visite de cette vieille pie de voisine, je pourrais ouvrir la porte avec la tarentule sur une de mes épaules (avec un gros sourire et regardant Mininous): Oui, ce serait une bonne idée…


AUTEUR:
Adrian Tchaikovsky
TITRE: Dans la toile du temps
ÉDITEUR, ANNÉE: Denoël, 2018
NOMBRE DE PAGES: 578 pages.

Ce fut un merveilleux plan… Enfin, bref !
Il y’ a quelques semaines, j’ai eu un énorme coup de cœur pour un roman SF qui a su éveiller en moi un vieux souvenir d’enfance et me faire vivre une aventure qui allait au-delà de tous ce que je pouvais m’imaginer. Voici « Dans la toile du temps » d’Adrian Tchaikovsky

Résumé:
La Terre est au plus mal… Ses derniers habitants n’ont plus qu’un seul espoir : coloniser le « Monde de Kern », une planète lointaine, spécialement terraformée pour l’espèce humaine. Mais sur ce « monde vert » paradisiaque, tout ne s’est pas déroulé comme les scientifiques s’y attendaient. Une autre espèce que celle qui était prévue, aidée par un nanovirus, s’est parfaitement adaptée à ce nouvel environnement et elle n’a pas du tout l’intention de laisser sa place. Le choc de deux civilisations aussi différentes que possible semble inévitable. Qui seront donc les héritiers de l’ancienne Terre ? Qui sortira vainqueur du piège tendu par la toile du temps ?

Tout débute comme un scénario de SF basique : L’espèce humaine risque de s’éteindre. La seule solution, pour survivre, est de terraformer une autre planète afin qu’elle puisse les accueillir. Malheureusement, lors d’une mission compromise par une révolte et n’ayant que pour seule survivante, une scientifique qui incarne le pragmatisme à l’état pur, celle-ci éjecte un nano-virus sur cette « nouvelle terre » qui va connaître une évolution des plus inattendues… Et lorsque les derniers humains, au bord du vaisseau Gilgamesh, essayent de s’approcher de ce qu’il pourrait être leur « futur foyer », ils vont constater qu’une autre espèce a déjà pris place…

Alors que je commençais ma lecture de ce roman, j’ai eu l’impression, telle une Alice bien curieuse, de plonger dans un trou aux parois étoilées et d’atterrir sur une immense toile d’araignée argentée. Je n’étais pas retenue comme ma volonté et je pouvais, à tout instant, mettre un terme à tout cela… Mais je n’avais nullement envie. Bien au contraire ! Je me suis accrochée de toutes mes forces à ses fils, car je voulais savoir comment tout cela allait finir… Savoir si j’étais attirée ou apeurée face à cette inconnue à 8 pattes qui évoluait doucement au bord de la toile.

Oh my godness ! Comme j’aime la SF ! Tout comme avec le genre de la Fantasy, l’imagination n’a aucune limite et les autrices/auteurs peuvent vous emporter dans des histoires plus surprenantes les unes que les autres. Pour le cas de ce roman, l’auteur part d’une trame des plus utilisées et a su broder tout autour une intrigue passionnante sur l’évolution en parallèle de deux civilisations:

-Nous avons, d’abord, celle d’une poignée d’humains en quête d’une nouvelle planète pour survivre. Tout au long de ce but, son évolution nous est apporté par le personnage de Holsten qui, au sein du groupe,  a un statut d’historien et de linguistique. À travers son regard, nous constatons amèrement que même au bord de l’extinction, l’Humanité arrive toujours à commettre les mêmes erreurs. Bien qu’intéressante, cette partie n’apporte pas beaucoup de surprise avant son dernier tiers où tout s’intensifie que ce soit dans ses actions et ses émotions.

-Et puis, nous avons une civilisation, qui même dans mes rêves (ou cauchemars) les plus fous, je n’aurais jamais imaginé: celle des araignées, plus précisément l’araignée Portia (une des espèces les plus dangereuses). Du début du roman jusqu’à la dernière ligne concluant le récit, je fus fascinée par l’évolution qu’elles ont connue grâce au nano-virus. Pour être plus précise, j’étais fascinée tout en étant parcourue de frissons, imaginant des milliers et des milliers d’araignées vivant dans une société au sein d’immense toile conçue par elles. Il est possible qu’à ce point de la chronique, j’ai perdu tous ceux qui sont arachnophobes !

