La librairie Al Kitab : coin des amoureux de lecture depuis 1967

Par Ciena Ollier @cienaollier

Comme je vous l’ai dit dans un précédent article, lorsque j’étais enfant je partais en Tunisie tous les étés et, à chaque fois la même question cruciale se posait : quels vêtements enlever en douce de la valise familiale pour y pouvoir caser le plus de livres possible ? Jamais assez bien sûr ! De ce fait au bout de quinze jours de vacances, au mieux, ma brave grand-mère m’emmenait à la librairie Al-Kitab, sachant que c’était le meilleur endroit pour y trouver des livres en français.

25 ans après mon dernier voyage en Tunisie, si le pays a changé, la librairie, elle, à mon grand étonnement, était encore là.

Alors j’ai eu une petite idée : et si j’allais interviewer le responsable ? Parler avec lui de la Tunisie, de la littérature du pays  et tout et tout ?

J’envois donc un petit mail timide et là je suis immédiatement contactée par sa dirigeante, Selma Jabbes. Rendez-vous pris, je me rends à la librairie du centre-ville (il y e a une autre en proche banlieue)

Pour être honnête, dans ma mémoire, elle était beaucoup plus petite ! Selma (qui m’accueille très chaleureusement dans son bureau avec un boisson fraîche) m’apprend alors qu’elle fait 250 m² et a en rayon 10 000 livres (elle m’expliquera en riant que la quantité de livre qui n’est pas en rayon pour différente raison est largement plus importante).

Une autre chose qui m’a beaucoup intriguée est que deux heures avant, j’étais à l’autre bout de la ville à discuter électronique avec un ingénieur. Je prends congé de ce monsieur en lui disant que j’ai rendez-vous à la librairie Al Kitab. « Ah me répond-il, si vous y allez, vous allez trouver un clien, un grand homme habillé en orange avec pleins de tatouages, saluez-le de ma part ! ». Arrivée sur place, je flâne dans les rayons avant d’entamer mon interview et je vois tout de suite la personne en question, je l’aborde au moins aussi surprise que lui de l’y avoir trouvé et lui passe le message.

Plus tard je demanderai à Selma si c’est un employé. « Ah non, me dira t’elle c’est un habitué, un de nos très grands lecteurs. Il est quasiment toujours ici ».

Il faut dire aussi que la librairie Al Kitab est une institution à Tunis. Ouverte en 1967 par la première femme librairie dans le monde arabe, Lilia Kabadou, elle a été ensuite reprise par Selma qui est en fait sa fille (ça je l’ai appris plus tard parce que Selma, qui est la modestie faite femme, ne m’en parlera pas).

Il faut aussi dire que si vous aimez les livre c’est un endroit un peu magique.

Il y en a pour tous les goûts et toutes les langues : arabe, français, anglais, j’ai même cru voir de l’espagnol.

Il y a aussi, bien sûr, tous les genres du manga au beau livre en passant même par le scolaire.

Après avoir fait le tour des rayons, j’entame donc mon interview dont voici, à peu de choses près le contenu :

 « Bonjour Selma et merci de m’avoir reçue ».

« Il n’y a vraiment pas de quoi. Une librairie n’est pas seulement un lieu où on vend des livres mais aussi où on s’ouvre sur le monde donc merci à vous de nous le permettre ».

« Selma, comment publie t’on un livre en Tunisie ? »

« Et bien en général il y a deux possibilités : soit on passe par un éditeur de façon tout à fait classique, soit on prend son courage à deux mains et on se présente aux librairies. »

« Vous voulez dire qu’en Tunisie l’autoédition est une pratique courante ? »

« Oui plutôt, d’autant que le métier de distributeur n’existe pas en Tunisie. Ce sont les éditeurs et les auteurs qui distribuent leurs livres ».

« Pour une question de coût ? »

« Je suppose mais c’est dommage »

« Parlant des éditeurs, est-il aussi difficile en Tunisie de se faire éditer qu’en France ? »

« Et bien en fait d’un côté la Tunisie étant un pays plus petit, il y a bien sûr moins d’écrivains à publier. D’un autre côté on tient beaucoup à ne pas publier « à la chaîne », enfin les moyens financiers ne sont pas aussi importants qu’en France et le lectorat est différent »

Concernant les autoédités. Sont-ils nombreux et souffrent-ils du monopoles des éditeurs ?

« Nombreux non et je ne crois pas qu’ils souffrent du monopole des éditeurs. Comme il y a moins d’auteurs tunisiens, du moins dans la catégorie des romans, c’est surtout le manque d’objectivité par rapport à son talent et au marché du livre qui rend la vie d’un auteur autoédité difficile »

« Est-ce que les tunisiens lisent beaucoup ? »

« Honnêtement, en général non. Ce n’est pas de leur faute mais notre système éducatif ne privilègient pas vraiment le goût de la littérature. Le second problème est l’utilisation des médias. »

« Comment ça ? »

Et bien dans notre pays, les jeunes sont friands de séries américaines, de « netflix », de « youtube ». Il cherchent du coup les mangas ou les poches de leur série préférée. Or les livres tunisiens et français coûtent chers. Les américains, eux, ont appris à casser leurs prix. De ce fait lorsqu’un jeune lit, ça sera de la BD, des livres sur les loups-garous et les vampires etc… Le tout en anglais.

« En anglais ?? »

Et oui. Vous savez la Tunisie est un pays francophone et francophile par nature. Les enfants ici apprennent le français dès le CE1. Mais voilà, avec les lois françaises concernant le livre, l’euro, le dinar qui chute etc… les livres français sont vraiment hors de prix pour les familles. Les livres américains ne coûtent presque rien à coté mais j’ai pu constater quelque chose de très surprenant…

« Qu’est-ce que c’est ? »

Et bien lorsqu’un lire en anglais sort, il est traduit en français, bien sûr, mais au moins six mois après ! Je m’en suis aperçue dès la sortie du quatrième tome des « Harry Potter ». Vous vous doutez bien que les enfants ne veulent pas attendre ! Alors il lisent en anglais et délaissent non seulement les beaux classiques mais le français et l’arabe au profit de l’anglais.

Et quand ils lisent, qu’est-ce que les tunisiens préfèrent ?

Honnêtement les tuisiens ont toujours plus été des chercheurs et des scientifiques que des  romanciers. De ce fait nous avons beaucoup d’essais et beaucoup moins de romans par exemple mais nous avons quelques bons auteurs aussi. D’ailleurs je vous confie ces livres, j’espère qu’ils vous plairont. NDLR : chroniques en cours

« Si nous, en France, souhaitons découvrir les auteurs tunisiens, comment faire ? »

Vous pouvez accéder à notre catalogue en ligne ici et bien sûr commander en ligne depuis la France ! Mais je serais ravie de vous accueillir sur place aussi ! N’hésitez pas à vous faire connaître. On adore discuter avec les lecteurs !

Voilà les amis. Si vous passez par Tunis ou la Marsa, la librairie Al Kitab vous attend et pour vous mettre l’eau à la bouche, nous avons pris quelques photos.

                               

Très bientôt, vous retrouverez aussi livres qui Selma m’a très gentiment confiés.

Pour plus d’information :

Librairie Al Kitab

43, Av Habib Bourguiba – 1000 Tunis / 14, Av de L’Indépendance 2070 La Marsa

www.librairie-alkitab.com
contact@alkitab.com.tn