Toute la richesse de ce roman se base sur leur évolution. Tout d’abord, on ressent l’énorme travail d’entomologie de la part de l’auteur. Partant de leurs comportements basiques, il a su extrapoler une évolution de leur société matriarcale, des règles qui auraient pu être mises en place en son sein, les guerres contre d’autres espèces, le partage des connaissances avec leurs descendances, mais aussi la place  prédominante de la religion (pas comme nous la connaissons, je vous laisse découvrir par vous-même) et de la science qui sont les deux piliers de leur civilisation. Cette évolution nous est relatée à travers plusieurs générations d’araignées, plus précisément de personnages récurrents qui semblent se réincarner à chaque grand changement de leur histoire: Portia, Bianca et Fabian. Ce qui est très pertinent, car ils servent de point de repère pour le lecteur et de témoins… Un peu comme Holsten pour les humains. Quelques-uns de leurs événements historiques pourront avoir un  écho avec ceux que nous avons connu sont pour autant être totalement similaire et ne connaissant pas la même finalité. J’ai vraiment  adoré suivre la création de cette civilisation qui a dû composer avec ses instincts primaires et l’intelligence apportée par le nano-virus.

Bon sang… Quel voyage au-delà des étoiles ! J’ai savouré ce roman du début à la fin. Des semaines sont passées et j’ai encore certaines scènes du livre qui se jouent dans ma tête. Cela fait si longtemps que je n’avais pas lu une aventure aussi dense. Je vous avoue que mon regard a un peu changé sur ces « demoiselles à 8 pattes ».
Mais au-delà de tous ces ressentis, c’est un élément en particulier qui me fait dire aujourd’hui, que c’est un coup de cœur:
-l’émergence d’un souvenir du passé.

Petite fille, lors de mes premières semaines d’inscription à la bibliothèque jeunesse du quartier, j’empruntais souvent un livre consacré aux araignées. Avec ma petite sœur et mes petits frères, on s’amusait à s’effrayer en découvrant les différentes espèces. Et comme vous pouvez en douter, l’araignée Portia faisait partie de celles qui nous faisaient peur. Pourtant, malgré ce sentiment de crainte mêlée à de la répulsion, on pouvait s’empêcher d’être fascinés… C’est ce que j’ai ressenti durant toute ma lecture. L’auteur avait éveillé en moi un souvenir de mon enfance tout en me plongeant dans un univers riche. Et rien que pour cela, je l’en remercie grandement.

Conclusion:

Parfois, vous tenez entre vos mains un roman qui marquera grandement le genre dans lequel il évolue et, cerise sur le gâteau, il deviendra l’un de vos plus beaux coups de cœur. Ce fut le cas avec « Dans la toile du temps » qui a, pour moi, tous les éléments pour devenir un classique de la SF. Certes, le rythme – la dynamique  et l’attraction qu’apportent le développement de la civilisation des « Portia » est bien plus fort que celle de la partie humaine, mais cela ne gâche en rien l’aventure dans laquelle vous propulse la plume de l’auteur.

Si vous aimez la SF, je vous conseille vivement de découvrir ce roman qui va devenir un incontournable ! Pour ceux qui débutent dans le genre, bien qu’il soit considéré comme un « Hard SF », il ne reste pas moins abordable. Vous ne vous sentirez pas perdu dans des termes trop techniques et l’immersion entre les deux civilisations est très bien amenée avec l’utilisation d’ellipse temporelle qui rend le texte très fluide.

Il est temps pour moi de quitter cette toile à laquelle j’ai pris plaisir à m’y accrocher. La « Alice » que j’étais devenue doit retourner à sa réalité. Pourtant, j’ai conservé un fil, car je savais pertinemment que j’allais revenir. J’écouterai de nouveau l’histoire de ces deux civilisations et attendrai fébrilement le choc de leur rencontre. Pour le moment, je salue cette « grande dame » qui me contemple depuis le centre de sa toile…

(Image à la une d’ Anthony Star )